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mercredi 5 décembre 2018

Le vélo a changé ma vie - Chapitre 3


Si vous n'avez pas lu les premiers chapitre, suivre ce lien

Chapitre 3
Mon premier bicycle

Nous étions déjà rendus en juillet. Mondou que l’été passe vite. André Blondin, un de mes chums de sorties dans les bars, me demande de l’aider à déménager. Tout comme moi, il venait de se séparer. Nous avions à peu près tout chargé dans le camion ce qui lui appartenait dans la maison. André m’invite à vider le garage de cossins entreposés là. Quelques chaises de parterre, un poêle Coleman, un sac de golf…et que vois-je sur le mur suspendu en l’air sur un crochet? Un beau vélo jaune.
«  C’est à qui ce vélo-là André »?
« Bien, c’est à moi. »
« Es-tu sérieux? Tu ne m’avais jamais dit cela que tu faisais du vélo? »
« Je n’en fais pas non plus. J’ai ce vélo depuis longtemps. Je l’avais acheté à un moment donné dans l’idée d’en faire plus, puis cela ne m’a jamais adonné. »
André est le genre de gars qui achète toujours la première qualité. Il avait ce petit côté fierpett d’avoir toujours ce qu’il y a de mieux ou de se procurer les dernières technologies, genre les petites mini-caisses de son performantes, le Walkman dernier cri etc .
« Puis-je le voir? »
« Bien sûr, de toute façon, faut le décrocher pour le mettre dans le truck » 
André s’était bien aperçu que je le regardais minutieusement. C’était aussi un vélo Poliquin, pas haut de gamme comme celui de Jocelyne, mais il n’était pas mal du tout. Il semblait avoir des roues en aluminium et la pneumatique n’était pas aussi large que les vélos standards 24 pc comme mon ancien Chinic que j’avais eu jeune. Les pédales étaient faites pour accueillir des souliers de vélo à l’intérieur d’étriers. À cette époque, les cales d’aujourd’hui n’existaient pas. Les souliers avaient une semelle rigide avec une fente transversale en dessous du pied, qui permettait au soulier de s’ancrer sur le dessus de la pédale en métal à l’intérieur de l’étrier. Il ne nous restait qu’à bander la sangle des étriers pour nous empêcher d’en sortir, à moins d’une sévère chute. Dans ces cas-là, la force du choc, en arrivant au sol, faisait en sorte que les souliers te sortaient spontanément des étriers. Cela t’évitait de tomber avec le bike accroché entre les jambes. J’ai quand même vu quelques gars faire de mauvaises chutes les deux pieds emprisonnés dans leurs étriers, parce qu’ils les avaient trop serrés, m’a te dire qu’ils avaient l’air fins!!
« Savais-tu André que j’ai commencé à en faire du vélo? »
« Oui, j’en ai entendu parler un peu par Lambert que j’ai vu dernièrement » 
Yves Lambert est un autre de nos très bons amis qui lui, est adepte de vélo de montagne. D’ailleurs, je me souviens d’histoires de vélo de montagne sans intérêt pour moi à l’époque, qu’il nous racontait autour d’une bière. Modeste comme il est, il s’était toujours très bien classé ou encore mieux, il nous disait compétitionner dans des raids longues distances contre les Pierres Harvey et Yves Bilodeau de ce monde lors du fameux Raid Pierre Harvey, qui se déroulait sur 3 jours à partir du Lac Beauport.
« Dis-moi André me le prêterais-tu? »
« Bien oui cela va m’éviter de le mettre dans le truck »
J’avoue que cela m’enlevait le poids de risquer de briser celui de Denis à la maison. Celui d’André n’avait peut-être pas un dérailleur aussi précis que celui de Denis, mais il avait l’avantage d’être un peu plus léger. Puis, si je le brisais, je me sentais plus à l’aise de dealer cela avec André qu’avec Denis. Je me sentais comme un enfant qui vient de recevoir le cadeau de Noël qu’il attendait depuis des mois.

Aussitôt arrivé chez moi, je me suis empressé de transférer le petit odomètre que je m’étais acheté. Je suis parti au fond la caisse sur le boul. Valcartier pour voir si j’étais pour mieux me débrouiller qu’avec mon cyclo. Il était un peu plus court, les vitesses étaient moins nombreuses, mais le tout s’enchaînait très bien.

À rouler régulièrement, presqu’à tous les jours après mon travail dans le coin de Loretteville, je m’étais bâti plusieurs parcours. D’où je restais, je pouvais me diriger sans problème aux 4 points cardinaux de la ville. Vers le Nord pour les équerres en montagne , à l’est vers Lac Beauport par la rue de la Faune, vers Saint-Émile à l’ouest en passant par Monseigneur Cook et vers le Sud par Saint-Jacques. 

Ma vie venait de changer du tout au tout. Je me sentais bien. Je ne fumais plus et je n’étais plus tellement attiré par la dope. Je me suis mis à revoir plus régulièrement quelques-uns de mes anciens potes du temps que je travaillais en délinquance, Yves Lambert le gars de mountain bike et André Tremblay un de ses amis, que j’avais également connus au centre pour délinquants. D’ailleurs, j’ignorais que depuis le temps que nos routes s’étaient séparées, qu’André et son jeune frère Patrick, faisaient beaucoup de vélo de route. Je n’étais pas le seul, ma foi, qui avait donné un coup de barre dans sa vie. Curieusement, les deux frères demeuraient à Shannon pas très loin où je demeurais. Même que son petit frère, d’âge sénior, courait pour Bicycle Record, une boutique où il m’arrivait d’acheter des accessoires. Le Centre du Bicycle Sainte-Foy, une autre boutique de vélo où j’allais également fouiner, avait également une équipe de compétition. C’est à partir de ce moment que je me suis mis à m’intéresser un peu plus à ce circuit. Les courses étaient assez bien organisées par un dénommé Jean-Yves Labonté, un ancien mécano de vélo, qui s’était recyclé en coach et organisateur de courses. Ce circuit s’appelait les mardis cyclistes de Québec. Tous les mardis, le jeune frère d’André, Patrick, comme beaucoup d’autres jeunes du Centre de bicycle St-Foy, des indépendants de partout en région, des mordus de vélo de compétition quoi, se donnaient rendez-vous pour une course sanctionnée par la Fédération Québécoise du Sport cycliste (FQSC). Ces courses m’intéressaient d’autant plus que les maîtres cyclistes, les vétérans, couraient également sur le même circuit que ces jeunes Séniors et Juniors. Les maîtres eux devaient être âgés de plus de 35 ans et ils étaient subdivisés en catégories par dizaines d’années; les A avaient entre 35 et 45 ans, les B de 45 à 55, les C entre 55 à 65 ans et enfin les D à plus de 65 ans. Ces maîtres m’impressionnaient vraiment beaucoup. Ils partaient en arrière des Séniors et Juniors et certains maîtres « A », les plus jeunes et même certains « B », pouvaient arriver dans le peloton des jeunes, et même en larguer plusieurs. Ils étaient pas moins de 70 cyclistes sur la ligne de départ à cette époque, toutes catégories confondues. J’adorais entendre le roulement des pneus gonflés à bloc, lorsque le peloton passait devant moi. Les voir sortir d’un virage avec ce bruit de roulement, côte à côte en formation de 2 ou 3 de large avec le meneur à l’avant, qui devait garder sa vitesse en entrant dans les virages pour en ressortir en pleine accélération, me donnait des frissons dans le dos. Cela me faisait triper au boutt de les voir garder le rythme tour après tour considérant ces nombreux virages. Ces critériums pouvaient ne durer qu’une heure à une vitesse de plus 42 l’heure.

Je me suis fait quelques amis à les suivre de même, semaine après semaine. Le ptit frère d’André bien sûr, mais aussi quelques autres comme Carl un type que j’avais conseillé pour démarrer son entreprise d’affichage extérieur. Il y avait aussi ce mécano chez Record Bicycle, qui menait une vie de coureur en parallèle. Il y avait aussi plein d’autres cyclistes qui, tout comme moi sur le bord de la chaussée, n’avaient pas les couilles de ces gladiateurs, rêvassant comme moi d’en faire un jour partie. Honnêtement, durant cet été-là, je n’osais même pas imaginer qu’un jour je puisse y arriver.

De toute façon, je n’avais pas l’âge, la forme, l’expérience de ces gars-là, et le vélo qu’il fallait, malgré mon beau Poliquin jaune. Par contre, je ne désespérais pas. Je n’avais pas recommencé à fumer et j’étais moi-même surpris de la régularité que je mettais à l’entrainement. Presque tous les soirs, à mon arrivée du travail, j’enfourchais ma bécane et je partais sur un no where. J’avais commencé à m’acheter du linge un peu plus hight tech, des cuissards plus de qualité, des maillots plus flamboyants et parfois je me risquais à courir après des cyclistes que je voyais pour m’y accrocher le plus longtemps possible, jusqu’à ce qu’ils me décrochent. Parfois, je n’en faisais pas de cas et en d’autres moments, je le prenais plus mal, surtout si c’était une chevelure un peu grisonnante qui me réservait le même sort, si je m’approchais de lui. Je me disais toujours, mais ou a-t-il pu trouver cette puissance pour me décrocher de même ste christ-là? Il n’est pas plus costaud que moi physiquement ce gars-là pourtant !

L’été tirait à sa fin et j’étais toujours aussi excité d’embarquer sur mon vélo pour tenter de m’améliorer. Je commençais à assimiler plein de choses et surtout à comprendre certaines subtilités du cyclisme de compétition comme la gestion de ses énergies ou de l’effort. Combien de fois me suis-je retrouvé lors de sorties avec quelqu’un qui me déposait sur le haut d’une bosse. D’une fois à l’autre, j’essayais toujours d’être plus intelligent et plus futé que  lui, surtout qu’ils étaient, plus souvent qu’autrement, plus forts que moi. Je me couchais le soir et je revoyais en reprise chaque moment que je me faisais décrocher par quelqu’un que je calculais capable de suivre. Je découpais ces moments-là dans ma tête en essayant de me rappeler comment je m’étais senti, quand mon corps m’avait dit ne plus être capable, même si je lui commandais de poursuivre. Il fallait que je découvre pourquoi. Avais-je trop forcé avant? Étais-je mal gearé? Trop souple? Trop dure? Aurais-je pu me camoufler mieux? Ai-je abdiqué trop tôt? Ma position sur le vélo était-elle bonne? Aurais-je pu souffrir encore 10 secondes de plus? Dans les faits, je ne crois pas que j’aie pu être capable de me poser toutes ces questions dans ce temps-là. Je n’avais pas encore assez d’expérience. Ce n’est que beaucoup plus tard que j’ai compris toutes les vraies subtilités du vélo de compétition.

Ce circuit des maîtres cyclistes, qui se déroulait tous les mardis, pouvait permettre à un cycliste comme moi, qui ne détenait pas de licence de coureur émise par la Fédé, de participer jusqu’à trois courses avec une licence temporaire. Cela permettait justement à des nobody comme moi de savoir où ils en sont. Je n’avais évidemment pas l’âge des maîtres encore, mais je m’en foutais d’être classé sénior avec des ptit jeunes de vingt quelques années. Les gars avec qui je voulais rivaliser étaient les vétérans. Alors, je n’allais tout de même pas me planter en avant du pack sur la ligne de départ, juste parce que j’avais été classé dans la catégorie des plus jeunes. Quand même, pas fou le gars !

Je me suis donc inscrit à la dernière course de la saison. Nous étions comme vers la fin du mois d’août. La course se déroulait sur la Rive-Sud de Québec. Il s’agissait d’un sur route, c’est-à-dire sur un tracé que nous pouvions faire à quelques reprises, mais sur une distance beaucoup plus longue que sur un critérium, vous savez ces petits circuits de plus ou moins 1 kilo qu’on fait une quarantaine de fois!! 160 virages à 90 degrés avec des relances après chaque virage…Non merci, je ne voulais surtout pas m’embarquer dans ces bagarres. Un sur route m’effrayait déjà bin assez.

Je me souviendrai toute ma vie de cette première épreuve. Tous les gars qui se réchauffaient avant le départ. Tous rasés, bin cut avec leur petit maillot bin tight, j’étais déjà intimidé. Je ne comprenais pas pourquoi certains pouvaient s’époumoner à faire le tour du circuit ou à rouler des kilomètres et des kilomètres avant le départ. Pour ne pas avoir l’air niaiseux, je me suis mis à faire un peu la même chose, mais je ne voulais pas trop pousser non plus par crainte de gaspiller des cartouches pour la course. Mondou que j’ai rapidement compris après le départ pourquoi les gars avaient roulé si intensément avec intervalles pour monter leur pouls cardiaque presqu’au max avant la course.

Aussitôt le départ donné, les gars sont partis comme des balles, à tombeaux ouverts!! La course n’avait pas quelques mètres de complétés, que je me suis retrouvé largué par tout le monde, sauf par quelques vétérans de la classe D, vous savez les plus de 65 ans!! Le but que je m’étais fixé était de ne pas finir dernier. Heureusement, il y en avait quelques-uns dans ma mire que j’aurais aimé aller chercher, mais que je n’ai pas pu rejoindre et une couple d’autres en arrière de moi dont un, que j’ai tout fait pour le garder en arrière afin de pouvoir tenir ma promesse.

J’ai ressenti une certaine fierté lorsque j’ai traversé le fil d’arriver longtemps après les premiers sous quelques applaudissements pour me dire que je n’étais pas un lâcheux ! Mais d’un autre côté, j’étais déçu de ne pas avoir fait mieux. Seul avec moi-même, assis sur le bord de mon coffre de voiture, je revisualisais le départ et je cherchais à comprendre encore qu’est-ce que j’aurais pu faire de mieux pour ne pas me faire larguer si tôt de même. M’être réchauffé davantage? Ouvrir la machine dès le départ comme eux ont fait, quitte à péter au fret 200 mètres plus loin? Même si j’étais plus jeune qu’eux et que je m’étais entrainé tout l’été, j’ai dû admettre que je n’étais pas suffisamment prêt pour ces courses. Je m’en suis retourné chez moi seul, mon beau poliquin jaune dans le coffre, tout de même heureux d’être allé jusqu’au bout de mon projet et de ne pas avoir fini le dernier.

***
(À suivre... dans une semaine)

Coach BOB la gazelle!
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Aussi un rouleur!

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Note de l'auteur

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3 commentaires :

  1. Très intéressant, Bob... T'es un vrai..

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  2. Chaque chose a un début ou il faut bien commencer à quelque part :-)

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  3. André blondin m'a ecrit pour me dire " Je m'en étais rappelé. Tu as de la mémoire mon cher, Tous ces détails."

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