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Le vélo a sauvé ma vie




Le vélo a sauvé ma vie
Robert Harmegnies
Robert Harmegnies, l'auteur.

Robert Harmegnies n’est pas un écrivain et ne prétend pas l’être. Il ne s’était jamais aventuré plus loin dans l’écriture que pour raconter ses histoires souvent rocambolesques sur son blogue « Rouler à Québec », qui est une façon pour lui de se rapprocher de ses amis(e) cyclistes. Au fil du temps, une relation s’est établie avec eux. Un personnage est aussi né, « Coach Bob la gazelle » dont les histoires et récits ont souvent débordé les frontières du Québec.


Le vélo a sauvé ma vie est son histoire racontée sans prétention, avec la prose qu’on lui connait, et imprégnée de l’accent et du langage typiquement québécois. Ce récit de sa vie et de ses incongruités est également un prétexte pour Coach Bob la gazelle de vous livrer quelques-uns de ses précieux conseils sur la pratique sportive du vélo. Un témoignage de confiance en la vie pour ceux qui doutent parfois d’eux-mêmes. Rien n'est fini tant qu'on n'a pas traversé le fil d'arrivée.

Délivrons-nous du mal et du péché!

Merci et bonne lecture.
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Le vélo a sauvé ma vie

Chapitre 1
Jeunesse faut qu'elle se fasse

Je n’ai jamais été premier de classe et encore moins le meilleur scoreur de mon équipe de hockey lorsque j’étais tout jeune. Par contre, je pouvais connaitre beaucoup de succès ailleurs. Je me souviens de ma maitresse de première année qui me prenait par le cou, me serrant contre elle, j’avais le nez enfoncé dans sa poitrine, étouffant quasiment, qui me disait » ah toi mon beau ptit Robert que je t’aime donc »! J’avoue, cela me faisait du bien. Je suis bien content d’avoir vécu à cette époque. Aujourd’hui, elle se serait faite accusée en justice pour mal intentionnée envers un mineur et il est certain que je n’aurais pas connu ces doux moments de bonheur et de réconfort. 

Je suis issu d’un milieu sain. Je suis vraiment reconnaissant envers la vie de m’avoir catapulté dans une aussi bonne famille que la mienne. Nous n’étions pas les plus riches, mais nous n’étions pas les plus pauvres non plus. Je dirais de la classe sociale moyenne supérieure. On vivait dans une grande maison dans le quartier saint Sacrement de la haute ville de Québec. J’ai passé plusieurs étapes importantes de ma vie dans cette paroisse. J’y ai appris la combativité, la discipline dans le sport, je m’y suis battu pour la première fois, ai fait mon premier larcin, m’y suis saoulé la gueule très souvent pour en être malade et j’y ai frenché ma première fille. À vrai dire, je n’ai jamais été attiré par les ptits garçons. Pourquoi ai-je dit « ma première fille »? Parce que, voyez-vous, elle n’était pas ma blonde. Non pas que je ne voulais pas, ohhhhh que non, mais elle faisait partie de celles qui n’ont pu s’empêcher de m’embrasser juste pour le fun… Elle voulait rendre jaloux celui de son cœur, parait-il. C’est ce qu’elle m’avait dit en tout cas. Non, mais vous vous imaginez comment je me suis senti? Tu sais,  à 35 ans, on s’en fout-tu qu’une fille veuille t’embrasser pour le fun! Cela peut même faire ton affaire, allez next! Elle ne veut pas de moi? Bien fuck! C’est elle la pire. Mais à cet âge-là, on ne comprend pas tout à fait la complexité des sentiments amoureux. Quand on est jeune, on est comme le centre de l’univers, alors on se sent trahi. Puis en plus à 15 ans, en pleine puberté, quand ton affaire est bin dure sans que t’aies eu à y toucher, omnibulé par tes fantasmes qu’un jour, peut-être, une fille entrera sa main dans ta culotte, oufff pas facile tout cela. Non! Pas facile.

Alors voyez-vous? Comme je vous ai dit tantôt, toujours le 2e! De toute façon, je n’ai été que très très rarement le meilleur. À l’école pour mes notes, au ballon prisonnier, dans les sports, avec ma gang de chums, et aussi loin que je me souvienne, je n’ai jamais été la vedette ou le meilleur. Par contre, j’ai toujours été un rouage important dans les succès des équipes dont je faisais partie. Je me souviendrai toujours, alors que j’étais gardien de but dans les petites ligues de hockey mineur, toujours dans le quartier St-Sacrement de mon enfance, dans le calibre « A », j’arrêtais tout. Un mélange à la Ken Dryden et de Glen Hall pour se tenir debout et pour le style papillon. Il m’arrivait souvent de me coucher de tout mon long la jambe en l’air pour arrêter un lancer dans la corniche du bout de mes jambières, sans même m’en apercevoir! J’avais le gout du spectacle voyez-vous. J’avais aussi l’une des meilleures mitaines de la ligue. Je rêvais tellement d’être repêché par les Castors de Québec (AA) à l’époque, le club représentant la ville de Québec au fameux tournoi Peewee, que lorsqu’on m’a laissé de côté au repêchage pour un autre que je connaissais,  beaucoup plus drabe que moi, j’en ai ragé. Ce n’est que beaucoup plus tard, que j’ai compris que mon côté olé olé, du petit malcommode, indiscipliné, m’avait valu cette mauvaise note. Ce fut le premier échec de ma vie, parce que jusqu’à ce jour, bien honnêtement, j’avais toujours obtenu tout ce que je voulais. L’année d’après, je me suis dit « fuck man», ils ne veulent pas de toi, ta carrière est finie dans les buts, bien je vais monter à l’avant d’abord! Depuis l’âge de six ans, que je tricotais avec la rondelle tous les soirs sur la patinoire des sœurs du collège en arrière de chez moi avec mes chums après nos devoirs d’école. Fouetté, aigri, en beau Cal... à cause de cet échec, je courais après tout ce qui bougeait sur la patinoire sur le 4e trio de mon équipe. J’étais un « grinder ». Vous savez, celui qui doit aller dans les coins pour s’emparer du puck comme disait mon père pour la refiler à son centre pour qu’il la mette dans le net! Si le club adverse voulait faire un exemple de rudesse pour secouer ses troupes, bien c’est à moi qu’ils s’en prenaient. Je faisais assez de marde sur la patinoire, j’écœurais assez le peuple, et gros comme j’étais, je devenais la cible des plus forts. Je n’ai pas eu le choix. J’ai dû apprendre à jeter les gants, puis à me protéger de l’agresseur jusqu’à ce que l’arbitre intervienne. Cimonac que j’avais hâte qu’il arrive celui-là des fois. C’est à partir de ce moment-là que j’ai compris qu’il n’y avait rien de facile dans la vie. C’est également au travers ces expériences-là, que je prends conscience aujourd’hui combien elles ont été utiles pour moi dans la vie pour me sortir du pétrin, pour ne pas me décourager lorsque je fais face à des difficultés. C’est d’ailleurs le problème de beaucoup de jeunes aujourd’hui je dirais. Ils l’ont tellement facile, leur mouman les protègent ou les excusent tellement de tous leurs gestes, que lorsqu’ils sont à terre, ils ne sont plus capables de se relever seuls. C’est la faute des autres bien sûr, mais bon, c’est une autre histoire…

Quelques années plus tard, ma mère m’a forcé à entrer au Collège des Jésuites. J’avais une douzaine d’années, je crois bien. Mon grand frère Claude, le plus vieux, y était passé, avait donné l’exemple, donc fallait que j’y aille. J’avoue que cela m’avait pas mal écœuré de perdre tous mes chums de la petite école. 
Le petit dernier à droite en bas
Heureusement que je fus séduit par mon prof d’éducation physique, Jacques Roy, un dur de dure, la vieille méthode envers ses élèves. Il avait le tour de nous motiver dans les sports et d’aller chercher en nous le désir de vaincre. Je me rappellerai toujours d’un type, qui s’était fait tirer un ballon de basket par lui dans le dos, parce qu’il me reprochait d’avoir fait un mauvais jeu lors d’un entrainement! « Hey le grand!! Tu laisses Harmegnies tranquille compris! » Je ne sais pas si vous le savez, mais recevoir un  ballon de basket dans le dos lorsque t’es un tit cul de 12 ans, ça te secoue le pommier pas à peu près. Aujourd’hui, un prof ferait cela, il serait mis dehors sur-le-champ, ferait le front page du journal le lendemain, puis les parents le poursuivraient en justice pour séquelles mentales à leur pôvre tit loup! J’avoue que je fais partie de la génération qu’une bonne baffe en arrière de la tête ne faisait pas de tort. Et Dieu sait combien nous en avons reçues chez nous par le bonhomme, oups excusez, mon père je voulais dire. Il allait chez Canac-Marquis à l’époque et achetait les règles en bois d’une verge les plus secs qu’il pouvait trouver dans le magasin. Quand le vendeur le voyait fouiller dans le tas, il s’approchait et disait…

« Je peux vous aider, monsieur? Je vous suggère de prendre celles-ci, celles que vous avez entre les mains ont un peu d’âges… Je crois qu’elles sont un peu sèches, laissez-moi voir ailleurs…»
« Non non », disait-il en me faisant un petit sourire,  je vais toutes les prendre monsieur!!"

Il les remisait toutes debout contre le mur en arrière du calorifère de la cuisine à la maison. Vous savez ces vieux calorifères en fonte à eau chaude. Si je faisais une gaffe, si je disais que le repas de maman n’était pas bon, qu’il apprenait que j’avais fait tomber une lampe en courant dans la maison, bien il s’en attrapait une rapidement pour me courir après et me la casser dans le dos. Il y avait 15 marches d’escalier pour monter au 2e plancher vers ma chambre. Si je pouvais arriver au pied de l’escalier avant qu’il m’attrape, je pouvais m’en tirer. Si je me souviens bien, je montais l’escalier en trois enjambées! Lui aussi il aurait pu aller en prison pour maltraitance envers les enfants si la loi 24[1] avait existé.

Enfin, revenons à mon prof d’éduc. Je peux vous dire qu’après cet événement du tir du ballon dans le dos, les consignes de jeux pour chacun étaient claires et surtout respectées. Sous ses ordres, nous avions gagné l’inter collégial au Basket, j’avais mené mon équipe de gouret de salon en final, puis j’étais le meilleur coureur de Track & Field au 400 mètres des 8e années aux finales collégiales contre le Séminaire de Québec. Il y avait cependant une ombre au tableau. J’étais très indiscipliné à l’école et en raison de mes comportements déplacés, je me retrouvais un peu trop souvent en pénitence sur la piste de course à ramasser les samedis matin les cailloux trop gros pour les souliers à crampons. Ce qui devait arriver arriva, lorsque ma mère fut convoquée en fin d’année pour se faire dire que son jeune se faisait sacrer dehors à cause qu’il n’avait pas obtenu la note de passage avec un 58 %!
« Votre jeune est un peu trop vieux pour ses petits amis vous savez Mme Harmegnies »
Une façon polie de lui dire que je parlais trop de cul, de petites culottes de tites filles, pis de saloperies avec mes chums de classe… de bonne famille. Je m’imagine encore un de mes amis trop "straight" parler de masturbation à ses parents à la maison.
"Mais mondou où as-tu appris ces cochonneries-là François?
"Ah, maman c’est Robert Harmegnies, il est assez drôle ce gars-là!!!" 
Mon prof d’éduc avait vainement tenté de faire changer la décision, compte tenu de mes prouesses sportives pour le collège, mais j’avais trop fait de frasques à l’école. Le directeur était bien trop content d’avoir enfin trouvé une bonne raison pour se débarrasser de moi!

Je dirais que c’est à partir de ce moment-là que ma vie est devenue un peu plus compliquée, qu’elle a pris une tournure que je n’avais même pas prévue moi-même. J’ai été recalé aux écoles publiques pour terminer mon secondaire, aux écoles de la vie, soit à Saint-Jean-Baptiste et Joseph François-Perreault. Je dis école de la vie, parce que j’ai fait face à bien des situations dans ces deux écoles que je n’aurais jamais connues au Collège et qui, encore aujourd’hui, me servent pour affronter la vie avec sérénité et confiance.

Eh bien, fini le sport les amis! Même si le football faisait son entrée sur la scène inter scolaire avec les écoles anglophones de Québec qui dominaient le circuit, le football était un sport de "block", je n’y étais pas attiré. Pas compliqué, je me serais fait tuer. Non, j’ai préféré demeurer concentré sur mes activités de président du club raquette durant l’hiver, ma couverture pour être le meilleur pusher de l’école. N’ayant pas d’argent de poche de mes parents, tanné de me lever à 6h du matin pour passer le journal, j’avais trouvé la job idéale pour me faire du fric! J’avais même une couple de profs comme clients. Je me suis mis à fumer la cigarette, des « Belvédères », et j’avais une couple de bons chums avec qui j’adorais me tenir. On se gelait le cerveau, on allait avec nos fausses cartes prendre 5 à 10 petites bières à la taverne « Le Foyer » sur la rue Saint-Jean, puis on courait après les petites filles sur la terrasse à l’arrière du château Frontenac jusqu’à tard le soir. Plus tard, nous avons tous obtenu notre diplôme de graduation pour aller sur la Grande-Allée.[2]   À 19 ans, j’avais mon char de l’année, je ne payais pas pension à la maison, puis je travaillais, imaginez-vous, comme éducateur dans un centre correctionnel pour jeunes délinquants tout juste en face de chez moi. Bin quoi? Vous êtes surpris? Qui croyez-vous pouvait être le mieux préparé pour s’occuper de jeunes délinquants, qu’un gars dans mon genre qui avait connu sa part de problèmes? Les jeunes qu’on drillait d’un bord et nous les éducateurs de l’autre, qui faisions nos transactions de dop dans le stationnement de l’institut. Les jeunes s’en doutaient. Ils savaient que nous n’étions pas des enfants de chœur. Puis tout le monde fumait un joint dans ce temps-là. Quiconque qui n’avait pas eu une jeunesse tumultueuse, ne pouvait pas travailler dans ce milieu. On avait juste été plus chanceux qu’eux autres, meilleures familles, meilleurs amis, milieu de vie plus favorable et né du bon bord de la clôture. Vous êtes outrés?  Bien, voyons donc, descendez de votre tour d’ivoire! Dans tous les milieux de travail, en politique, en n’importe quel domaine, il y en a toujours un, une ou plusieurs, qui n’auraient pas pu faire son travail si on avait tout su sur eux. Heureusement, à mon époque, nous étions évalués par nos réalisations au travail et non par nos folies du passé. D’ailleurs, je me suis déjà posé la question récemment en y réfléchissant. Croyez-vous que je pourrais me présenter comme échevin à la ville de Québec aujourd’hui? Oui !! Bien  moi je ne suis pas certain. Imaginez-vous donc, que je ne prendrais même pas la chance, parce que j’aurais trop peur quelqu’un ressorte je ne sais trop quoi de mon passé.
Une petite 50 une belle journée d'été. Y a rien qui va Labatt

La mort de mon frère ainé dans un brutal accident de voiture est venue chambarder ma vie et celle de ma famille. J’avais autour de 22 ans. Mon père s’est laissé mourir, ma mère s’est réfugiée dans la religion et moi révolté contre la vie, je ne savais plus quel bord prendre. Quiconque a perdu un frère ou une sœur de façon aussi fatale comprendra ce désarroi. Je faisais pourtant une belle vie. Une blonde avec qui j’ai eu une belle fille plus tard, mais graduellement, sans m’en apercevoir, j’ai commencé à descendre doucement en enfer. Je me suis séparé parce que je ne savais plus ce que je voulais. Je suis parti sur un trip en Amérique du Sud pendant 9 mois, je me suis rapproché d’amis avec qui j’aimais virer des partys soir après soir, bière, scotch, cocaïne, discothèque, les filles mon homme, y avait rien de trop beau pour moi, jusqu’à ce que je me retrouve plus de blondes, plus de travail, le nez dans poudre, sur l’aide sociale et sans mon fournisseur qui venait de se faire descendre par les Hell’s! [3]


***
Chapitre 2.
Le 100 rue Valvue, Loretteville.

Je sais bien trop qu’il faut que je me ressaisisse. J’ai maintenant 31 ans et me revoilà devant rien. Je sais que je vais remonter la pente. J’ai toujours surmonté les difficultés. Je suis orgueilleux, un fighter. Je ne peux pas croire que la vie va prendre le dessus sur moi. Je ne sais pas trop par quel boute m’y prendre, mais je sais qu’il va se passer quelque chose. J’ai confiance. Nouvellement séparé, je dois rapidement me trouver un logement et le penser en fonction de ma nouvelle situation de père monoparental d’une petite fille de 3 ans.


Vieux-Port, 2 ans plus tard
J’ai été en couple avec sa mère un peu moins d’une dizaine d’années. Nous avons été heureux. Lise avait un excellent travail au gouvernement alors que moi je bambochais d’un emploi à l’autre comme spécialiste des gens pokés. Durant toutes ces années, depuis mes premiers emplois comme éducateur en délinquance, je n’ai occupé que des postes d’aidant pour les gens en difficulté. Après les jeunes délinquants, on est venu me chercher pour bâtir des programmes de formation pour les assistés sociaux, ex-détenus, en passant par les femmes victimes de violence. Au travers toutes ces années, j’étais devenu l’intervenant idéal pour personnes en situation de crise! Et là, c’est moi qui avais besoin d’aide!

Heureusement, un couple avec qui nous faisions des loisirs Lise et moi, du temps que nous étions ensemble, m’appelle pour m’offrir de quoi.
«  Dis-moi Robert, Lise nous a dit que tu te cherchais un logement, parait-il? Écoute, nous aurions de quoi à te proposer qui pourrait te rendre service. Sylvie et moi prenons une année sabbatique pour voyager et nous aurions besoin de quelqu’un pour prendre soin de la maison, mais aussi de Bécassine, notre chienne,  de Pépinot notre chat siamois, et de deux tourterelles. On ne te chargerait pas de loyer, car cela nous rendrait un grand service » 

Hey!! Vous vous imaginez? Je n’en croyais pas mes yeux. 1 an pour me virer de bord sans loyer à payer. Je n’ai que mon balluchon à trainer et je me retrouve au 100 rue Valvue à Loretteville dans une superbe maison québécoise avec une grande cour arrière avec piscine creusée! Pas une petite piscine cucu hors terre en plastique fragile là. Non, une vraie de vraie en béton avec un plongeoir par-dessus le marché. Nous sommes au printemps 1986, le moment est parfait pour me remettre sur les rails. Toujours pris au désespoir, je fais le tour de mes amis pour leur dire qu’il y a urgence de me trouver un travail. S’ils y en avaient qui trouvaient que je faisais la belle vie, je leur ai expliqué que j’étais plutôt dans marde et que ça me prenait une job au PC . Et cela a porté fruit. Par l’entremise d’un copain d’un autre copain, on me réfère à Informatique Jean Gagné pour une job de vendeur d’ordinateurs et de logiciels informatiques!!! EH! Y avez-vous pensé? Nous sommes en 86 là. Yohoooo, réveillez-vous! Il y a 32 ans de cela! Vous y pensez? Moi, je ne connais absolument, mais absolument rien là-dedans. J’ai un cours en Sciences Sociales rédigé à la main au milieu des années 70 et je n’ai occupé que des jobs, où c’étaient mes talents d’animateur et de psychologue qu’on recherchait! »/$% 

Enfin, quand je me suis présenté à ce monsieur Gagné, à peine plus vieux que moi, style très décontracte à mon entrevue, je lui ai dit :
« Écoute Jean, moi je ne connais rien en informatique. Les cartes, une puce, la mémoire, le board, un main frame etc., je ne connais rien là-dedans moi! Je n’en ai même pas un moi un ordi!
« Pis? Y a rien là Robert, puis, qu’est-ce que tu as à perdre? Dis-moi? »
Je me suis vite aperçu que mon chum Michel qui m’avait référé lui l’avait assez bien briefé sur mon compte.
« On a ici des techniciens pour faire ce travail Robert. Toi, tu n’as qu’à faire du Cold Call, obtenir des rendez-vous, tu présentes nos produits à tes prospects, puis tu fermes la vente. C’est cela la job de vendeur chez nous. Nous, on s’occupe du reste. On répond aux questions que tu ne peux pas répondre chez le client, on l’installe, on le forme et pis c’est bingo ! » Qu’est-ce que t’en dis? »
Vous voulez savoir c’est quoi un bon vendeur, bien c’est convaincre Robert Harmegnies de vendre des ordinateurs sans savoir comment ça marche! 
« OK d’abord je vais essayer, de toute façon au point où j’en suis… »
C’est le boom dans cette industrie à ce moment-là. C’est l’époque où on sort les grosses dactylos électriques avec écran sur bras mécaniques ou encore les premières grosses machines super lentes par les nouveaux PC en métal, vous savez l’ancienne boîte de tôle grise avec les gros moniteurs. Si tu ne veux pas un IBM, un Packer Bell ou n’importe laquelle autre marque de renom, bien on peut te vendre un clone mon homme, vous savez, tous ces ordinateurs sans marque remontés en pièces détachées pour pas cher et tout aussi performants. Nous étions les champions du reconditionnement à Québec.

En temps de le dire, sur une période de 6 mois, je suis devenu l’un des meilleurs vendeurs de la compagnie. Je vidais des bureaux d’avocats et de professionnels et je les remettais tous en neuf avec des logiciels comptables adaptés à leur profession. Je me suis alors aperçu que ma grande gueule d’animateur jumelée à mes talents d’improvisateur acquis en milieu pour personnes défavorisées me servait. Si je me retrouvais en terres inconnues, ce n’était pas long que je dise au client, ne vous inquiétez monsieur, je vais vous revenir avec cela. Et quand ça tombait sur des questions que je connaissais, je répondais du tac au tac avec aisance et si je pouvais, j’en remettais épais sur la beurrée. « Oui monsieur, vous avez de la mémoire en masse dans cette machine-là et soyez assuré que votre secrétaire n’aura plus le temps de s’allumer une cigarette entre deux paragraphes ». Un vrai vendeur quoi!

Ce travail m’a permis de me relancer, mais maudit que j’haïssais ce travail! Je n’avais aucune affinité avec les ordinateurs. Vous savez moi, arriver au bureau le matin, prendre un café avec les autres vendeurs, remplir nos chars de petits dépliants et prospectus de machine, cartes de prix, etc. se saluer pour la journée avant de se revoir en fin d’après-midi pour se chicaner, parce qu’on veut tous passer premier au service d’installation pour nos clients de la journée! Non merci.

J’ai dû donc refaire quelques coups de fil, question d’informer mon entourage que j’étais dû pour autre chose, jusqu’à ce qu’un ancien collègue avec qui j’avais travaillé en réadaptation m’appelle pour me voir. Son but, lorsqu’il m’a demandé d’aller luncher avec lui, était de me refiler sa job dans le domaine de la vente. Il vendait de la publicité pour une maison d’édition, qui réalisait le magazine Inter Canadien à bord de la Compagnie aérienne du même nom. Vous savez ces magazines dans la pochette de votre siège, full couleur sur papier Gloss. Il me dit que c’est très payant, mais qu’il est très gêné d’abandonner son travail, parce qu’il s’était engagé auprès du boss pour y demeurer longtemps.
« Ne t’en fait pas André, si j’ai pu vendre des ordis à des gens qui connaissent cela plus que moi, bien de la publicité dans un magazine va être de la petite bière pour moi, crois-moi. Ne t’en fait pas, ton boss ne regrettera même pas ton départ. Je vais te faire oublier assez vite » lui ai-je dit.
Enfin! Je m’étais trouvé une nouvelle voie! J’étais parvenu avec le temps à enlever mon « sticker » de spécialiste en relation d’aide d’écrit dans le front, par celui de vendeur publicitaire. J’aimais mieux cela que vendeur d’ordinateurs. J’avais l’impression d’avoir upgradé mon standing, progressé socialement.

La nouvelle que je m’étais installé dans une grande maison à Loretteville s’était répandue comme une trainée de poudre, c’est le cas de le dire, je faisais une petite rechute de temps en temps encore, mais plus comme avant. Bon! Après tout, je n’étais pas passé par une maison de désintox, je suis capable de me contrôler moi… non, tout allait pour le mieux selon moi. Sacré Bob, l’attitude du parfait camé !

Je me suis mis à faire des partys BBQ sur le bord de la piscine, mes amis venaient se baigner, ils amenaient de la bière, je leur fournissais le gros gasket à fumer et comme disent les Français, on se marrait. À cette époque, j’avais une grande amie, que j’ai toujours d’ailleurs,  Jocelyne qui faisait du vélo et de la course à pied. Une vraie athlète. En tout cas, par rapport à un gars dans mon genre. Jocelyne était une grande marathonienne. À ses 30 ans, elle pouvait faire une petite pause d’entrainement, fumer quelques cigarettes lors d’une soirée bien arrosée entre amis jusqu’aux petites heures du matin, puis reprendre l’entrainement les jours suivants et gagner le marathon d’Ottawa ou de Boston dans sa catégorie d'âge par la suite. Après les Hélène Rochefort, Odette Lapierre de cette époque, qui performaient au niveau international, c’est Jocelyne qui rentrait en arrière d’elles sur le 10 kilomètres de l’université Laval par exemple.

Podium Chicago 2012
Marathon de Montréal 1982

Comme tous les athlètes de haut niveau, elle avait cette capacité d’endurer la douleur. Elle avait du chien la petite. Les quelques fois que je suis allé la voir, c’est ce qui m’impressionnait le plus chez elle, alors que tout le monde criait après pour l’encourager, elle passait sous nos yeux, le regard hagard, crispé de douleur, dans ses derniers retranchements pour s’envoler avec la victoire ou avec une bonne position over all. Elle était comme un modèle de détermination pour moi. Franchement, elle m’impressionnait. Je me souviendrai toujours à nos débuts à l’université, alors que moi, j’avais continué à brûler la vie par les deux bouts au CÉGEP, à courir après les filles de techniques infirmières, Jocelyne, que j’avais connue CÉGEP aussi, avait poursuivi  sa petite routine d’athlète. On s’était croisé dans les corridors du Peps  et elle m’avait dit;
« Hey Bob pourquoi ne viendrais-tu pas courir avec moi un peu le soir après les cours? Je cours un ptit 5 à 7 kilos comme cela en fin d’après-midi pour garder la forme. C’est tellement le fun l’hiver. L’air est frais. On prend l’air. Cela te ferait du bien, je te trouve vert un peu »!! Jocelyne est une fille colorée de la Baie-Des-Chaleurs. Vous savez ces Gaspésiennes, comme toutes ses amies qui venaient de ce coin-là, avaient toutes un sacré sens de l’humour, croyez-moi… Non seulement drôle, mais sarcastique pour ne pas dire baveux! Je le sais que c’est de l’amour ce genre de taquineries. C’est d’ailleurs ma marque de commerce. C’est probablement pourquoi nous nous entendions si bien elle et moi. Elle m’avait piqué au vif la petite maudite! 
« Hey hey fais attention ma fille, quand j’étais au début secondaire, ton ptit Bob chérie tout vert que je suis était l’un des meilleurs coureurs sur le 400M! Savais-tu cela? »
« Ah oui ! Et bien si tu as déjà eu du chien de même mon ptit Bob, elle m’appelait toujours comme cela « mon ptit Bob » comme si j’étais son petit frère ou un ignorant en la matière, bin y est temps de te remettre en marche mon Bob, parce que ce n’est surtout pas à cela que tu ressembles aujourd’hui. Allez déniaise, je vais t’en faire baver un coup! Hummmm laisse-moi voir mon horaire dit-elle en sortant son agenda de son sac à dos, je suis ici les lundis, mercredis et jeudis à 17h, stu correct pour toi?» 
Estie, dans le temps de le dire, je suis passé le lendemain m’acheter une paire d’espadrilles Adidas et un survêtement Adidas bleu de jogging avec une ligne blanche sur le côté, vous vous souvenez de ces survêtements de sport? J’avais l’air des Marocains ou des Africains qui frayaient dans les corridors du PEPS. Tu sais, le jeune de famille riche, qui a reçu une super de bourse de son pays ou de sa famille aristocrate, et qui a un budget no limits! Et il n’était pas un sportif pour 2¢ à part cela. C’était la mode de ces importés à l’époque.

Je me suis donné une couple de soirs pour reprendre le feeling de ma foulée d’antan et je me suis pointé un soir au PEPS à l’heure qu’elle m’avait dite pour la rencontrer. Wow !!! Quelle sensation que de courir après une fille que tu peines à rattraper. Je n’avais jamais connu cela. Non, mais blague à part, si je me pointais à sa hauteur, elle faisait toujours exprès pour accélérer une petite affaire. Lorsqu’elle m’entendait souffler et souffrir comme un damné, juste avant que le cœur me lève, elle ralentissait une petite affaire pour me permettre de reprendre mon souffle. Je ne me souviens plus combien de temps cela a duré, une partie de l’hiver je crois bien. J’avais réussi à lui tenir tête, même que c’était elle en dernier qui m’appelait pour que je la pousse au max. Jocelyne et moi pouvions courir un dix, placoter ensemble tout en courant, et se relancer à qui mieux mieux sans que j’en souffre. Voyez-vous quand je m’y mets? Malgré la vie tumultueuse que je menais, j’étais demeuré dans ma tête le jeune combatif que j’avais toujours été. J’avais appris à surmonter les épreuves, à faire face à l’adversité, mon instinct de survie, mon orgueil et fierté m’ont toujours bien servi. Je dirais que je prends même plaisir à lancer des défis aux autres et à me mettre dans le pétrin moi-même avec ma grande gueule. Moi aussi, j’étais capable de souffrir pour être à la hauteur.

Mais bon, quand les beaux jours d’été sont arrivés avec l’appel des terrasses et les invitations de mes chums à aller faire la fête, je me suis éloigné du Jogging. On passe à autre chose.Tout se passe sur un coup de tête parfois. À mon retour d’Amérique du Sud par exemple, une couple d’années après ma période jogging, j’ai rencontré Luis un délinquant brésilien, qui s’était exilé au Québec et que j’adorais, quel chic type. Nous nous rencontrions le soir dans des ptits bars louches de Québec, il avait toujours une couple de grandes filles autour de lui, il trafiquait, il était sur l’aide sociale,  allait à l’école à temps partiel, recevait une subvention pour participer à des clubs de recherche d’emplois, dont j’avais moi-même monté les programmes, et roulait en voiture avec une plaque volée. Il me disait parfois « WOW Bob, mais quel beau pays dans lequel tu vis, je n’en reviens pas la vie qu’on peut mener ici »! Lui, il avait compris l’affaire.
« Pourquoi ne viendrais-tu pas dribler le ballon avec moi et mes amis sud-américains sur les plaines?"
Et comme je revenais tout juste du Brésil et que le foot est une religion là-bas, je m’étais dit, faut pas que je manque cela! J’avais joué souvent au foot avec les gars sur les plages de Rio. Non, mais tu parles d’un beau défi à relever encore. Sur un autre coup de tête, j’étais passé par une boutique de sport m’acheter des souliers à crampons et des jambières. On se faisait un malin plaisir d’écœurer les Asiatiques et Africains avec qui on donnait rendez-vous sur les Plaines tous les mercredis soir en arrière de l’hôtel Le Concorde. Cré Luis, il n’avait pas d’égal pour s’excuser après avoir fauché un joueur avec un coup de pied carré sur le tibia!! Les deux bras en l’air faisant signe qu’il n’avait pas fait exprès ou qu’il ne comprenait absolument rien en disant n’importe quoi en brésilien. J’en pissais dans mes culottes lorsque je le voyais faire tous ses manèges. Alors voyez-vous, j’ai réussi à tenir mon bout et à contribuer aux guerres de tranchées que nous nous livrions. Un peu comme au Hockey, je mettais à profit ma force d’accélération pour aller chercher les longues balles à l’avant pour les botter en avant du but. N’importe où, cela n’avait pas d’importance, j’avais toujours un mec beaucoup plus habile que moi pour la récupérer et provoquer quelque chose.

Encore là, je ne sais pas pourquoi, mais il était important pour moi que je prouve que j’étais capable de rivaliser avec des joueurs dont le foot était leur sport national, comme si un Brésilien débarquait sur une patinoire extérieure en plein février et se mettait à virevolter sur lui-même pour déjouer un défenseur. Non pour qui se prend-il lui? Bien, voyez-vous, c’est à peu près à cela que j’avais l’air moi! J’aimais être sous les projecteurs et relever ce genre de défi. Et savez-vous pourquoi? Parce que je n’ai pas peur de l’échec. Si cela arrive, soit! Mais on ne pourra pas m’accuser en tout cas de ne pas avoir essayé. Et comme personne n’ose se lancer dans pareilles aventures, bien personne ne m’écœure, quoiqu’il arrive.

J’étais sur le bord de la piscine un beau samedi et j’attendais impatiemment Jocelyne et quelques-uns de ses amis qui venaient me rendre visite. Ils arrivaient avec leur vélo sur le top du char. Je demeurais, semble-t-il, en plein territoire pour les cyclistes qui se prennent au sérieux. Ils arrivaient vers 10h le matin et ne revenaient pas avant les 2 ou 3 heures en après-midi. Pendant ce temps-là, je me prélassais sur le bord de la piscine en prenant une petite bière tout en grillant une bonne Belvédère. La grosse vie quoi! Ils revenaient, ils se tiraient dans la piscine, se contaient quelques blagues que je ne saisissais pas, puis après une couple de bières…
« Bon bien c’est beau Bob, on doit s’en aller tu sais, cela a été super le fun, on se revoit quand? Peut-on revenir samedi prochain, c’est tellement le fun ici? Tu demeures dans une place extraordinaire, franchement.
« Biiiinnn, bien oui, bien sûr, vous êtes chez vous ici. Appelez-moi d’avance pour me dire quand vous arrivez, puis je vais m’arranger pour être là ».
Il y avait quelque chose qui clochait dans ce programme. Plus j’y pensais, plus je me disais, Robert, tu ne te mettras quand même pas à faire du beucycle. C’est quoi sthistoire-là? C’est un sport de fif cela le vélo! Pourtant, Denis m’avait dit « tu sais Robert, il y a en bas dans cave des raquettes, des skis de fond, un vélo, si tu veux, ne te gêne pas. T’as juste à en faire attention. »

Un soir dans la semaine, j’ai décidé d’y descendre, question de voir quelle sorte de vélo Denis avait par rapport aux vélos que Jocelyne et ses amis avaient. Elle avait un beau Poliquin en aluminium ma gaspésienne. Quoi! Vous ne connaissez pas cette marque? À cette époque, la boutique Poliquin à Québec était probablement  LE magasin de vélo. Vous vous imaginez, ils avaient une marque de vélo à leur nom et c’en étaient de très bons. Bien, j’ai fini par le savoir seulement un peu plus tard, mais bon…elle avait un Poliquin!

Denis, mon proprio, et sa femme étaient des grands voyageurs. Ils faisaient du cyclotourisme partout dans le monde. Il avait, lui, un Mikado. Je n’ai su qu’un peu plus tard, que c’était vraiment l’un des meilleurs vélos de cyclotourisme sur le marché. Il y a beaucoup de choses que je n’ai apprises que beaucoup plus tard, voyez-vous. Il était beaucoup plus lourd que les vélos de mes amis, il avait même des supports à bagage sur le côté, que j’ai fini par enlever. Du moment que ça avait deux roues. Rien à mon épreuve. J’ignorais totalement dans quelle aventure je me lançais avec ce tank! On pouvait l’utiliser avec des souliers rigides ou en espadrille. Il avait des étriers aux pédales.

Une couple de semaines s’étaient écoulées depuis sa dernière visite. Au moment que je passais l’aspirateur dans la piscine un samedi matin, mais qui vois-je arriver? Ma Jocelyne qui rebondit avec son vélo sur sa voiture.
« Eh! Salut toi, comment cela ne m’as-tu pas appelé avant pour me dire que tu t’en venais? »
« J’étais certaine que tu serais ici mon tit Bob. Puis je me suis dit que même si tu n’y étais pas, je me serais stationné pareil chez vous pour aller faire du vélo. On se serait peut-être vu plus tard. Puis quoi de neuf? »
«  Rien de spécial, je travaille, je m’occupe de Bécassine qui m’aime bien, du chat qui me menace de ses crocs si je ne le laisse pas sortir, non rien de bin spécial »
« De valeur que tu n’aies pas un bike Robert, tu pourrais venir avec moi au lieu de rester planté là. Je te verrais bien faire du vélo, moi ».
« Du vélo! C’est un sport de fif cela! »
«  Ahhhh, tu ne sais pas de quoi tu parles Robert C’est exigeant tu sais le vélo. C’est comme le jogging que nous faisions ensemble. En passant en fais-tu encore un peu?
« Nonnn, mais es-tu folle, je n’ai même plus d’espadrilles. La dernière fois que j’ai courue, remonte sans doute à l’époque qu’on était ensemble à l’université, ça fait que… »
« C’est poche cela. Tu devrais arrêter de fumer puis te prendre en mains.
« Ah j’en ai un vélo tu sais si je veux. Denis, le gars à qui appartient la maison, en a un en bas dans cave et il m’a dit que je pouvais le prendre si je voulais.
"Ah bin batinse mon tit Bob, sort moi ce vélo-là que je le vois!! Je t’attends pis on part ensemble!"
«  Bin nonnn. Je n’ai rien à mettre moi pour faire du vélo à part cela ».
« Ah ce n’est pas grave, je vois que tu as un bon siège là-dessus. Mets-toi en culotte courte, puis un T-shirt, ça va faire, envoyyyy m’a te faire suer comme dans le bon vieux temps»
Ciboire me suis-je dit intérieurement. Dans quoi est-elle en train de m’embarquer? Quelques minutes plus tard après que je me fus changé…
« Bon! Par où part-on ? Où veux-tu aller? »  Lui dis-je.
« On va monter Valvue un peu plus haut en face de chez vous, on va passer dans le village Huron, puis on va aller rejoindre le Boul. Valcartier. Après on verra selon comment tu vas te sentir, ça te va?
« Bin je ne sais pas trop, mais allons-y! »
Denis était un type un peu plus petit que moi. Jocelyne m’avait suggéré de remonter un peu le siège avant de partir. Elle connaissait cela la fille. C’est le seul ajustement que nous pouvions faire de toute façon m’a-t-elle dit. En remontant la rue pour se diriger vers le Boulevard Valcartier, je découvrais lentement le fonctionnement des freins, puis des deux petites manettes de changement de vitesse au cadre. Washhhh pas évident changer de vitesse tout en regardant en avant pour savoir où on va…Clic clic, je m’amusais à changer de vitesse, et à expérimenter quelques accélérations question de voir comment le vélo se comporterait ou si j’étais pour demeurer bien assis dessus. J’avais l’impression de monter une bête sauvage comme dans un rodéo.

Non, mais blague à part, je ne suis quand même pas un néophyte sur un vélo. Jeune, je dirais que moi et mes amis avions fait du BMX ou du Mountain bike bien avant que cela existe. On s’était fait une trail  de course avec des jumps et toutes sortes de modules dans un terrain vague près de chez moi. On était une gang de tits culs qui roulaient tous sur des 14 pouces, pignons fixes. Bin oui on n’avait pas de vitesses là-dessus. Il n’y a rien qu’on ne faisait pas avec nos bicyclettes.

Jocelyne me regardait de côté ou de l’arrière pour me donner quelques petits conseils. Elle était une fille assez cardio, alors  elle moulinait à forte cadence. C’est d’ailleurs le premier conseil qu’elle m’avait donné.
« Ne roule pas trop dur Robert, donne-toi une chance, pédale en masse. C’est ça le principe du vélo. Pédaler plus souplement pour s’épargner les jambes et solliciter son cardio pour en venir à être capable de pédaler rondement sans s’essouffler. Quand tu en feras beaucoup, tu comprendras ce que je veux dire, ne t’en fais pas ».
Elle est bonne elle, je n’avais rien compris de ce qu’elle venait de me dire. Nous étions enfin arrivés sur le boulevard Valcartier. Il y avait moins trafic. C’était plus au nord de chez moi, une petite route de campagne tranquille à cette époque. Cela a permis à Jocelyne de mieux me conseiller.
« Tu vas prendre ma roue et tu vas essayer de me suivre, mais fais attention de me rentrer dedans, sinon c’est toi qui risques de te ramasser à terre »
« Kossé que tu veux dire par prendre ta roue? Pis fais attention de ne pas te rentrer dedans? Cela me surprendrait, j’ai essayé souvent de te rentrer dedans et tu n’as jamais voulu! »
« Arrête de faire ton innocent là, parce que je vais te déposer »
« Hein! Ça va faire les expressions que je ne comprends pas, que veux-tu dire par me déposer? Parle-moi donc d’une façon que je comprenne maudit! »
C’est évident que je faisais mon innocent. J’ai toujours fait mon innocent ou mon colon avec les filles. Si elles ne sont pas capables de surmonter mes farces vulgaires, grivoises, bien elles ne sont tout simplement pas faites pour moi. Et comme Jocelyne me connaissait depuis fort longtemps, c’est qu’elle avait passé le test, alors je pouvais me laisser aller au naturel comme je voulais avec elle.

Jocelyne avait augmenté la cadence, c’est-à-dire autant la vitesse que son rythme de pédalage.  J’essayais de faire pareil et de ne pas trop m’éloigner d’elle. Impossible de pédaler à sa vitesse, elle va beaucoup trop vite. J’avais le souffle court et je me suis mis à suffoquer.
« Un instant Jocelyne donne-moi une chance Ciboirrrrrr. Je suis un gros fumeur moi! J’ai l’impression que mes poumons vont exploser calvaire!! »
Jocelyne a été une fille très compréhensive. Elle roula plus lentement et à chaque fois que je ne pouvais plus la suivre je lui criais Wohh et elle ralentissait un peu. Le pire fut une christ de côte à monter lorsque nous sommes virés de bord pour revenir de l’autre côté de la rivière après un pont. Je ne savais plus sur quelle vitesse me mettre, ça marchait pu, mais pu pantoute, j’étais essoufflé, j’avais seulement le goût de débarquer, mais il n’était pas question que cela arrive. Hey, vous vous imaginez? Moi, abandonner alors que je veux prouver que je suis capable, non, mais vous êtes fous?

Revenu à la maison, j’étais claqué. Nous avions fait quoi, bof, une bonne trentaine de kilos. Je me suis tiré dans la piscine sans même me changer et Jocelyne aussi avec son attirail de cycliste. Ça ressemble à un costume de bain de toute façon ses petites camisoles de vélo.
« Robert, tu as très bien fait cela. Franchement là, tu m’as épaté comme tu as toujours réussi à le faire de toute façon, j’en attendais pas moins de toi. »
« Quoi! Que veux-tu dire là ? 
« Non non Robert je suis très sérieuse. On a fait cela à une moyenne pas si pire, puis tu es revenu vivant, c’est toujours bien cela de fait. La prochaine fois, cela va aller mieux tu vas voir. Tu n’es quand même pas pour devenir champion du monde après une première sortie. Tu es vraiment chanceux d’avoir ce vélo prêté par ton chum ».
La semaine d’après, j’ai décidé de slaquer la cigarette. Je n’ai pas arrêté totalement, mais presque. Dans les faits, je n’ai gardé que celles après les repas. Cela me tentait de voir si je n’aurais pas plus de souffle après avoir diminué la cigarette.

J’suis retourné comme deux fois me pratiquer sur le boulevard Valcartier  dans la semaine. Je me rendais presqu’à la base militaire de Valcartier et je faisais demi-tour. Je mettais en pratique les quelques conseils qu’elle m’avait donnés. C’est drôle, j’avais nettement l’impression de m’améliorer après une couple de sorties. Je n’avais pas d’odomètre pour me le confirmer, mais je me sentais d’attaque pour ma prochaine sortie avec elle et ses amis.

J’ai même eu le temps de me préparer encore plus, parce qu’elle n’est pas revenue avant un bon deux semaines, mais cette fois-ci avec ses copines de l’autre jour et une couple d’autres gars. 
Je m’en vais les rejoindre dans mon stationnement pour les accueillir. Je me fais présenter par Jocelyne et sans hésitation, elle m’interpelle en me disant 
« Eh Robert, est-ce que tu viens avec nous autres aujourd’hui ? »
« Bien, écoute ce n’est pas l’envie qui manque. Par contre, je ne suis pas sûr de pouvoir vous suivre. Je vais plutôt partir de mon bord comme un grand garçon. Puis, vous risquez d’en faire beaucoup plus longtemps que ce que je serai capable d’en faire ».
Je commençais déjà, sans m’en rendre compte, à prendre les mauvais plis du cycliste. Se trouver toujours une excuse avant même de partir pour se justifier de ne pas être à la hauteur. Dans mon cas, ce n’était pas du tout pour cela. C’était plutôt pour l’inverse. Leur faire accroire qu’il me sera impossible des suivre pour qu’ils soient plutôt impressionnés de mes performances imprévisibles, vous me suivez?
« C’est quoi le trajet qu’on fait aujourd’hui les amis » dit Jocelyne en s’adressant à ses amis?
« Bien, on est venu ici pour faire les Équerres en revenant par le Lac Saint-Charles non ? »
« Bien sûr…Regarde Robert change toi, va te préparer et on va tous partir ensemble, puis quand nous serons rendus au pont où nous nous sommes déjà rendus toi et moi, tu décideras de ce que tu veux faire. Poursuivre avec nous autres ou revenir ici. Tu connais le chemin de toute façon? »
 Elle est drôle elle, comme si elle était certaine que j’étais pour abandonner au pont!! 
«  Bon! Ok ça me va »
Je m’empresse d’aller me changer. J’avais déniché dans les affaires à Denis un cuissard qui devait être trop petit pour lui. Je prépare mes bouteilles et me revoilà à l’extérieur. Je me sentais vraiment nerveux, inquiet face à ce que je me préparais à faire. Il y avait longtemps que je ne m’étais pas senti de même. Cela remontait aux moments que je faisais de la compétition de course à pied au Collège, ou quand j’étais ti-cul à une finale de tournois de hockey, lorsque j‘étais gardien de but. On était tous habillés assis dans la salle des joueurs, prêts à aller sur la patinoire pour jouer notre match, nous attendions que la cloche ou le préposé du vestiaire dise  « OK les boys, c’est à votre tour. Lors de ce moment d’attente, je ne pouvais m’empêcher de penser que si je faisais une erreur, que j’étais le dernier à devoir n’en faire une. Cela me stressait au boutt, mais je réussissais à chaque fois à reprendre mon calme après quelques tirs et à performer au meilleur de mes capacités. Pourquoi il n’en serait pas encore ainsi aujourd’hui?
« OK tout le monde est prêt? Allons-y lentement pour se réchauffer. Cela va permettre à Bob de s’acclimater, de se réchauffer ».
Nous n’étions même pas arrivés à la rue de La faune qui se rend au Boul. Valcartier, que je me sentais déjà en danger. Ils étaient tous assis, placotaient entre eux. Tout leur semblait si facile. Je les voyais pédaler avec tellement d’aisance pendant que moi, j’étais déjà à court de souffle et cela me rendait encore plus nerveux. Quand j’ai vu que je n’y arriverais pas, je ne leur ai même pas demandé de m’attendre. Jocelyne s’en était aperçu faut croire, puisqu’elle était revenue sur moi pour me parler.

Sans hésiter, je lui ai dit de continuer sans moi. Que cela ne me dérangeait pas. Qu’on se reverrait tout à l’heure sur le bord de la piscine.
« Tu es certain Robert? Je peux leur parler, tu sais? » Je peux leur demander de ralentir.
« Non non c’est correct je te dis. Je vais faire la même ride que l’autre jour. Allez, on se revoit tantôt ».
J’avais menti. J’aurais tellement souhaité être capable de faire un plus grand bout avec eux, mais je ne voulais pas être un boulet et leur gâcher leur sortie. Il était clair que je ne pouvais pas suivre. Je venais d’être meurtri  dans mon orgueil. Je sacrais contre moi intérieurement. Compétitif de nature comme je suis, je n’avais vu aucune autre possibilité. J’ai voulu me protéger. Cela ne me tentait pas du tout d’avoir à me justifier en inventant toutes sortes de raisons de mon échec. Je suis très exigent envers moi-même vous savez, alors bullshiter le monde ne me dit rien. Je ne suis pas à la hauteur c’est tout! Je suis un pas bon, voilà!

***
Chapitre 3
Mon premier bicycle

Nous étions déjà rendus en juillet. Mondou que l’été passe vite. André Blondin, un de mes chums de sorties dans les bars, me demande de l’aider à déménager. Tout comme moi, il venait de se séparer. Nous avions à peu près tout chargé dans le camion ce qui lui appartenait dans la maison. André m’invite à vider le garage de cossins entreposés là. Quelques chaises de parterre, un poêle Coleman, un sac de golf…et que vois-je sur le mur suspendu en l’air sur un crochet? Un beau vélo jaune.
«  C’est à qui ce vélo-là André »?
« Bien, c’est à moi. »
« Es-tu sérieux? Tu ne m’avais jamais dit cela que tu faisais du vélo? »
« Je n’en fais pas non plus. J’ai ce vélo depuis longtemps. Je l’avais acheté à un moment donné dans l’idée d’en faire plus, puis cela ne m’a jamais adonné. »
André est le genre de gars qui achète toujours la première qualité. Il avait ce petit côté fierpett d’avoir toujours ce qu’il y a de mieux ou de se procurer les dernières technologies, genre les petites mini-caisses de son performantes, le Walkman dernier cri etc .
« Puis-je le voir? »
« Bien sûr, de toute façon, faut le décrocher pour le mettre dans le truck » 
André s’était bien aperçu que je le regardais minutieusement. C’était aussi un vélo Poliquin, pas haut de gamme comme celui de Jocelyne, mais il n’était pas mal du tout. Il semblait avoir des roues en aluminium et la pneumatique n’était pas aussi large que les vélos standards 24 pc comme mon ancien Chinic que j’avais eu jeune. Les pédales étaient faites pour accueillir des souliers de vélo à l’intérieur d’étriers. À cette époque, les cales d’aujourd’hui n’existaient pas. Les souliers avaient une semelle rigide avec une fente transversale en dessous du pied, qui permettait au soulier de s’ancrer sur le dessus de la pédale en métal à l’intérieur de l’étrier. Il ne nous restait qu’à bander la sangle des étriers pour nous empêcher d’en sortir, à moins d’une sévère chute. Dans ces cas-là, la force du choc, en arrivant au sol, faisait en sorte que les souliers te sortaient spontanément des étriers. Cela t’évitait de tomber avec le bike accroché entre les jambes. J’ai quand même vu quelques gars faire de mauvaises chutes les deux pieds emprisonnés dans leurs étriers, parce qu’ils les avaient trop serrés, m’a te dire qu’ils avaient l’air fins!!
« Savais-tu André que j’ai commencé à en faire du vélo? »
« Oui, j’en ai entendu parler un peu par Lambert que j’ai vu dernièrement » 
Yves Lambert est un autre de nos très bons amis qui lui, est adepte de vélo de montagne. D’ailleurs, je me souviens d’histoires de vélo de montagne sans intérêt pour moi à l’époque, qu’il nous racontait autour d’une bière. Modeste comme il est, il s’était toujours très bien classé ou encore mieux, il nous disait compétitionner dans des raids longues distances contre les Pierres Harvey et Yves Bilodeau de ce monde lors du fameux Raid Pierre Harvey, qui se déroulait sur 3 jours à partir du Lac Beauport.
« Dis-moi André me le prêterais-tu? »
« Bien oui cela va m’éviter de le mettre dans le truck »
J’avoue que cela m’enlevait le poids de risquer de briser celui de Denis à la maison. Celui d’André n’avait peut-être pas un dérailleur aussi précis que celui de Denis, mais il avait l’avantage d’être un peu plus léger. Puis, si je le brisais, je me sentais plus à l’aise de dealer cela avec André qu’avec Denis. Je me sentais comme un enfant qui vient de recevoir le cadeau de Noël qu’il attendait depuis des mois.

Aussitôt arrivé chez moi, je me suis empressé de transférer le petit odomètre que je m’étais acheté. Je suis parti au fond la caisse sur le boul. Valcartier pour voir si j’étais pour mieux me débrouiller qu’avec mon cyclo. Il était un peu plus court, les vitesses étaient moins nombreuses, mais le tout s’enchaînait très bien.

À rouler régulièrement, presqu’à tous les jours après mon travail dans le coin de Loretteville, je m’étais bâti plusieurs parcours. D’où je restais, je pouvais me diriger sans problème aux 4 points cardinaux de la ville. Vers le Nord pour les équerres en montagne , à l’est vers Lac Beauport par la rue de la Faune, vers Saint-Émile à l’ouest en passant par Monseigneur Cook et vers le Sud par Saint-Jacques. 

Ma vie venait de changer du tout au tout. Je me sentais bien. Je ne fumais plus et je n’étais plus tellement attiré par la dope. Je me suis mis à revoir plus régulièrement quelques-uns de mes anciens potes du temps que je travaillais en délinquance, Yves Lambert le gars de mountain bike et André Tremblay un de ses amis, que j’avais également connus au centre pour délinquants. D’ailleurs, j’ignorais que depuis le temps que nos routes s’étaient séparées, qu’André et son jeune frère Patrick, faisaient beaucoup de vélo de route. Je n’étais pas le seul, ma foi, qui avait donné un coup de barre dans sa vie. Curieusement, les deux frères demeuraient à Shannon pas très loin où je demeurais. Même que son petit frère, d’âge sénior, courait pour Bicycle Record, une boutique où il m’arrivait d’acheter des accessoires. Le Centre du Bicycle Sainte-Foy, une autre boutique de vélo où j’allais également fouiner, avait également une équipe de compétition. C’est à partir de ce moment que je me suis mis à m’intéresser un peu plus à ce circuit. Les courses étaient assez bien organisées par un dénommé Jean-Yves Labonté, un ancien mécano de vélo, qui s’était recyclé en coach et organisateur de courses. Ce circuit s’appelait les mardis cyclistes de Québec. Tous les mardis, le jeune frère d’André, Patrick, comme beaucoup d’autres jeunes du Centre de bicycle St-Foy, des indépendants de partout en région, des mordus de vélo de compétition quoi, se donnaient rendez-vous pour une course sanctionnée par la Fédération Québécoise du Sport cycliste (FQSC). Ces courses m’intéressaient d’autant plus que les maîtres cyclistes, les vétérans, couraient également sur le même circuit que ces jeunes Séniors et Juniors. Les maîtres eux devaient être âgés de plus de 35 ans et ils étaient subdivisés en catégories par dizaines d’années; les A avaient entre 35 et 45 ans, les B de 45 à 55, les C entre 55 à 65 ans et enfin les D à plus de 65 ans. Ces maîtres m’impressionnaient vraiment beaucoup. Ils partaient en arrière des Séniors et Juniors et certains maîtres « A », les plus jeunes et même certains « B », pouvaient arriver dans le peloton des jeunes, et même en larguer plusieurs. Ils étaient pas moins de 70 cyclistes sur la ligne de départ à cette époque, toutes catégories confondues. J’adorais entendre le roulement des pneus gonflés à bloc, lorsque le peloton passait devant moi. Les voir sortir d’un virage avec ce bruit de roulement, côte à côte en formation de 2 ou 3 de large avec le meneur à l’avant, qui devait garder sa vitesse en entrant dans les virages pour en ressortir en pleine accélération, me donnait des frissons dans le dos. Cela me faisait triper au boutt de les voir garder le rythme tour après tour considérant ces nombreux virages. Ces critériums pouvaient ne durer qu’une heure à une vitesse de plus 42 l’heure.

Je me suis fait quelques amis à les suivre de même, semaine après semaine. Le ptit frère d’André bien sûr, mais aussi quelques autres comme Carl un type que j’avais conseillé pour démarrer son entreprise d’affichage extérieur. Il y avait aussi ce mécano chez Record Bicycle, qui menait une vie de coureur en parallèle. Il y avait aussi plein d’autres cyclistes qui, tout comme moi sur le bord de la chaussée, n’avaient pas les couilles de ces gladiateurs, rêvassant comme moi d’en faire un jour partie. Honnêtement, durant cet été-là, je n’osais même pas imaginer qu’un jour je puisse y arriver.

De toute façon, je n’avais pas l’âge, la forme, l’expérience de ces gars-là, et le vélo qu’il fallait, malgré mon beau Poliquin jaune. Par contre, je ne désespérais pas. Je n’avais pas recommencé à fumer et j’étais moi-même surpris de la régularité que je mettais à l’entrainement. Presque tous les soirs, à mon arrivée du travail, j’enfourchais ma bécane et je partais sur un no where. J’avais commencé à m’acheter du linge un peu plus hight tech, des cuissards plus de qualité, des maillots plus flamboyants et parfois je me risquais à courir après des cyclistes que je voyais pour m’y accrocher le plus longtemps possible, jusqu’à ce qu’ils me décrochent. Parfois, je n’en faisais pas de cas et en d’autres moments, je le prenais plus mal, surtout si c’était une chevelure un peu grisonnante qui me réservait le même sort, si je m’approchais de lui. Je me disais toujours, mais ou a-t-il pu trouver cette puissance pour me décrocher de même ste christ-là? Il n’est pas plus costaud que moi physiquement ce gars-là pourtant !

L’été tirait à sa fin et j’étais toujours aussi excité d’embarquer sur mon vélo pour tenter de m’améliorer. Je commençais à assimiler plein de choses et surtout à comprendre certaines subtilités du cyclisme de compétition comme la gestion de ses énergies ou de l’effort. Combien de fois me suis-je retrouvé lors de sorties avec quelqu’un qui me déposait sur le haut d’une bosse. D’une fois à l’autre, j’essayais toujours d’être plus intelligent et plus futé que  lui, surtout qu’ils étaient, plus souvent qu’autrement, plus forts que moi. Je me couchais le soir et je revoyais en reprise chaque moment que je me faisais décrocher par quelqu’un que je calculais capable de suivre. Je découpais ces moments-là dans ma tête en essayant de me rappeler comment je m’étais senti, quand mon corps m’avait dit ne plus être capable, même si je lui commandais de poursuivre. Il fallait que je découvre pourquoi. Avais-je trop forcé avant? Étais-je mal gearé? Trop souple? Trop dure? Aurais-je pu me camoufler mieux? Ai-je abdiqué trop tôt? Ma position sur le vélo était-elle bonne? Aurais-je pu souffrir encore 10 secondes de plus? Dans les faits, je ne crois pas que j’aie pu être capable de me poser toutes ces questions dans ce temps-là. Je n’avais pas encore assez d’expérience. Ce n’est que beaucoup plus tard que j’ai compris toutes les vraies subtilités du vélo de compétition.

Ce circuit des maîtres cyclistes, qui se déroulait tous les mardis, pouvait permettre à un cycliste comme moi, qui ne détenait pas de licence de coureur émise par la Fédé, de participer jusqu’à trois courses avec une licence temporaire. Cela permettait justement à des nobody comme moi de savoir où ils en sont. Je n’avais évidemment pas l’âge des maîtres encore, mais je m’en foutais d’être classé sénior avec des ptit jeunes de vingt quelques années. Les gars avec qui je voulais rivaliser étaient les vétérans. Alors, je n’allais tout de même pas me planter en avant du pack sur la ligne de départ, juste parce que j’avais été classé dans la catégorie des plus jeunes. Quand même, pas fou le gars !

Je me suis donc inscrit à la dernière course de la saison. Nous étions comme vers la fin du mois d’août. La course se déroulait sur la Rive-Sud de Québec. Il s’agissait d’un sur route, c’est-à-dire sur un tracé que nous pouvions faire à quelques reprises, mais sur une distance beaucoup plus longue que sur un critérium, vous savez ces petits circuits de plus ou moins 1 kilo qu’on fait une quarantaine de fois!! 160 virages à 90 degrés avec des relances après chaque virage…Non merci, je ne voulais surtout pas m’embarquer dans ces bagarres. Un sur route m’effrayait déjà bin assez.

Je me souviendrai toute ma vie de cette première épreuve. Tous les gars qui se réchauffaient avant le départ. Tous rasés, bin cut avec leur petit maillot bin tight, j’étais déjà intimidé. Je ne comprenais pas pourquoi certains pouvaient s’époumoner à faire le tour du circuit ou à rouler des kilomètres et des kilomètres avant le départ. Pour ne pas avoir l’air niaiseux, je me suis mis à faire un peu la même chose, mais je ne voulais pas trop pousser non plus par crainte de gaspiller des cartouches pour la course. Mondou que j’ai rapidement compris après le départ pourquoi les gars avaient roulé si intensément avec intervalles pour monter leur pouls cardiaque presqu’au max avant la course.

Aussitôt le départ donné, les gars sont partis comme des balles, à tombeaux ouverts!! La course n’avait pas quelques mètres de complétés, que je me suis retrouvé largué par tout le monde, sauf par quelques vétérans de la classe D, vous savez les plus de 65 ans!! Le but que je m’étais fixé était de ne pas finir dernier. Heureusement, il y en avait quelques-uns dans ma mire que j’aurais aimé aller chercher, mais que je n’ai pas pu rejoindre et une couple d’autres en arrière de moi dont un, que j’ai tout fait pour le garder en arrière afin de pouvoir tenir ma promesse.

J’ai ressenti une certaine fierté lorsque j’ai traversé le fil d’arriver longtemps après les premiers sous quelques applaudissements pour me dire que je n’étais pas un lâcheux ! Mais d’un autre côté, j’étais déçu de ne pas avoir fait mieux. Seul avec moi-même, assis sur le bord de mon coffre de voiture, je revisualisais le départ et je cherchais à comprendre encore qu’est-ce que j’aurais pu faire de mieux pour ne pas me faire larguer si tôt de même. M’être réchauffé davantage? Ouvrir la machine dès le départ comme eux ont fait, quitte à péter au fret 200 mètres plus loin? Même si j’étais plus jeune qu’eux et que je m’étais entrainé tout l’été, j’ai dû admettre que je n’étais pas suffisamment prêt pour ces courses. Je m’en suis retourné chez moi seul, mon beau poliquin jaune dans le coffre, tout de même heureux d’être allé jusqu’au bout de mon projet et de ne pas avoir fini le dernier.

***
Chapitre 4
Une rencontre marquante

Tout allait comme sur des roulettes à mon travail comme représentant publicitaire pour le magazine de la compagnie aérienne Inter-Canadien. Je vendais autant du local que du National auprès des grandes agences de pub. J’allais régulièrement à Montréal, aller-retour dans même journée, pour « closer » mes ventes. Je prenais l’avion à 6h du matin et je revenais sur le vol de 17h ou 18h en fin de journée. Je pouvais rencontrer jusqu’à 6 clients enlignés dans une même journée. Un vrai contre la montre. J’étais devenu un homme d’affaires en complet cravate. Le patron de mon chum André, parti pour la radio, était tellement satisfait de moi, qu’il m’avait vendu son condo dans le Vieux-Port de Québec, une proportion en argent, et la balance en monnaie d’échange. Il s’agissait d’un système d’échange, de troc si vous voulez, mis sur pied à cette époque pour favoriser les échanges de services entre entreprises, sans avoir à sortir de l’argent comptant. L’idée n’était pas mauvaise en soi. Dans le milieu de l’édition par exemple, s’il me restait quelques espaces publicitaires à vendre avant une date de tombée, je regardais dans le membership de ce regroupement, qui pouvait être un client potentiel pour mon magazine. S’il était un restaurateur par exemple, il me refilait le nombre de tables d’hôte à son restaurant qui équivalait au prix de ma publicité. Cela faisait chacun notre affaire. Il obtenait une excellente visibilité dans un magazine rejoignant essentiellement des gens d’affaires et moi des repas que je pouvais offrir à mes meilleurs clients pour les remercier de leur fidélité. Or, mon boss m’avait vendu 50 % de son appart en argent et l’autre en échange de cette monnaie de singe. Qui pouvait se procurer cette monnaie selon vous, si je voulais éponger ma dette? Il avait bien flairé l’affaire le gars. En acceptant ce deal, il s’assurait que je reste chez lui pour le rembourser, puisqu’il n’existait aucune autre façon pour moi de gagner de cette monnaie d’échange qu’en travaillant pour lui. Vous voyez l’affaire? Je m’étais fait fourrer dans un certain sens. Anyway, je débutais une nouvelle vie comme propriétaire d’un superbe condo au 29 rue Sault-au-Matelot en plein cœur du vieux Québec.
Immeuble doré. Rue piétonnière 2015
J’y demeurerai pendant 14 ans ! Dans ce temps-là, le quartier n’était pas du tout développé comme aujourd’hui. C’était même reconnu pour être un quartier un peu démuni. Un chic hôtel aujourd’hui voisin de chez moi était à cette époque un immeuble désaffecté et squatté par les punks de Québec. Cela ne m’effrayait pas. J’avais vu les gros chars passés comme on dit.  Tranquillement, avec le temps, je m’étais fait une couple de chums sur le BS très utiles dans un HLM d’à côté. En échange d’une couple de gros gaskets ou de poudre à perlimpinpin, que je pouvais me procurer encore, j’avais acheté la paix dans le quartier. J’étais un homme respecté. À cette époque, il était fréquent qu’un voisin se fasse défoncer, alors que moi, j’avais la grosse paix. Mon voisin, l’antiquaire Belleville avec qui je m’entendais très bien, étions sur la protection. On nous avait adoptés.

Nous étions au début de l’hiver, genre en novembre et je venais de m’inscrire au Gymnase du Mail Saint-Rock. Le quartier Saint-Roch du milieu des années 80 ne ressemblait pas pantoute, mais pas pantoute à celui d’aujourd’hui. C’est l’époque où on avait recouvert toute la rue Saint-Joseph d’un toit pour en faire comme un mail de centre d’achats. 
Mail St-Roch, fin années 1970

Rue Saint-Joseph avant











Malheureusement, ce Mail servait aussi d’abri pour ainsi dire aux itinérants en hiver. On y mendiait et il servait même de piqueries à certains endroits. La clientèle du Mail n’avait pas l’allure du jeune bourgeois du quartier Saint-Sacrement que j’étais et qui arrivait en complet cravate pour venir s’y entrainer. La clientèle du Gym était plutôt fréquentée par le petit vendeur de dope avec sa Paget à la ceinture, ou du videur de bars égocentrique gonflé à la créatine qui aime voir ses gros bras dans le miroir. Combien de fois me suis-je retrouvé entre deux gorilles tatoués dans douche qui discutaient du dernier « move » qu’ils avaient fait la veille au soir. 
«  Yen a mangé une tabernacle Mike ! Je te dis qu’il a eu à sortir par les deux pieds devant ste gars-là!! » 
On a appris à se connaître. J’étais le gentleman du Vieux-Port. Malgré ma silhouette d’échalote, personne ne venait s’installer sur mes appareils tant que j’en donnais pas la permission en disant « c’est beau man sta toi ». De toute façon, je n’en faisais pas longtemps de la muscu. Et je ne faisais pas vraiment les mêmes exercices qu’eux autres. À l’exception des squats, j’étais plus fervent des redressements assis et des exercices pour renforcir mon dos. Après cela, je me tapais une heure sur les quelques vélos stationnaires que le Gym avait à l’écart de la salle de muscu. Je me suis entrainé à ce Gym pendant 14 ans, le temps que j’ai vécu dans le quartier. Tout le monde me connaissait et je n’avais plus besoin de mettre un cadenas sur ma case. Le gars qui se serait fait poigner à fouiller dans ma case se serait fait couper la gorge !

Il n’y avait qu’une chose qui me manquait à vrai dire. Un vrai bike ! Denis et sa blonde avaient repris possession de leur maison au même moment que j’avais acheté mon condo et il n’était pas question que je reprenne l’entrainement l’été suivant avec le vélo de mon chum André. C’était clair dans mon esprit qu’il fallait que je me trouve un vrai vélo de route comme tout le monde qui me clanchait. C’était écrit dans le ciel que j’étais pour prendre ma revanche l’été prochain à armes égales. Je me suis donc mis à regarder les petites annonces dans le Journal à la recherche d’un vélo. L’Internet en était qu’à ses premiers balbutiements. Un peu avant Noël, que vois-je? « Saint-Émile, Vélo de route Peugeot en parfait état. N’a roulé qu’une saison, Cadre Reynolds 501, monté en campy Chorus, roues en alliage, 1 850 $ non négociable »


Ciboire! Je saute sur le téléphone et je m’empresse d’aller chercher l’information auprès du vendeur. Un jeune qui s’était acheté ce vélo-là neuf l’été d’avant et qui devait vendre vite, parce qu’il avait besoin d’argent. Il n’y avait pas grand monde dans ce temps-là qui pouvait s’intéresser à acheter une bécane à 2 000 piastres $. Je lui ai montré mon permis de conduite, j’ai sorti mon carnet de chèques et il a accepté mon offre à 1 700 $ ! Pas question que je passe mon tour. À mon avis, ce vélo valait près de 2 500 $ ! Vous vous imaginez? En 1987, il y a 31 ans ! C’est comme si aujourd’hui, j'achetais un vélo de 6 000 $ pour 3 ! Je l’ai mis dans mon coffre de char right away, puis j’ai chanté à tue-tête tout le long jusque chez moi. J’étais l’homme le plus heureux du monde. Je m’en souviens comme si c’était hier. L’achat d’un nouveau vélo, comme vous savez, procure beaucoup de bonheur, alors imaginez pour moi, mon premier avec le cheminement que j’avais. Je venais de m’acheter un vélo qui ne pouvait plus me servir d’excuses pour expliquer une contre-performance.

J’avais tellement hâte à l’été, vous ne pouvez pas savoir. J’ai redoublé d’ardeur au gym, pas croyable! Je revenais à la maison le soir et la première chose que je faisais était de regarder mon bike dans les yeux et de lui dire « quand je vais te t’enfourcher toé, ça va être ta fête! » Nous étions en 1988 au printemps de mes 33 ans, un hiver complet sans aucune cigarette, pas de gaskette et ni de ligne de merde. Si vous aviez vu la face de mes chums du HLM à côte dans rue, lorsqu’ils m’ont vu sortir avec mon beau Peugeot sur le trottoir aux premiers chauds rayons de soleil à la fin d’avril accoutré comme j’étais!! Avec mes grands lainages que je devais enrouler deux ou trois tours à la taille, parce qu’ils étaient trop grands pour moi. Du linge emprunté voyez-vous hi hi hi.
« Eh ! Le clown, tu t’en vas ou de même…Christ Bob, Stun estie de beau beucycle cela? » disaient les gars en expirant une bonne touche de cigarette. 
« Cela mon homme, c’est une machine !» en mettant mon cul dessus.
Mon vélo était un peu plus petit que la grandeur qu’on m’aurait vendue en boutique. Si je me souviens bien, c’était un 56 alors qu’aujourd’hui je roule sur du 57 et on me recommande souvent du 59 pour ma grandeur. Le Reynolds 501 était l’équivalent du Colombus chez les cadres en alliage acier/Cromoly. À l’époque, je ne pouvais pas le comparer avec d’autres types de cadre. J’étais complètement néophyte en la matière. Évidemment, il n’y avait aucune comparaison à faire avec mon beau Poliquin jaune. Sa légèreté et conduite sont les deux aspects qui m’ont surpris le plus. Je m’en suis vite aperçu dans mes premiers virages. Oups mon homme, soit prudent, tu n’as pas trop le droit à l’erreur. Je n’avais qu’à incliner le vélo en appui dans les virages et vlan, c’est parti ton affaire mon homme, c’est là que tu passes et pas ailleurs, accroche ta tuque ! Et c’est quand je suis arrivé dans mes premières côtes et que je me suis levé en danseuse pour la première fois, que je me suis aperçu comment mon petit Peugeot était un bolide, « stiff » en accélération et relance, même en le comparant quelques années plus tard avec mon Desmarais en Colombus SLX que j’ai eu. Je l’ai gardé 4 ou 5 ans mon Peugeot et je n’ai pas eu honte de le revendre 500 $ à mon voisin pour qui s’était mis au vélo, et il ne s’en est jamais plaint.

Mon premier parcours que je ferai durant des années et pas mal plus souvent que j’aurais pu me l’imaginer, était de sortir de ma rue par Saint-Paul, aller sur le boul. Champlain pour remonter à l’autre bout des ponts, pour aller rejoindre la rue des Hôtels qui donne sur le Chemin Saint-Louis. Dans ce temps-là, il n’y avait personne ou que très peu de monde qui roulait sur ce boulevard, que ce soit au printemps ou n’importe quand durant l’été. Il n’existait à peu près pas de cyclistes sportifs comme aujourd’hui. Quand je voyais une face, je le saluais bien sûr, mais je m’efforçais aussi de savoir qui était-ce. Et la plupart du temps, il s’agissait de coureurs que j’avais vus lors des courses du mardi soir l’été. Ils étaient habillés avec leur ensemble de club la plupart du temps, donc facilement reconnaissables.

Pour revenir chez moi en fin de parcours, j’avais le choix d’emprunter la haute ville, soit par le Chemin Saint-Louis à nouveau, St-Cyrille, aujourd’hui René-Lévesque, ou d’aller rejoindre le boulevard Charest pour rentrer par la basse ville. C’est d’ailleurs sur Charest que j’ai rencontré mon premier cycliste maître, qui a bien voulu m’adresser la parole et me prodiguer quelques petits trucs pour mieux rouler. Mon grand ami et défunt Évariste Lavoie, mort à l’âge de 78 ans le 6 juillet 2004 avec sa télécommande de télévision dans les mains à écouter le tour de France. Je venais de connaître l’un des plus grands mordus cyclistes que le Québec ait connus. Évariste avait tellement bourlingué, qu’il ne savait plus où suspendre ses médailles ou remiser les nombreux trophées qu’il s’était mérités partout au Québec ou ailleurs dans le monde. Il y en avait plein son salon et même accrochées après ses poignées d’armoire de cuisine. C’est sûr que certains jaloux diront, qu’il n’a rien fracassé lorsqu’il était jeune sénior comme eux, sauf qu’il avait déjà été couronné champion du monde dans sa catégorie d’âge. Sans enfant ni femme dans sa vie, Évariste n’avait que le cyclisme comme passion l’été. Année après année, il s’est toujours présenté sur les lignes de départ pour donner le meilleur de lui-même pendant plus de 60 ans. Vous y pensez?!
Évariste à ses dernière années
Voici ce que Michel Bédard, un de mes futurs coéquipiers de vélo, lui a témoigné lors d’une soirée reconnaissance où nous nous étions tous réunis, cyclistes de Québec, pour lui offrir un nouveau vélo en remplacement de son Marinoni qui était affaibli de partout.

« Rappelons-nous qu’en Europe, le cyclisme est plus populaire que le hockey. Or, notre cycliste québécois ne craint pas d’aller se mesurer, année après année, avec les grands mordus de la pédale. En 1987, il remporte même le Championnat du monde de cyclisme dans sa catégorie. Il est trois fois 3e à ce championnat; une fois 2e et une fois 7e en coupe du monde. Au tour du Var sur la Côte d’Azur, il est deux fois vainqueur, trois fois 2e et une fois 4e. Il compte dix participations à la Semaine internationale du cycliste à Deutschlandsberg avec deux victoires et monte huit fois sur le podium. En 1974, il remporte la Maine International Bicycle Race.
Au Québec, notre increvable Évariste compte 57 années de course cycliste : il fait 29 fois la course cycliste Québec-Montréal (la course la plus longue au monde pour amateurs). Il participe à dix Tours du Saint-Laurent et en gagne une étape. On le voit aussi dix fois dans la course Québec-La Malbaie. Lors des championnats canadiens et québécois, il devient un familier du podium. En 1946, alors que la plupart d’entre nous ne sont même pas nés, il gagne le Championnat canadien, dont le départ s'était donné par Camilien Houde. »

Évariste ne se faisait pas à manger. Il demeurait au coin de Charest et de Marie-de-L’incarnation, et mangeait trois repas par jour au restaurant Normandin en face de chez lui. Je suis ému d’écrire ces quelques lignes à son sujet. Quel homme charitable. Il m’avait pris sous son aile. J’avais fini par connaitre son horaire et je m’arrangeais toujours pour le croiser quelque part dans l’ouest de la ville vers Saint-Augustin-de-Desmaures sur le territoire des Louis Garneau, Marc Blouin, Yvan Waddell et Cie, des gars que je ne connaitrai que beaucoup plus tard.

Il moulinait avec précision comme une vieille machine à coudre Singer. Vous vous souvenez des courroies d’entrainement des machines à coudre que nos mères faisaient tourner à la main pour les aider à démarrer. Bien, Évariste avait cette régularité et souplesse dans son coup de pédale. Il m’avait demandé mon âge à ma 2e saison avec mon super Peugeot, que j’adorais toujours. 
« 33 Évariste »
« Ouin tu es un peu jeune Robert. Je te croyais un peu plus vieux. Écoute lâche pas, je te trouve vraiment bon. Continue de t’entrainer comme cela, et si tu fais toujours du vélo à 35 ans, bien tu pourras venir courir avec nous autres chez les maîtres. Je te présenterai à la gang».
 Wow, qu’est-ce qu’il vient de me dire lui là?
« Tu dis que je suis bon Évariste ! J’ai de la misère à te suivre et tu as 61 ans voyons donc!! »
« Non non, crois-moi m’a-t-il dit avec sincérité »
Quand même curieux que je m’éblouissais devant les performances d’Évariste âgé de 61 ans, alors qu’au moment je vous parle j’en ai 63. À la différence que je ne fais pas le même effet aujourd’hui à un jeune homme de 33 ans que lui m’a fait. Ce soir-là, quand je suis revenu chez moi après mon entraînement, je flottais dans l’air, je venais de monter une autre marche. Je le connaissais le bonhomme. Je le voyais se battre et se colmater avec les plus jeunes lors des mardis cyclistes. Je ne pouvais pas m’imaginer gravir les échelons jusque-là, mais là, il venait de me donner le goût d’essayer. Il ignorait quel regain de vie il venait de me donner. C’est grâce à lui si j’ai persévéré jusqu’à l’âge éligible 2 ans plus tard.
***
Chapitre 5

Aller à la bonne école et savoir bien s'entourer

2 autres étés se sont écoulés. Je ne travaille plus chez Ultra-Média communication, la petite Cie que j’avais formée pour la vente de publicité chez Inter-Canadien. Après la faillite de Leblanc le président de Québec Air, voilà que le même homme se retrouve en Lock Out avec Inter-Canadien, mon client. La publication du magazine étant suspendue le temps du conflit de travail, j’ai dû me trouver un nouveau travail. Heureusement, avec la clientèle établie que je m’étais bâtie, une grande agence de pub de Québec à l’époque m’avait offert un poste en développement des affaires. N’oubliez pas je suis un bon vendeur.


Ma fille demeurera ma plus grande
et fidèle admiratrice (1992)
Ma vie est stable. Je m’occupe de ma fille les fins de semaine comme nous nous étions entendus sa mère et moi. Je roule la semaine et je m’occupe de ma fille les week-ends. L’été, je prends une couple de semaines en vacances avec elle et elle repart avec sa mère pour au moins 3 semaines. De plus, je peux compter sur elle à l’occasion pour la garder si j’ai un programme spécial lors d’une fin de semaine. Elle a refait sa vie avec un autre homme avec qui elle aura un autre enfant. Alors, elle aime bien avoir Vivianne avec elle à l’occasion les fins de semaine aussi pour créer une vie de famille avec son nouveau petit frère.

Qui s’en plaindrais-je? Les conditions idéales ma foi pour entrer sur le circuit des maîtres comme Évariste m’avait suggéré de faire. Nous sommes au printemps 90 et je lui donne un coup de fil pour lui dire que je suis enfin prêt. Enfin, je l’espère. Le club dans lequel il est s’appelle le « Club Jean Garon », le nom de son fondateur, mais aussi du coureur et de mon futur coéquipier.

Vous ne connaissez pas Jean Garon? Normal. La culture du cyclisme n’est pas suffisamment développé au Québec pour qu’on ait donné quelconque importance à nos athlètes qui ont compétitionné amateur ou semi-professionnel dans l’anonymat en arrière-plan des grands reportages sur le baseball, le football et le hockey, les sports qui dominent notre presse sportive.

Mon coach Jean Garon avait entrepris la compétition cycliste en 1959. Au cours de sa carrière, qui prit fin en 1970, c’est-à-dire près d’une vingtaine années avant que je fasse sa connaissance, il avait remporté 42 victoires, dont 5 championnats québécois de cyclo-cross. Il a participé aux Jeux du Commonwealth en 1962, au Tour du Saint-Laurent de 1962 à 1965, au Tour de l'Avenir en 1961 et 1962, au Tour de la Nouvelle-France en 1967, et à quatre compétitions des six-jours de Lachine en 1965 et 1966. Lors de la classique Québec - Montréal, il a terminé deux fois deuxième et deux fois troisième.

Voici ce que j’avais écrit sur lui sur mon blogue en 2012, il n’y a pas très longtemps, 25 ans plus tard après s’être connu, juste parce que je l’avais aperçu de loin en vélo sans pouvoir lui parler. J’étais revenu à la maison la gorge nouée. J’aurais pu passer sur dix feux rouges sans m’en apercevoir. Tellement d’images et de beaux souvenirs ont resurgi dans ma tête. Je lui suis tellement reconnaissant qu’il ait pris soin de moi comme athlète. 

Jean Garon, 1962-65
« Quelle personne joviale il était et qu’il doit être encore. Je l’ai malheureusement manqué en sens inverse sur la piste cyclable des cheminots pas de casque avec sa petite casquette par en arrière comme toujours…

 … Je veux donc profiter de ce moment pour remercier les frères Garon du support et de l’encadrement qu’ils m’ont offert lorsque je les ai côtoyés de plus près. Jean commandait les entraînements au printemps et il savait comment nous parler et nous motiver à le suivre pour monter jusqu’à l’étape dans le parc des Laurentides à la mi-avril pas de casque avec juste une tuque sur la tête ! Il se préoccupait du sort de tout le monde, nous appelait pour savoir comment nous allions et avait toujours la bonne observation pour dissiper le doute en nous. Avec lui, l’important était d’essayer et d’être content de notre performance. Parmi tous les coureurs de l’époque, lorsque nous n’étions pas au sommet de notre forme aux premières classiques du printemps, il était le seul à tenter le tout pour le tout pour s’échapper tout seul à pleins gaz, même si cela pouvait ne l’amener à rien du tout. Je me rappellerai toujours de ses sourires moqueurs et de satisfaction après l’avoir essayé « As-tu vu Bob? Ç’a presque marché ! La prochaine fois ça va y être ! Il connaissait tous les trucs du métier et était une personne des plus respectées dans le peloton. S’il y avait un grand parleur ti faiseur dans le peloton, il ne se gênait pas pour lui dire ce qu’on s’attendait de lui ou de carrément se la fermer!!

Baveux vous direz? Oui, mais il avait le droit lui ! Quand on s’est mesuré aux meilleurs dans le monde dans des courses comme celle du Tour du Saint-Laurent, que tu as bourlingué en Europe sur les grands circuits amateurs, tu intègres et développes une personnalité avec des codes de conduite qu’il faut respecter. C’est la loi du milieu ! Hommage à toi Jean…. MERCI ! »

Jean n’était pas le gars à exiger des formalités pour pouvoir entrer dans son club. Tu te présentes chez lui le samedi matin à 10h dès le début d’avril et si après une couple de sorties, tu te plais toujours avec les gars, il ne te refusera pas. Trop peu de monde était attiré par les courses pour commencer à leur dire « non ! Vois-tu mon homme, je ne crois pas que tu as le potentiel »

Jean savait bien trop ce que c’était pour moi de commencer à courir avec des gars que tu ne connais pas du tout. L’équipe était composée d’excellents cyclistes, que j’ai appris à connaître et à respecter avec leurs qualités et défauts. Ce n’était pas le temps de leur dire, ah moi j’ai fait ci, ah moi j’ai fait cela…vous voyez ce genre d’attitude lorsque quelqu’un cherche à se défendre en s’élevant à un rang qu’il n’est pas. De toute façon, de quoi aurais-je pu me vanter moi, à part de leur dire que j’étais un ex-toxicomane. Cela faisait 3 ans que je rêvais à ce moment, de faire partie d’un club de compétition avec des gars qui m’inspireront, qui me montreront le chemin. Je vous en présente quelques-uns, les plus importants. Les autres étaient des coureurs de mon calibre, des gars qui auraient peut-être oublié mon nom, si cette histoire avait été racontée par eux :


Claude et moi analysant les résultats
après une course
Claude Garon, le frère de Jean avec qui il a fait les six jours de Lachine et bien d’autres courses amateurs. Claude pouvait casser ou tordre un bicycle sous l’impulsion de son coup de pédale au sprint. À 200 lb, lorsqu’il s’assoyait sur sa barre horizontale de vélo le nez sur ses patins de freins avant, il pouvait dépasser les 90 à l’heure en le temps de le dire dans une descente. Je me souviendrai toujours d’un championnat du Québec ou Canadien à Lac Mégantic, Claude et moi s’étions fait décrocher par le peloton dans une longue montée vers le Lac Drolet et il tombait des cordes. Une pluie si grosse que tu voyais les gouttelettes rebondir sur l’asphalte. Nous arrivions au sommet de la montée et on apercevait déjà le peloton devant nous dans la descente vers le village. Et Claude m’avait dit…
« Robert installe toi derrière moi. Je sais que tu ne verras pas grand chose, mais fais-moi confiance. Tant et aussi longtemps que tu recevras le jet d’eau carré entre les deux yeux, dans tes lunettes ou ailleurs, c’est que tu es à la bonne place ! Tu vas voir, on va les rattraper, je te le dis! »
« T’es malade Claude, voyons donc, cela n’a pas de sens, on va se tuer!». 
Je ne me souviens plus de la vitesse que nous sommes descendus sous cette pluie. Je me souviens très bien avoir fait une prière avant de m’élancer avec lui. J’avais confiance en Claude. S’il dit que c’est possible, c’est que c’est faisable. Tout le long de la descente, je me suis assuré d’avoir les mains dans les drops de mon vélo, le plus calmement possible, sans avoir les bras tendus. Je me suis assuré d’être le plus près possible de lui pour recevoir le jet d’eau de sa roue arrière carré dans le front ! Quand j’ai senti que nous diminuions de vitesse une fois en bas, j’ai relevé la tête pour m’apercevoir que nous rentions dans le village en même temps que le peloton. Nous les avions tous rattrapés Wowww !


Championnat du monde Hawaï
Alain Deschênes était mon leader de catégorie d’âge, mais aussi le meneur de toute l’équipe. Il a gagné une couple d’années le super Prestige du meilleur coureur sur route au Québec dans sa catégorie d’âge (A) le temps que j’y étais. Il n’était pas du genre volubile à se péter les bretelles comme beaucoup de ses concurrents qui auraient bien aimé avoir son talent. C’était sur son vélo qu’Alain s’exprimait le mieux. Aujourd’hui à 65 ans (2018), Alain a dû se retirer d’une magnifique carrière d’Ironman suite à des blessures qui, avec l’âge, sont venus l’ennuyer. Trop pour l’empêcher de renter premier! Durant plus de 20 ans, il s’est distingué sur la scène internationale comme l’un des meilleurs IronMan au monde. Il remportera en 2005 à 52 ans l’IronMan de Montréal toute catégories confondues en 9h21m. Il obtiendra sa place pour aller aux championnats du monde en gagnant à 2 reprises l’IronMan de Lake Placid, qu’il détient toujours le meilleur temps à vie chez les 55-59 ans, celui de Penticton au BC, Tremblant et récemment celui du Maryland aux États-Unis. Il aura participé à plusieurs reprises au championnat du monde à Hawaï, où il réussira à terminer 2 X 4e et une fois 2e. Seule la médaille d’or maque à son tableau d’honneur et ce n’est pas parce qu’il n’a pas essayé. Alain est sans aucun doute le plus grand combattant que j’ai côtoyé et c’est avec beaucoup de fierté que je me plais à dire qu’il est aussi mon grand ami.


2014
Gaétan Beaulieu était un autre de super athlète. Un petit gars de Baie-Comeau de la Côte-Nord qui avait laissé une job de journalier à l’Iron Or pour se rapprocher du Mont Saint-Anne et des compétitions de ski de fond. Voici ce qu’on disait de lui dans le journal en 2011 :

« Il n'y a pas qu'Alex Harvey qui brille comme Saint-Ferréolais sur la scène internationale du ski de fond. Gaétan Beaulieu est monté à deux reprises sur le podium en Coupe du Monde des Maîtres en ski de fond, présenté la semaine dernière, à Sovereign Lake, en Colombie-Britannique. Le fondeur de 55 ans a mérité l’argent au relais 4 X 5 km classiques, et le bronze au 10 km classique. Il a aussi obtenu des quatrièmes places au 30 km, à seulement quatre secondes du podium, et au 45 km, l'épreuve la plus difficile. Athlète émérite, Gaétan Beaulieu a remporté de nombreuses fois les championnats canadiens de ski de fond ».

Évariste Lavoie que je vous ai longuement parlé déjà, ainsi que d’autres coureurs pas moins émérites tel Pierre Gagné, champion de patin de vitesse, les Michel et Marcel Bédard, Michel Dumas, des vrais gentlemans, qui ne disaient jamais un mot plus haut que l’autre, mais qui finissaient toujours parmi les meilleurs.

C’est avec ces gars-là que j’ai commencé. Vous savez, quand on dit au hockey que ça prend des vétérans dans le vestiaire pour montrer la voie aux jeunes, bien c’était la même chose dans notre groupe. Malgré un souci des petits détails et l’éthique du travail qu’ils avaient, vous savez quoi? Ils ne se prenaient pas trop au sérieux. Certains de mes amis aujourd’hui me trouvent parfois baveux quand je roule avec eux et bien dites-vous qu’ils n’ont encore rien vu. Il fallait les voir s’écoeurer entre eux, lorsque que quelqu’un manquait de gaz, un virage, ou tentait une échappée dans une descente, regardait les filles sur un trottoir, arrivait avec un bicycle sale ou n’importe quoi d’autres. Tout était sujet à la risée et au ridicule. Un susceptible n’aurait pas fait long feu. J’étais le petit dernier qui venait d’arriver et il n’aurait pas fallu que je me plaigne de leurs enfantillages.

Je me souviens de mes premières sorties au printemps avec eux. Il faisait tellement froid, qu’il nous arrivait souvent de ne pas mettre notre casque, parce que c’était embarrassant sur une tuque à double épaisseur pour se protéger du froid.


MA tenue habituelle du printemps :-)
Nous pouvions partir de chez Jean dans le bas de Charlesbourg en route vers Saint-Ferréol des Neiges. Cela pouvait faire plus d’une centaine de kilos aller-retour. On ne faisait pas de voyage en Europe dans ce temps-là vous savez, et les entrainements en salle n’étaient pas aussi sophistiqués qu’aujourd’hui. Jean surveillait la cadence de nos coups de pédale durant les réchauffements. Les gars n’étaient pas pressés. Ils en profitaient pour se dire combien de kilos ils avaient au compteur, quel genre d’entrainement ils avaient fait durant l’hiver etc. Depuis le temps que les gars ne s’étaient pas vus, c’était le temps de placoter sur le petit plateau pour cette première demi-heure.

Mais aussitôt ce réchauffement terminé, Jean ouvrait les hostilités en plaçant quelques mines ici et là pour obliger nos meilleurs de l’équipe à le pourchasser. Si ce n’était pas lui, c’était son frère Claude. Ces deux hommes-là n’avaient pas plus la forme que nous vous savez! Jean était professeur au secondaire et Claude fonctionnaire, alors vous voyez? Même qu’ils avaient des familles, femmes et enfants par-dessus le marché, alors que la majorité d’entre nous étions tous des célibataires endurcis sans enfants avec plein de temps libre. Mais ils avaient du chien, de l’audace et se plaisaient à réveiller le groupe. Claude et Jean Garon avaient le vélo dans le sang. À combien de camps d’entrainement avaient-ils déjà participé? Vous vous imaginez? À ce moment-là, pas de programme d’entrainement issu de Docteurs en Éducation physique ou de spécialistes comme aujourd’hui, qui calcule ou suit ton programme selon toutes sortes de paramètres de performance. Non ! C’était l’époque du No pain, No gain ! 

Je faisais du mieux que je pouvais lors de ces premières sorties printanières. Ma préparation n’était jamais la meilleure non plus. Les gars faisaient beaucoup de ski de fond ce à quoi je m’étais résigné à faire et encore aujourd’hui. J’avais toujours cru m’être bien m’entrainer l’hiver, mais je me suis vite aperçu que j’étais plutôt paresseux. Malgré tous mes efforts, je n’arrivais jamais à suivre le groupe quand le rythme s’imposait, mais Jean se laissait toujours redescendre vers moi pour me demander si tout allait bien? Orgueilleux comme je suis, je lui répondais…
« non, mais tu blagues Jean!! Non non ça va. Je suis juste un peu moins fort que vous autres aujourd’hui et je ne réussis juste pas à démarrer dans le bon moment. Cela va se replacer, tu vas voir ».

Jean se faisait toujours un plaisir de me décrire le tempérament des gars, leurs forces et faiblesses et des situations de course qu’il nous imposait pour que je développe ce sens qui te permet d’allumer dans le bon moment, de lire une course, d’y comprendre ce qui se passe et surtout, de deviner ce qui va se passer avant que cela n’arrive. C’est ce qu’on appelle avoir l’instinct du coureur. Et croyez-moi, j’en ai connu des gars plus forts que moi à vélo, mais qui n'avaient pas cet instinct. J’étais toujours un peu surpris d’arriver avant eux au fil d’arrivée. Jean pouvait même m’accompagner dans ces moments de récupération pour me crier « envoye Christ ! Démarre Robert! T’a pas vu nono!» À force de me faire crier après et avec du travail, j’ai fini par ne plus en échapper une! Ses précieux conseils m’ont permis de sauter les étapes, d’accélérer ma progression. Qui sait? Peut-être aurais-je abandonné si j’avais été laissé à moi-même comme beaucoup d’autres gars dans d’autres clubs?

Je revenais chez moi complètement démoli. Le cul endolori, les psoas raides, douloureux et crampés de partout. Fallait que je me laisse tremper dans un bain chaud pendant une heure et après je n’étais bon que pour souper et aller me coucher pour ma sortie de récup le lendemain en solo. Je préférais reprendre le collier seul, sauter l’entrainement facultative. Une journée à me faire chier par les gars était bien assez pour moi à cette époque.

Ces camps d’entrainement au printemps en sa compagnie ne duraient que 3 semaines jusqu’au premier rendez-vous des courses régionales et de la première provinciale à Ste-Martine en Montérégie à la fin avril.


Ste-Martine, au centre (1992)

Malgré cette bonne préparation, mes débuts furent difficiles comme les débuts de tous les nouveaux. La forme qu’on s’est bâtie avant le début de la saison joue certes un rôle, mais c’est la stratégie, le moment de donner son plein effort, comment lire les premiers instants d’une course, qui ont été les principaux facteurs de succès pour moi. C'est sur ces aspects que j’ai dû travailler. Dès que le coup de départ est donné et que ça part en fou, il est important de s’être placé derrière un coureur de notre calibre, mais qui, contrairement à soi, saura s’accrocher. On le sait par les résultats des courses passées qu’on analyse. Lors d’un départ, on se dit, tiens ! Aujourd’hui je pars en arrière de Jean-Claude. C’est un coureur qu’on sait être capable de suivre et qui saura aussi se frayer un chemin en jouant des coudes au travers les premières chicanes du départ. Dès le moment qu’on est sur le bord du désespoir après ce coup de départ, qu’on se demande si on pourra suivre ce rythme sans craindre d’avaler sa langue, il faut vite chasser ces idées noires de sa tête et endurer cette douleur encore quelques secondes, et de se dire envoyyyy Bob t’es capable, ne lâche pas!!! Tout le monde à l’avant a certainement aussi mal que toi ciboire, surtout qu’ils font face à plus de difficulté que toi sur le front avant de la course. Ils ne sont tout de même pas des extra-terrestres, ils finiront bien par lever le pied à un moment donné. Le temps que les premiers se relèvent pour se demander qui prendra la relève, ou le temps que quelqu’un décide de placer une autre accélération pour contre attaquer, le pack avait ralenti quelques secondes, le temps qu’il te fallait pour récupérer. Tu es sauvé. Tu n’as que quelques secondes pour reprendre ton souffle et te remettre à la bonne place, mais comme tout le monde est essoufflé, même chez les meilleurs, bien le prochain démarrage est moins violent et tu as la chance d’être mieux réchauffé pour y faire face. Tu t’es assuré de maintenir ta position en arrière d’une bonne roue, puis tu t’accroches coûte que coûte !

Il m’a fallu pas moins de 4 à 5 départs régionaux avant de pouvoir bien maîtriser cette dynamique et finir dans le peloton sur des terrains pas trop accidentés. Au provincial, j’ai eu certainement besoin d’une couple de courses de plus pour y arriver. Le calibre étant plus relevé, les contre-attaques fusent de tous côtés et lorsque venait le temps de séparer les hommes des enfants sur une bosse ou une montée, il m’arrivait de ne pas être en mesure de suivre le premier peloton. Des fois, parce que je ne m’étais pas bien placé, je n’avais pas suivi une bonne roue, ce qui t’oblige à donner un coup de reins pour le dépasser et combler le trou qu’il t’a créé pour rejoindre les autres à l’avant. Si tu en donnes plusieurs coups de même, cela vient t’en siphonner de l’énergie, et lorsque le bon coup doit être donné, bien tu n’en a plus! C'est cela la course! En d’autres circonstances, je n’avais pas encore le torque des meilleurs pour suivre ce rythme d’enfer. Mais c’est sûr qu’il y avait une explication. Tu te couches le soir et tu visualises toute l’affaire à nouveau et tu as affaire à ne pas te conter de menteries si tu veux t’en sortir. Il faut que le déclic se fasse la fois d’après, quand survient la même situation de course, tu te dois d’être mieux préparé pour prendre une meilleure décision. Si tu foires encore, just to bad mon homme, mais il faut que te refasse le replay encore dans ta tête et que tu cherches le moment et le pourquoi de cette rupture avec le groupe. Que s’est-il passé CALICE? C’est la réaction que j’avais quand ça se produisait. Si cela ne te fait pas mal, si ton orgueil n’en prend pas un coup, bien tu n’y arriveras pas.

***


Chapitre 6
Assumer ses limites et rouler pour l'équipe

Ne pas être le meilleur de mon équipe ne me dérangeait pas du tout. Faire partie de la meilleure équipe Maître du Québec, porter le même maillot que mes coéquipiers, partager leur motel, parce que nous nous mettions à plusieurs par chambre pour sauver de l’argent, me satisfaisait amplement. En direction vers une course en voiture ou le soir après une première étape, j’assistais souvent aux échanges entre Alain, Gaétan, Jean et Claude sur ce qui s’était passé dans la journée et qu’est-ce qu’on pouvait faire de mieux la journée suivante pour changer la dynamique de la course ou pour permettre à l’un ou l’autre de nous de gagner la course ou de gagner des rangs dans le cumulatif de la fin de semaine. Comme j’étais toujours un peu plus à l’arrière des autres, je pouvais voir si ce que les gars avaient prévu se produisait et s’ils avaient oui ou non bien réagi de la façon qu’ils avaient convenu de faire. À la longue, et avec le temps, il m’arrivait de mieux interpréter qu’eux ce qui s’était passé, de sorte qu’avec le temps je me suis impliqué un peu plus dans les stratégies. C’est à ce moment au début de ma 3e  année de compétition que j’ai compris quelle place je pouvais occuper et le travail qui s’y rattachait pour donner un coup de mains à mes coéquipiers. Je ne gagnais pas de course. Je ne constituais pas une menace pour les meneurs. J’ai fini par comprendre qu’à défaut de gagner des courses, que je pouvais me battre pareil, faire ma place et la garder. Je suis devenu un domestique, un plombier comme on dit au hockey. Je n’étais plus le petit nouveau. J’avais fait mes preuves. Quand on intervient dans une course pour permettre à ton coéquipier de gagner un championnat, çà se placote autour. J’ai fini par faire partie des vétérans. Les meilleurs et les vieux de la veille venaient me voir maintenant après les courses et s’informaient comment cela s’était passé pour moi aujourd’hui. On ne m’a jamais sacré après pour une erreur de pilotage, même que sur certains circuits on me gardait à l’œil. J’avais la réputation de me frayer un chemin vers en haut assez vite. On me gardait à l’œil. Il se pouvait qu’en certaines circonstances, que je ne puisse rien faire pour mes gars, mais en d’autres, ma contribution fût toujours très appréciée. Cela ne pouvait quand même pas marcher à tout coup. Mais j’avais appris de Jean Garon mon coach, qu’il fallait essayer, provoquer des affaires.  Puis, pourquoi ne pas feinter quelque chose?

Si Alain, mon leader, tentait ou prévoyait une échappée à un moment donné, il m’en avait glissé un mot avant la course pour je remonte en haut dans le bon moment et lorsque la chasse s’organisait contre lui, je tentais du mieux que je pouvais de m’installer devant les meneurs, question de nuire à leur rythme. De toute façon, toute l’énergie que cela me demandait pour remonter en haut de la sorte à quelques reprises ne me permettait d’y rester que quelques minutes, le temps qu’on s’aperçoive de mon petit manège et que d’autres prennent le lead rapidement pour m’écarter. Si je pouvais faire ce blocage à une couple de reprises avec des gars d’équipe adverses qui pouvaient y trouver leur compte aussi, cela pouvait permettre à Alain ou à Gaétan de prendre le large. De plus, comme Alain et Gaétan étaient souvent surveillés par des gars qui leur collaient au cul, il m’arrivait de m’infiltrer de force en arrière d’eux pour en tasser une couple. Comme mes chums me voyaient venir, ils s’arrangeaient pour placer une petite accélération le moment que je m’immisce entre eux et leurs adversaires. Bien mal venu celui qui voulait prendre ma place. Je sortais les coudes et je n’hésitais pas à faire contact, voire à pousser volontairement si cela devenait nécessaire. « Hey man dégage, c’est moé qui est icitt » Je me faisais crier après, mais je m’en câlissais, cela faisait partie de la game.

Alain et Gaétan avaient chacun leur style de coureurs, ce qui m’amenait à les conseiller différemment, bien quand ils me demandaient mon opinion. Alain était un gars tellement fier, qu’il demeurait souvent trop longtemps à tirer en avant le peloton, de sorte qu’il avait souvent brûlé trop des cartouches avant le sprint final, une de ses spécialités pourtant. Or, combien de fois lui ai-je conseillé de faire attention à cela, qu’un tel ou tel autre était toujours dans son cul et ne faisait qu’attendre le fil d’arrivée pour le sauter. Mais que voulez-vous? Un pur- sang est un pur-sang. Il me regardait les yeux un peu sceptiques, surpris et me disait…
« Stu vrai Bob? »
« Bin oui Cavaire Staffair! »
« Oui mais je voulais faire ceci, cela, je pensais que cela était pour marcher… En tout cas, la prochaine fois, je ne me ferai pas avoir, Christ Bob!»
Gaétan lui, de peur de mettre en danger sa saison de ski de fond par une mauvaise chute, évitait les sprints de masse. Cela ne voulait pas dire qu’il ne pouvait pas gagner de courses. Il les gagnait juste autrement. J’avais été témoin tellement de fois de mauvaises fins de courses par mes gars qu’en dernier, j’en étais rendu à leur suggérer ce qu’ils devaient faire le lendemain selon le parcours qui nous attendait. Pour Alain, c’était de s’épargner un peu plus, quitte à ce que Gaétan mène à l’avant à un rythme tellement élevé, qu’Alain pouvait sauter tout le monde en sortant de l’arrière si sa sortie était bien calculée. Et pour Gaétan, ce grand 6 pieds 2 pouces 175 lb, champion canadien de ski de fond, avec un cardio effroyable, pouvait sortir par surprise au moment que le monde ne s’y attendait pas le moins du monde, plusieurs kilomètres avant l’arrivée pour s’élancer sur un contre-la-montre que personne ne pouvait suivre à moins qu’un cycliste eut été capable de sauter dans sa roue, et encore. Le peloton devait travailler si fort pour revenir sur lui, qu’Alain pouvait contre-attaquer immédiatement la jonction faite. Soit que Gaétan rentrait victorieux en solitaire, revienne dans le pack ou qu’Alain en remette pour rentrer sur un sprint plus long que d’habitude, ce qui était excellent pour lui contre les sprinters courtes distances.

2 anecdotes me reviennent souvent en tête lorsque je reviens dans le passé pour illustrer des situations de course que j’avais provoquées pour mes gars. Une bonne et une plus mauvaise.

Commençons par la mauvaise. Nous courrions une provinciale à Acton Vale en Montérégie. Rien ne s’était passé lors de cette course. Plusieurs tentatives sans succès par personne. Nous approchions à vive allure la fin de la course. Parfois, il m’arrivait d’analyser les fins de parcours la veille, surtout quand ceux-ci finissaient un peu plus Rock & Roll comme c’était le cas lors de cette journée-là. Il fallait effectuer un virage en « S » à 90 degrés à 500 mètres et traverser une voie ferrée à sa sortie juste après à 250 mètres de l’arrivée. Dans ma tête, je savais que les sprinters attendraient que ces difficultés soient passées avant de déclarer les hostilités dans le dernier 200 mètres. C’était trop dangereux de rentrer en gang à tombeau ouvert dans ces deux virages avec la voie ferrée pour finir. J’avais fait signe à Alain de me rejoindre sur l’extérieur pour lui dire que je sortirais en fou avant le virage en coude et qu’il se devait de me suivre. Qu’à l’allure que j’étais pour rentrer dans les virages en S que personne d’autre ne me passerait, à moins de prendre le décor! Aussitôt après la voie ferrée, tu t’envoles parce qu’il est certain que je n’aurai plus de jus. Comme prédit, les mains dans les arches de mon guidon, je sors en sprint sur le côté extérieur du peloton pour entrer le premier dans le virage à vive allure à une vitesse qui m’a même fait peur. Pas question de regarder en arrière en pareilles circonstances. Advienne que pourra. Je réussis à revenir à l’intérieur pour reprendre le prochain virage toujours en tête avec autant de vitesse sur la gauche et à ma sortie de la voie ferrée de l’autre côté, je n’en peux plus et je me tasse pour laisser passer Alain…en principe. Malheureusement, Alain ne m’avait pas pris au sérieux, m’avait-il dit après la course, et c’est Daniel Périgny, un gars de Shawinigan,  un ancien sénior de l’équipe nationale, qui avait pris ma roue pour entrer presque seul comme Alain aurait dû faire. Périgny s’est approché de moi dans le cool down après le fil d’arrivée pour me dire que je devrais parler moins fort avec Alain et que ma stratégie avait été l’une des meilleures qu’il avait connue… SACRAMENT D’OSTIE DE CALICE DE TABARNACLE!!

Nous sommes toujours en Montérégie sur terrain plat sur l’une des dernières courses de la saison. Mon pote Alain est premier au cumulatif du Super Prestige avant cette dernière course par quelques points seulement devant un autre gars. La seule façon pour ce type de gagner au classement provincial de la saison était de s’assurer de gagner la course sans qu’Alain ne soit sur le podium. Cette course fut ponctuée de plusieurs échappées, dont l’une, à l’insu d’Alain vers la fin de la course avec ce gars en question à l’avant. Alain avait encore travaillé trop fort à l’avant et il avait manqué le bateau lorsque ces trois gars l’ont pris par surprise. Personne ne voulait les chasser et à chaque fois qu’Alain a voulu sortir du peloton pour les rejoindre, des gars travaillant pour l’échappé réussissaient à le reprendre et à venir baisser le tempo à l’avant. L’échappée n’avait pas une grande avance. Moins de 30 secondes si je me souviens bien. Nous les avions toujours à vue, c’est ce qui était choquant. Je ne me souviens pas qu’Alain m’ait demandé quoique ce soit de lui-même dans une course depuis que nous courrions ensemble, mais cette fois-ci, il m’avait dit « Bob, je suis un peu fatigué. Je n’y arriverai pas seul!» Je n’ai pas su quoi lui dire. Sa demande m’a figé bin raide. Vais-je être capable? J’étais déjà éprouvé par les tentatives répétées qu’il avait tenté lui-même de faire. Tout tournait tellement vite dans ma tête. Je ne pouvais plus attendre. Le temps de réfléchir à comment j’étais pour m’y prendre nous faisait perdre du temps précieux. Je n’avais pas à sortir comme une bombe me suis-je dit, de toute façon je ne décrocherai pas personne si Alain, lui-même, n’a pas été capable. Je vais juste me mettre dans le rouge pour rien et il n’est pas garanti que je puisse maintenir ce rythme longtemps pour couper l’avance des gars en avant. Le but était donc d’augmenter le rythme pour qu’on me laisse tranquille à l’avant, et ce, aussi longtemps que je le pourrai ! That’s it! J’ai pris quelques grandes respirations, j’ai repris mon calme et le contrôle de mon rythme cardiaque et j’ai pris la commande du peloton en augmentant discrètement ma vitesse de façon régulière, et à ma grande surprise, les gars les plus forts du groupe ont préféré me coller plutôt que prendre les devants pour venir me ralentir. Une occasion s’offrait donc à nous me suis-je dit. Sans donner de coups, je me suis efforcé de maintenir ma vitesse la plus élevée possible aussi longtemps que je le pouvais. Je n’ai qu’une chance. Je me suis accroché après mes cocottes de guidon, fléchi par en avant, les bras à l’équerre, les coudes à l’intérieur, la tête penchée, pour à la fois regarder à l’avant, mais aussi pour regarder sous mes aisselles pour voir ce qui se tramait à l’arrière. Je suis en pleine puissance. J’ai les schnolls, les couilles bien appuyées sur le nez de la selle, je m’efforce de maintenir la bonne cadence alliant force et vélocité. J’avais commencé à retrancher du temps précieux. Je savais que je me rapprochais légèrement des gars en avant. Les gars me collaient toujours au train arrière et je savais qu’Alain veillait aux grains à l’arrière, qu’il se doutait que cela ne pouvait plus continuer encore très longtemps mon affaire. Nous faisions souvent des sprints de pancarte ensemble lors des entraînements, alors il était très familier avec ma silhouette à l’effort. Je souffrais le martyre, je grimaçais d’effort, j’avais quitté les mains sur le dessus des cocottes pour m’accrocher dans les drops et quand je suis rendu là, je sais que la fin approche. C’est le dernier effort que je peux donner et je m’en fous de sauter. C’est ma job et il n’y a que moi qui peux la faire alors, à la seconde que je rends l’âme à 45km/h, instantanément, Alain a trouvé les ressources pour donner le coup de grâce. BANG ! Il est sorti du peloton comme une bombe avec l’énergie du désespoir. Il y a bien quelques gars qui ont réussi à le coller quelques instants, mais ils ont à peu près tous sauté l’un après l’autre eux aussi sous le rythme qu’il leur a imposé. Mon travail avait porté fruit. Comme dans toutes les courses où des coureurs se disputent un podium, le gars qui menaçait Alain à l’avant s’est retrouvé seul à travailler, parce que les deux autres ne voulaient plus coopérer. Tu veux gagner le Super prestige mon homme et bien à toi de travailler pour! Le temps que les gars s’envoient chier, Alain avait réussi à les rejoindre pour finalement rentrer 3e. Alain avait donc assuré sa victoire au Super Prestige du cumulatif provincial chez les maîtres « A » (35 à 45 ans).


Classement Super Prestige 1992
Pour ma part, j’avais complètement explosé à l’arrière et j’étais rentré seul loin en arrière après tout le monde. Selon l’enthousiasme qu’Alain avait en revenant sur moi après mon arrivée, je savais que nous avions réussi. Lorsqu’il m’a accueilli, je me suis empressé de lui demander… 
« Çà-tu marché Alain? »
« Oui mon homme, ça marché ! »
J’étais tellement heureux. C’est le plus beau souvenir de vélo que je garde gravé dans ma mémoire. Alain m’avait dit après la remise des médailles « Bob, cette médaille t’appartient un peu» et il me l’avait remise autour du cou quelques instants. Cette victoire est l’un des plus grands sentiments de fierté que j’ai connu dans ma vie. Je ne crois pas en avoir connu d’autres aussi fort.

J’étais revenu de cette fin de semaine galvanisée par ces résultats. Il ne nous restait que quelques courses sur le circuit régional à Québec et j’occupais la quatrième place au cumulatif en arrière de mes 2 leaders et un dénommé André Gagnon du Centre Bicycle St-Foy, un féroce compétiteur, un spécialiste de patin de vitesse, qui était tout juste en avant de moi au classement. Comme les premières et 2 e places au général étaient assurées pour mes 2 leaders, je leur avais demandé de me donner un coup de main pour une fois, ce qu’ils ont pu faire admirablement. Les gars étaient si contents de m’avoir retourné l’ascenseur. Une saison de parfaite. 1, 2, 3 pour Boutique Sextemps!
Classement mardis cycliste, Québec 1992















Chapitre 7
Pas facile la vie amoureuse d'un cycliste

Courir pendant ces 5 ans a été vraiment un moment de bonheur. Ah, il y avait bien ma mère, des amis, certains collègues de travail et surtout les filles que je fréquentais, bien disons avec qui je flirtais, qui ne comprenaient absolument rien à cet engouement que j’avais pour le vélo. Plusieurs d’entre elles ne me laissaient même pas l’occasion de me faire valoir. Et même si je pouvais lui sortir l’une de mes meilleures performances, vous savez ce que je veux dire, bien elles ne m’accordaient qu’une couple de semaines de courtisanerie, et ce n’était pas long que j’obtenais mon t4, mon bleu si vous voulez.
«  Dis-moi Robert, veux-tu venir souper à soir? »
« As-tu quelque chose ce soir mon chou?
 « Qu’est-ce que tu fais ce soir? »
« Veux-tu sortir, aller voir un film ? »
« Bien, je ne fais rien de spécial ma chérie, je pourrais arriver pour souper vers 19h30. Bien, je pourrais arriver ou passer te prendre vers 19h30. 
Ma réponse était souvent la même…..
« Je pourrais y être vers 19h30 » après mes entrainements bien sûr, comme vous vous en doutez.
Après la séparation de la mère de Viviane, ma fille, mes aventures amoureuses n’ont jamais été très concluantes. Il ne m’était même jamais passé l’idée par la tête de déménager mes pénates avec l’une d’entre elles. Cela n’avait jamais été assez sérieux. Contrairement à beaucoup de mes amis, je veux dire tous ceux qui ne faisaient pas de vélo comme moi, ou à des amies de fille qui gravitaient autour de moi, donc contrairement à eux, je ne faisais pas de fixation sur la nécessité d’avoir une blonde. Pour plusieurs d’entre eux, être célibataire depuis un certain temps était vu comme un échec, comme la preuve qu’ils n’en valaient pas la peine. Le rejet total. Fiou! Combien de fois ai-je rencontré des amis de même, qui en faisaient quasiment une dépression ou qui acceptaient finalement de fréquenter un peu n’importe qui pour ne pas être seul.

Souvent autour d’une bière, l’air complètement débiné…
« Ah Robert, ce n’est pas la fille ou le gars parfait, mais bon, tant qu’à être seul ou de m’ennuyer pour mourir, bien… je l’endure. » Pas drôle n’est-ce pas ?
Bien ! Voulez-vous que je sois honnête avec vous, que je vous dise la vérité? Bien moi, il m’est arrivé très souvent d’avoir ces idées par rapport à une relation que je pouvais avoir avec une fille, mais ce n’était pas pour les mêmes raisons que mes amis. Non pas parce qu’elle n’était pas l’idéal de femme que j’attendais depuis 10 ans. Non ! Parce qu’inconsciemment, cela faisait mon affaire, c’était juste en attendant. Moi aussi, plutôt que d’être seul, je faisais un petit effort, mais pour en attendant que ma saison de vélo recommence. Ou plutôt, en attendant devrais-je dire qu’elles me remercient de mes loyaux services avant que ma saison de vélo ne recommence. C’était inévitable. Même chez quelques-unes auxquelles je tenais beaucoup, en faisant tout en mon possible pour lui faire plaisir, cela ne marchait pas. Que voulez-vous que je fasse? Je n’étais tout de même pas pour mettre de côté mon vélo pour une blonde quand même. On appelle cela comment ils disent, « de la dépendance affective ». Non! Ce n’est pas moi cela! Écoutez, le vélo a sauvé ma vie. C’est le vélo qui m’a permis de performer au travail, de renaître des morts, je n’étais pas loin vous savez, c’est donc avec lui que l’amour surgira ou je mourrai seul.

Voyez-vous, le matin après le petit déj, je partais travailler en vitesse très tôt pour être capable de revenir chez moi au plus tard à 5 heures en fin d’après-midi pour mon entrainement. J’ai toujours été capable de gérer cela avec mes boss. À 7h 30 très tôt le matin quand c’est calme, je suis au bureau à faire mes suivis, à remplir mes commandes, à rédiger mes comptes rendus de rapport. J’ai toujours atteint mes objectifs et aucun de mes boss ne m’a fait chier pour mes horaires stricts de fins de journées. Même que certains voyaient cela d’un bon œil. J’étais super allumé, vite en affaires comme sur mon en vélo et tout était sur leur bureau à 9h quand eux rentraient de leurs horaires de petites familles bien rangés. Ils disaient parfois à mes collègues…
« Pourquoi ne rentrez-vous pas au bureau le matin tôt comme Robert? »
« Bien, parce que voyez-vous boss, parce que nous, à 18h on est encore là alors qu’Harmegnies a câlicé son camp depuis longtemps pour faire de la bicyclette »
Ils me faisaient chier les gars quand ils disaient cela de même, «  de la bicyclette ». Parfois, ils disaient même « faire de la pédale » parce qu’ils aiment m’écœurer pour le fun.  
« Harmegnies y est une pédale  stestie de fifi-là, il est libre comme l’air, il n’a pas de comptes à rendre à personne, il ne s’est pas mis la corde au cou lui, puis s’il est en manque, il n’a qu’à s’envoyer en l’air avec la première qu’il voit ou se branler ! »
Voilà! Bingo ! Vous voyez comme c’est simple? À les écouter parler, c’est moi qui faisais la belle vie !

J’arrivais à la maison à 5h et demie, mon bike déjà fine tuné, huilé de la veille, il ne me reste qu’à gonfler mes pneus. Mon cuissard et maillot sont déjà sur mon lit. Il ne me reste qu’à les enfiler. Mes bouteilles dans le frigo, je me ramasse une banane et une couple de figues et me voilà parti. Pendant les 14 ans que je suis demeuré dans le vieux port, et encore aujourd’hui même avec ma blonde, j’emprunte le premier boulevard qui me sort de la ville et me voilà parti pour une couple d’heures minimum. Le vide complet dans ma tête. Je roule et mon esprit vagabonde entre une accélération, un intervalle long ou court, sur la fréquence de mon coup de pédale, ma position sur mon vélo en recherche d’aérodynamisme, ou encore sur le type d’entrainement que je devrais faire ce soir dépendamment d’où j’en suis dans ma saison. Soit que j’en suis au début, alors je dois travailler mon cardio, ma récupération, ou en milieu de saison lorsque la forme est au rendez-vous, c'est-à-dire à la mi-juin. Vous savez, à raison d’une à 2 courses provinciales les fins de semaine, ma compétition régionale tous les mardis, mon horaire n’était pas trop compliqué. Le lundi, je faisais une récupération active sur moyenne distance, parce que le mardi en course j’en faisais une courte à forte intensité. Je n’étais quand même pour me mettre à terre avant ma régionale ! Pas besoin de vous dire, que pour moi, la régionale du mardi équivalait à mon entrainement par intervalles. 40 kilos en critérium sur un petit circuit à constamment relancer, bien… il était fait mon entrainement avec intensité. Les mercredis et jeudis, je faisais des sorties plus longues (75 kilos) et le vendredi je moulinais en récup de nouveau pour être prêt à exploser le samedi. Vous voyez l’affaire? Comment voulez-vous que j’aie le temps de m’occuper d’une fille avec de tels horaires? Les premiers enlacements, les premiers jours c’est super, une couple de semaines à faire des efforts pour ne pas la décevoir, ça va encore. Vous savez les filles ne sont pas tellement différentes de nous autres là-dessus. Quand cela fait une couple de mois qu’elle est dans le besoin, elle est bien heureuse d’avoir son colleux tous les soirs, mais lorsqu’elle commence à se demander quels seront vos projets d’avenir ensemble, qu’elle prend conscience que tu parles au téléphone aussi souvent avec tes potes de vélo qu’avec elle, qu’elle m’entend discuter de nos tirages au sort pour savoir si je coucherai avec Alain ou Gaétan en fin de semaine prochaine, et bien là mon homme, c’est le début de la fin…
« Vois-tu Robert, je pense qu’on va se laisser »
Et là je ne vous parle pas des fins de semaine que j’avais la garde de Viviane, ma grande fille. C’est certain qu’elle venait en premier et que j’agençais mes horaires de vélo en fonction d’elle.

Alors ma blonde venait au troisième rang. Donc encore là, si ma blonde n’avait pas eu d’enfants, j’étais faite ! Elle n’y comprenait absolument rien et devenait immédiatement jalouse de ma fille à en faire des crises. Et si elle en avait déjà eu, et bien malgré cela, elle avait de la misère à comprendre que j’en suis aussi dédié. Ce qu’elles ne savaient pas, c’est que j’étais un homme rose issue du féminisme extrémiste des années 70-80 marqué au fer rouge et qu’il fallait que l’homme moderne sache s’occuper de sa marmaille. Sa mère n’avait pas marqué l’histoire du Québec pour rien avec sa recherche sur les rôles hommes/femmes dans les livres scolaires, que c’était les « Yvettes » qui s’occupaient de faire un gâteau pendant que papa lavait l’auto. Et comme les hommes de mon époque n’étaient pas du genre très maternel comme moi, ils étaient encore très nombreux à mettre leur blonde au premier plan devant leur fille, c’est le cas de le dire, bin, ça fait que…


« Vois-tu Robert, je pense qu’on va se laisser. Quand tu auras fini de coucher avec ton beucycle ou d’élever ta fille, tu me rappelleras ».

Le seul moment bien honnêtement, que je pouvais m’en tirer un peu et avoir une relation affective un peu stable était à partir du mois d’octobre jusqu’à la mi-fin mars. Comprenez-vous, à partir de fin mars, c’était les rondes téléphoniques des potes du club qui redémarraient en prévision des premières sorties printanières. Donc, le premier samedi d’avril, un matin de fin de semaine moche que ta blonde souhaite se prélasser au lit avec son chum, moi, bien fallait que je me lève à 6h 30 du matin pour pouvoir avoir fini de déjeuner à 7h, pour avoir le temps de digérer correctement avant mon premier coup de pédale à 9h qui, par-dessus le marché, était souvent à 1 heure de l’appart de chez ma blonde. Ehhhh! J’amenais tout mon stock de vélo chez ma blonde pour pouvoir dormir avec elle, non mais ce n’est-tu pas cute cela? Pour que nous puissions avoir une belle soirée sans que j’aie à la laisser par un bisou sur le perron de porte à 22h, même si c’est l’heure que je souhaitais me coucher pareil en restant chez elle! Non ! Ce n’est pas assez Robert. Moi Robert je veux être dans ton top of mine et je ne le ressens pas…. 
« Vois-tu Robert, je pense qu’on va se laisser » Ciboirrrrrrrrrrrr!!!
Alors voyez-vous, aujourd’hui j’ai quoi? 63 ans bien sonnés. Cela fait 5 ans que je suis avec ma blonde, j’en ai connu une qui a réussi à me toffer, quoi 3 ans? Pas mal n’est-ce pas? Donc, faisons un petit calcul rapide; 63-5 (ma blonde) - 3 pour la plus coriace que j’ai connue excluant ma blonde bien sûr - 30 l’âge de ma séparation = 25 ans pour faire un chiffre rond x 1 à 2 blondes par hiver parce rarement la même pouvait m’endurer tout un hiver, j’ai dû avoir, ma foi certainement plus de 25 blondes différentes ! Et dire que j’ai des amis qui se demandent encore comment se fait-il que je sois si habile en psychologie du comportement, dans les relations de couple? Bien voilà ! Vous savez maintenant pourquoi. Non, mais pensez-y une seconde. Aucune n’a été pareille! Aucune n’aimait les mêmes affaires, n’avait le même tempérament, la même personnalité. 

Mon coéquipier Alain était un gars encore plus maniaque que moi à l’entrainement. Il n’était pas le meilleur pour rien. Ses entraînements au gym se déroulaient sur 3 heures minimum alors que les miens en 1h et demie, tout était terminé. Une chance qu’il était là pour me pousser dans le cul. Non non, vous avez mal compris, pour me motiver je veux dire!!

Pendant des années, plusieurs années même, pendant pas mal plus longtemps que le temps que nous avons couru ensemble, on s’appelait régulièrement pour savoir comment allaient nos entraînements? Pis toé? T'es rendu où? Ouin, moi je suis encore là, etc., etc. On se donnait rendez-vous une fois par mois pour un entrainement ensemble un samedi ou dimanche dans le Gym de l’autre. On variait. Le mien sur la rive Nord et lui à Saint-Romuald sur la Rive-Sud. Nous nous donnions un peu en spectacle à suer à grosses gouttes sur nos vélos stationnaires. À une époque où personne ne s’entrainait vraiment aussi longtemps sur un vélo stationnaire. On était, disons pour eux, des Esties de sans-génie. Après une bonne douche ou sauna, on allait prendre un bon déjeuner à une place achalandée, question de zyeuter les filles un peu, puis après on s’en allait feuilleter à la librairie tous les magazines de vélo qui pouvaient exister pour décider lequel on allait acheter.

Nous ne connaissions aucun autre mode de vie que cela pour nous faire passer le temps durant l’hiver avant nos camps d’entrainement printaniers prévus à la fin mars. Fallait bien, les courses débutaient la dernière d’avril. Les bike sur le top de la Volks et on se dirigeait vers le sud de la Virginie ou en Caroline du Sud à Myrtle Beach pour être sûr d’avoir de la chaleur. On descendait toujours au même motel. La plage était belle et les routes au travers les golfs et les anciennes plantations étaient superbes.

Mon camp le plus mémorable sera celui de ma troisième année (1992). Les championnats canadiens cette année-là se dérouleront à Lac-Mégantic en août et je me fracture sévèrement une jambe en ski alpin. Tibia et péroné cassés en miettes, deux plaques 12 vis le 4 janvier au Centre de ski Stoneham!! J’en pleurais, ce n’est pas compliqué. Je vais tout manquer ma saison me suis-je dit. L’orthopédiste me conseille d’oublier le vélo pour l’année prochaine. Il se pourrait même qu’il me signe une incapacité de 10 % à la jambe droite si besoin était. Jean Garon, mon coach, était venu me consoler avec une couple de Penthouses et m’avait dit.
« Tu sais BOB, les médecins, y connaissent rien dans la réhabilitation des gars comme nous. Moi, je me suis cassé à peu près n’importe quoi, jambe, épaule, clavicule et je suis toujours revenu plus fort et plus tôt plusieurs semaines avant le temps prévu. Regarde ces magazines cochons, branle-toi aussi souvent que tu peux, cela fait baisser la pression, pis tu vas voir, tu sauras me le dire ».
Mon Dieu qu’il m’avait donné de l’espoir. Est-ce vraiment possible que je me remette si vite d’une telle blessure? Le médecin m’a dit que je serai dans le plâtre jusqu’à la fin avril…comment pourrai-je repartir en neuf après cela? C’est ridicule…

À la sortie de l’hôpital un peu plus tard, j’avais demandé à mon doc de me faire une bottine en fibre de verre pour mieux me déplacer. Je ne pouvais plus conduire mon char, alors je prenais l’autobus de chez moi pour aller au Gym. Je faisais de la muscu d’une jambe et je faisais du stationnaire pareil avec ma bottine. À vrai dire, je ne trouvais pas que j’étais si en retard que cela à la différence, que j’avais certainement une jambe atrophiée, diminuée musculairement à cause de ma bottine. À la mi-mars, 1 mois avant le délai du doc, Alain m’appelle un soir et me dit
« Eh Bob tu viens-tu en Caroline? » 
«Bin voyons Alain, es-tu malade!! »
« Bin non Robert, je te dis moi que tu es guéri, fais-toi scier ce plâtre-là et tu commenceras lentement. Tu iras de ton bord, tu moulineras en souplesse. Ça va même être bon pour toi, je te le jure. Faut bien que tu commences à un moment donné? Tu te souviens de ce que Jean t’a dit? C’est le temps d’arrêter de te branler. Envoye!! Déniaise, demande un RENDEZ-VOUS avec ton doc ! »
Je me rappellerai toujours de la face qu’il m’avait faite.
«Quoi!! Monsieur Harmegnies, vous savez bien que vous n’êtes pas prêt ! Je vais prendre une radio pour voir, mais je suis certain… Et bien Robert, ce n’est pas si mal votre affaire »
«Bon ! Alors voyez-vous? Je vous l’avais bien dit hein docteur! »
« Écoutez ne commencer que très lentement. Vous pourriez vous recasser tout cela dans un trou de visse, on ne sait jamais. »
« Ne vous en faites pas docteur, cela fait déjà des semaines que je m’entraîne »

Évidemment, il n’était pas question que je marche là-dessus immédiatement. Je n’avais plus de masse musculaire dans le mollet, j’avais la jambe bleue, rouge vin, et les cicatrices et les os me faisaient mal. Je me suis loué une paire de béquilles et je me suis pris une couple de rendez-vous chez mon acupunctrice. Thérèse avait souvent fait des miracles avec moi et je savais qu’elle pouvait apaiser mon mal. Quand elle m’a vu, son diagnostic était clair. Fallait travailler pour refaire passer l’énergie dans ma jambe. Tout était bloqué comme ils avaient l’habitude de s’exprimer. Piqué à la jambe comme un porc-et-pique dans sa salle d’attente, parce qu’elle n’avait pas de place pour moi sans RV, ma jambe est revenue à la vie juste avant mon départ. 

Vous vous imaginez? La première journée, j’en ai fait 5 minutes. Cela me faisait terriblement mal. Le lendemain 10 et ainsi de suite, jusqu’à la dernière journée du voyage, où je m’étais élancé sur 100 kilos à plus de 35 à l’heure. À mon retour au motel avant les gars bien sûr, je déposais mon bike à la réception, et ce sont eux qui le montaient à la chambre au 2e à leur retour. Moi, je prenais l’ascenseur, je me mettais en costume de bain et je faisais du PR sur la plage. J’allais dans l’océan en béquille me faire frapper la fracture par les vagues d’eau froide. Cela me faisait terriblement de bien. Cela équivalait à se mettre de la glace après une vilaine blessure. Cela agissait pour diminuer l’inflammation. C’est ainsi que j’ai connu Daisy Hines, une ancienne championne américaine du 400 mètres tout comme moi, du Michigan State.


J’avais installé mon campement pas très loin d’elle et comme tous les athlètes de haut niveau, elle était bien curieuse de savoir ce qui s’était passé avec moi amanché de même avec ma petite casquette de vélo comme seule protection sur le crâne ! Daisy avait connu cela les blessures durant sa carrière. D’ailleurs, elle était en convalescence pour accident de travail dans le sud, diagnostiquée d’une espèce d’arthrose sévère en raison de son travail répétitif sur une chaîne de montage automobile à Détroit. On a placoté longuement de nos expériences respectives pendant que les gars roulaient. Je n’en revenais pas qu’une athlète de si haut niveau, qui avait tout raflé dans le milieu universitaire américain en track and field pour l’université du Michigan, qui avait fait partie de l’équipe nationale américaine aux olympiques de Montréal, se ramasser sur une chaine de montage, parce qu’elle était issue d’universités à l’époque qui recrutaient avec de fortes bourses d’études des étudiants pour leurs talents d’athlètes davantage que pour se soucier de leur avenir post universitaire. Anay way, elle était un bon public pour toutes les niaiseries que je faisais sur la plage. Elle riait constamment et sa fille de 12 ans Méoucha trouvait assez étrange de voir sa mère s’attacher à ce « Curious and fucking crasy White man from of Canada». C’est comme cela que je l’avais entendu me décrire à sa mère au début. Je n’ai jamais pu la gagner. Elle me regardait constamment avec un regard méfiant et me faisait de la bonne façon, parce que sa mère lui avait exigé d’être polie avec moi. Quand Pierre, un ami qui nous avait accompagnés revenait de vélo avec Alain en milieu d’après-midi, moi et Daisy avions déjà plusieurs petites Coors en arrière de la cravate. Au point qu’une journée, nous avions organisé une course de 100M en partant de nos chaises vers la mer. Ah ce que nous avions ri. Nous l’invitions avec les enfants à souper avec nous le soir sur notre terrasse. Je dois avouer que nous nous sommes épris un peu de l’un et l’autre. Je vais m’abstenir de vous raconter trop dans le détail nos petites sorties nocturnes avec sa camaro noir chaussée en 16 pouces, suspension renforcie, les fenêtres en buées, parce que les soirées sont encore fraîches vous savez au printemps dans les ciné-parcs ! J’ai souvent repensé à elle comme aujourd’hui. Je me suis toujours demandé ce qu’elle était devenue. Même que plusieurs années plus tard, en retournant en Caroline pour toujours les mêmes raisons avec un autre ami, je lui avais demandé de m’arrêter à Fayetteville sur notre chemin en descendant. Je savais qu’elle s’y était installée, et j’avais épluché l’annuaire téléphonique et fait quelques téléphones sans succès. J’ai malheureusement une couple de relations comme cela dans ma vie que j’ai mal gérée, avec des femmes avec qui j’aurais dû mieux fermer la boucle. Du travail inachevé.

Je ne dois pas me montrer trop sévère envers moi-même par contre. Oui, il est vrai que je ne me suis pas toujours investi totalement dans plusieurs relations pour toutes sortes de raisons. Il y en avait certes quelques-unes, que c’était comme je disais tout à l’heure, « Bob, elle n’est pas parfaite, pas tout à fait ton genre, mais avoue ! Elle est gentille, généreuse et elle fait bien l’amour ! Bonnnn J’en vois me faire la grimace là, me traiter de nom. Êtes-vous certain de ne pas avoir jamais fait cela, ne serait-ce qu’avoir baissé votre garde un soir de party ou après un souper bien arrosé? Avec un mec ou une fille qui n’était pas votre genre, mais qui avait un tit quelque chose, un petit je ne sais trop quoi, et vous l’avez laissé vous embrasser longuement, très longuement même? Oui heinnn. Bon ! J’aime mieux cela de même. Je vais pouvoir vous en conter d’autres alors. Sinon fermer vos petites oreilles prudes, je vais vous choquer à nouveau.

Vous savez? Malgré tous mes défauts, il y en avait beaucoup à qui je plaisais, vous savez. Écoutez, elles ne m’auraient pas appelé chérie, mon ptit chou, cœur, bébé pour rien pendant une couple de semaines ou mois avant de me balancer?

Non ! Je vous le dis, deux choses l’une. Soit que je ne cadrais plus dans leurs plans de vie de couple à long terme et valait mieux arrêter tout cela là, ou encore c’était le mois d’avril qui arrivait. Parfois, c’était bien avant le mois d’avril. Le simple fait de me voir partir pour le gym à la fin de mon travail, à presque tous les jours, était suffisant pour les faire appréhender l’été, seule à aller se faire bronzer sans son chum…. pas troc chic cela! Ah je faisais de gros efforts, vous savez. Avec certaines je me disais, wow ! Comment vais-je faire pour la garder celle-là?
« Non, écoute ma chouette, ce n’est pas bien long mes entraînements, tu sais. En 3 h ou 4 heures c’est fini le vélo, tu sais. Je vais être là tout l’après-midi avec toi. On va faire tout ce qui te plait, on va souper ensemble un peu plus tard… On a du fun hein, tu ne trouves pas? Je vais te faire des gros colleux comme t’aimes en plus… »
« Non vois-tu Robert, je ne sais plus, ahhhh ça ne marchera pas, je pense qu’on va se laisser »
Christ de Calice de Tabarnac ! Non non c’est à moi que je parlais de même. C’est la réaction que j’avais quand je me ramassais avec ma brosse à dents et quelques chemises dans mon char.

Cela ne vous est jamais arrivé? Sentir qu’il aurait fallu que vous abandonniez tout pour madame ou monsieur? J’ai toujours cru qu’il y avait un peu d’enfantillage là-dedans. Cela n’existe pas l’homme et la femme parfaite. Oui? Arrêtez-moi cela. Dans tous les couples, faut faire des compromis, et ce, même chez les couples parfaits… en apparence. Et je ne peux pas croire qu’un cycliste comme moi ne peut être heureux qu’avec sa jumelle. La coriace que je vous ai parlé tout à l’heure qui m’avait toffé 3 ans, vous vous souvenez? Bien elle ne faisait pas de vélo elle. Elle n’était pas super sportive non plus. Elle adorait la pêche par exemple et je dois dire que j’ai dû accepter de sacrifier quelques fins de semaine de vélo pour quelques voyages de pêche, assis dans une chaloupe pendant 6 heures à taquiner la truite à pluie!! Puis après? Ce n’est pas grave, c’est sûr que je bougonnais au début, mais une fois là-bas après une bonne douche devant le foyer avec un ptit blanc bien frappé dans un petit chalet en bois rond, Bob, y s’en sacrais-tu de sa sortie de vélo avec ses potes!

Madame adorait faire du jardinage. Lorsqu’elle arrivait de travailler elle, sa passion était de jardiner sur son terrain une couple d’heures ! Hey Big deal, moi chérie je pars en vélo. As-tu un problème avec cela? Non mon amour, c’est bin correct. Vous devez bien vous demander kossé qui s’est passé avec elle hein? Bin imaginez-vous donc, que elle, elle n’en avait pas eu d’enfants elle, et avec le temps, elle est devenue comme jalouse de ma fille. Or, un soir que nous nous étions un peu chicanés sur un conflit d’horaire entre elle et ma fille, j’avais osé lui répondre 7/10 après qu’elle m’eut demandé combien je l’aimais? Savez-vous ce qui s’est passé après? Bien dans le temps des fêtes qui avait suivi, madame s’était envoyée en l’air lors d’une fin de semaine de ski-doo avec un collègue de travail, juste pour me rendre jaloux m’avait-elle dit, après qu’elle s’eut arrangé que je le découvre!! Alors plutôt que de la supplier de rester avec moi, comme elle aurait souhaité que je fasse, j’ai ramassé ma brosse à dents et mes chemises et j’ai levé les feutres!

Bon ! Je ne vous conterai pas les histoires des 49 autres quand même. On ne s’en sortira pas. Celle-ci, je trouvais qu’elle en valait le coup. Juste pour illustrer comment il peut être difficile pour un sportif invétéré de se trouver une blonde.

Le pire dans tout cela, savez-vous quoi? La majorité pour ne pas dire toutes celles qui mon sacré là, parce que je faisais trop de vélo, j’élimine celles qui avaient raison de me laisser parce que je pette ou que je me mets le doigt dans le nez, bien elles ont toutes regretté l’avoir fait ! Bon, regarde-moi donc le macho qui parle. Par exemple, celle que je viens de vous raconter, savez-vous quoi? Elle m’a pourchassé pendant presque 2 ans pour me traiter de noms, parce que je ne voulais pas revenir, parce que c’était de ma faute si tout cela lui était arrivé? C’était moi qui avais pris le pénis du gars et qui l’avais mis entre ses jambes!! Non, mais…

Pas de farce, j’ai des défauts, je le sais. Je ne dis pas que des filles n’ont pas eu raison de me sacrer-là, parce qu’elle ne pouvait plus blairer que j’aie une Corolla par exemple, plutôt qu’une BM, eh oui cela m’est aussi déjà arrivé. Et savez-vous quoi? Le prochain qu’elle a eu et qui avait une BM, bien lui, ne bandait pas ! Pensez-vous que je l’envie moi? Mon autre blonde que j’ai eue après elle était une nymphomane ! Non, mais la vie est-tu bien faite!

Plus j’y pense, plus je me dis que j’ai fait pendant longtemps tout ce qu’il m’était possible de faire pour me trouver une blonde.

En conclusion, se trouver une blonde ou un chum est assez difficile vous ne trouvez pas ?  Je dirais que c’est comme cuisiner un bon repas ou avoir une nutrition équilibrée. Cela se compare assez bien je dirais. Çà prend des légumes, un peu de viande, des poissons, des céréales et fibres, des huiles essentielles et beaucoup de fruits. Comme dit le guide alimentaire, manger en choisissant les bonnes quantités et types d'aliments recommandés parmi les 5 grands groupes alimentaires.

Je ne suis pas psychologue, mais les grands groupes alimentaires qui nourrissent une saine vie de couple tournent autour des 6 dimensions suivantes: 

Apparence, sexe et pratiques sexuelles;
Culture et connaissances (l’intellect);
Travail et loisirs;
Santé mentale et le caractère;
Alimentation, hygiène et habitudes de vie;
Argents et finance.

Inconsciemment, et le problème est là pour beaucoup de personnes, nous cherchons trop souvent l’homme et la femme parfaite. Une fille qui baise de toute les façons, qui en reveut tout le temps, qui s’intéresse à l’actualité, à ce qui se passe dans le monde, qui a un travail qu’elle aime et qui lui permette de se gâter à l’occasion, qui est facile à vivre, en contrôle de ses émotions, pas trop émotive, souple et généreuse de sa personne, capable de s’affirmer et d’assumer ses erreurs, qui aime la bonne table, une nourriture variée, mais pas trop compliquée, pas trop en désordre, qui tient bien maison, mais sans n’en fait une obsession, et qui fait des sports, particulièrement du vélo ! MAIS OÙ EST-ELLE CALVAIRE CETTE FILLE QUE JE LA MARIE TOUT DE SUITE!!

Moi aussi je l’ai cherché longtemps cette femme presque parfaite, mais je me suis vite aperçu que je me rendais malheureux à chercher cette femme idéale. Combien parmi vous tous ne donneront pas leur corps à la science, ne s’abandonneront pas, ne s’enverront pas en l’air, ou vont plutôt préférer « ne pas faire l’amour » tant et aussi longtemps qu’ils n’auront pas réuni les conditions gagnantes? Que de filles ai-je rencontrées qui s’accrochaient à ce rêve. Combien de fois ai-je dû débattre de la question en vain avec des femmes que j’aurais souhaité garder, parce que je n’offrais pas assez de ceci ou de cela ou trop de ceci ou de cela? J’avoue que mon côté colon m’a souvent joué des tours, mais ma blonde a vite compris qu’en arrière de mes élans se cache un gars qui a beaucoup de classe. Que j’agis de même finalement juste pour provoquer.

J’entends souvent des gens dire, « vous savez en vieillissant ou à l’âge qu’on est rendu, on sait ce qu’on veut. En deçà de cela, plus question ! » Bien, il est un peu là le problème, je vous dirais. À 30 ans, on a amplement le temps de se camper dans ses positions, mais quand vous atteignez les 45, 50, fin cinquantaine comme ce fut le cas pour moi, comment croyez-vous que je suis arrivé à arrêter mon choix sur Line, ma blonde en ce moment? Pensez-vous sincèrement qu’elle est la femme parfaite?  Oh que non. Alors qu’ai-je dû faire selon vous? Et bien je vais vous le dire. En réfléchissant à tous les aspects de notre relation à deux, de ce que je connaissais d’elle et de moi-même dans les 6 grands groupes alimentaires de la vie à deux, et bien j’en suis arrivé à la conclusion qu’elle était le plat parfait, le mélange parfait, même s’il elle aurait pu être meilleure s’il y avait eu un peu plus de ceci ou un peu plus de cela. Évidemment, pour en arriver à savoir qu’est-ce qu’on veut manger régulièrement, il faut avoir expérimenté tous les types de cuisines, sinon il est bien difficile de faire le bon choix. C’est pour cette raison que je trouve parfois risqué, même si cela pourrait marcher, que dès leur jeune âge des jeunes arrêtent d’explorer d’autres cuisines et font le vœu de s’assoir à la même table pour la vie. C’est un peu pour cela également que lorsque ça casse un peu plus tard, on les voit souvent tomber dans l’excès. Ils se mettent à manger du chinois, c’est le cas de le dire, 3 fois par semaine.

Je ne suis pas à l’abri non plus de me retrouver au resto un jour et qu’on me propose un gâteau au chocolat cerise full cochon, mais comme je suis céliaque vous savez, je préfère m’abstenir. Je le sais ce qui arrivera si je déroge, je vais perdre mon bien-être intestinal et toute mon énergie. Alors c’est un peu la même chose par rapport à ma blonde.




Même si je rencontrais la déesse parfaite physiquement, disons, qui me ferait passer pour l’homme le plus chanceux du monde en déambulant avec elle sous le bras, je sais très bien que cela ne me servirait à rien d’y gouter. Je préfère ma Line sans même y réfléchir plus longtemps. That’s it! Pourquoi? Parce que je sais que de me nourrir que du gâteau au chocolat, y a pas à dire, je n’irai pas chier loin ! Ça va devenir indigeste ou bon que momentanément. Je le sais. Je l’ai déjà fait autrefois lorsque je manquais d’expérience, bon ok, disons de maturité. Êtes-vous contentes les filles? Bien oui, je le sais que c’est vous mesdames qui riez davantage de cette précision de ma part. Normal…ma mère m’a toujours dit que les filles étaient plus vieilles que les gars au même âge. Ça doit être pour cela qu’on les prend un peu plus jeunes et vice versa :-).

Chapitre 8
Le vélo, un mode de vie, une obsession, une maladie incurable :-)

1995, j’ai 40 ans, je suis responsable du Marketing pour Métro-Richelieu, l’une des plus importantes chaînes alimentaires au Québec. Je demeure toujours en plein centre-ville dans le Vieux-Port de Québec, ma fille a 13 ans n’est plus un bébé, j’en ai toujours la garde toutes les fins de semaine et cela ne me dit plus rien de courir à vélo. J’en ai fait durant 5 ans sans graves accidents. Je suis un peu fatigué de ce rythme de vie et je me dis qu’il est temps de penser un peu plus à moi. J’ai su très bien rebondir professionnellement. Ma période sans emploi n’est plus qu’un lointain souvenir derrière moi. Après mon séjour en agence de pub à m’occuper du développement des affaires et à confronter des spécialistes en marketing autour d’une table dans l’élaboration de stratégies marketing de toutes sortes pour les clients que je dénichais, je me suis retrouvé par la suite parmi des carriéristes chez Métro, où tout un chacun devait atteindre des objectifs pour maintenir la cohésion d’une équipe de professionnels focusés à anéantir la compétition. C’est la guerre dans l’alimentation au détail. Je ferai ce travail chez Métro et IGA leur concurrent, en passant par un poste de directeur de la distribution et des ventes chez un fabricant de bière, Unibroue à Québec, pendant 10 ans. Je dois voyager plus et j’ai moins le contrôle de mes horaires. J’ai réussi à courir tout de même une couple d’années avec ce genre de travail, mais je trouvais cela de plus en plus difficile. Je suis toujours célibataire et il serait tant que je sorte au resto plus souvent question de savoir quel type de nourriture me plait.

Le vélo et mes entraînements en salle l’hiver resteront au centre de ma vie. Comment dire. Ce sport m’a façonné, a refait les fondations de ma personne. Si çà brasse au travail disons, que je suis surchargé, j’ai un collègue qui empiète un peu trop sur mon territoire, qui veut se montrer plus fin que moi par exemple. Et bien, 3 heures sur mon vélo à faire le vide, à m’amuser avec les cyclistes que je rencontre sur mon chemin, qui sont de plus en plus nombreux d’ailleurs, suffiront pour me remettre les idées à la bonne place. La rage ou les contrariétés du travail sont dissipées. Je trouve facilement le sommeil. Je rentre au travail à 7h 30 du matin pour me préparer à une réunion d’équipe prévue à 9h, je présente aux VP de la direction le plan de redressement du magasin qui m’a été confié et je convaincs tout le monde de me suivre, incluant celui qui se croyait plus fin que moi. Ce n’est pas tout. Je dois livrer la marchandise. Si j’ai convaincu la compagnie d’investir quelques centaines de milliers de dollars conjointement avec un franchisé, j’ai besoin d’analyser mes affaires d’aplomb et prouver que c’en a valu la peine. Vous me suivez? Autrement, c’est dehors mon homme! J’ai fait cela pendant 10 ans et maintenant je le fais depuis 15 à mon compte. Si je me retrouvais aujourd’hui devant un psychologue industriel et qu’il me demandait à quels facteurs j’attribuerais tous les succès que j’ai connus dans ma carrière et qui m’ont permis de surmonter les difficultés que j’ai rencontrées sur mon chemin, je répondrais du tact au tact, le sport monsieur.
«ah oui vous faites du sport? Lequel pratiquez-vous? »
«Le vélo monsieur, le vélo ! » 
Pas mêlant, le vélo a sauvé ma vie. Pour soutenir cette thèse, je pourrais vous référer à plusieurs articles qui portent sur le sujet comme les bienfaits des hormones générées par la pratique sportive telle que les endorphines, dopamines, l’adrénaline et la noradrénaline. On raconte en plus que ce sont les sports de type cardio qui en produisent le plus. Alors vous voyez? Je carbure à cela depuis 32 ans.

«L’Endorphine est comme un groupe de neurotransmetteurs dont la structure ressemble à celle de la morphine. Ces puissants antidouleurs procurent une source de plaisir autorisant ainsi la poursuite de gros efforts et l’euphorie ! Quant à la Dopamine, celle-ci est l’hormone du plaisir et de la vigilance, grâce à celle-ci on se sent moins fatigué et plus productif. Elle est aussi secrétée lorsque l’on consomme de l’alcool, de la drogue ou encore lors d’une activité sexuelle. Ayant des conséquences excellentes et bénéfiques sur tout notre organisme, l’endorphine ainsi que la dopamine peuvent nous rendre dépendants au sport. »  Voilà ! Que dire de plus. 

J’en avais tellement à dire sur le sujet que beaucoup d’années plus tard, soit en 2011, j’ai créé le Blogue « Rouler à Québec » qui se voulait pour moi une façon de donner au suivant. Le vélo était devenu tellement populaire, que je me suis servi de ce véhicule pour organiser des sorties de vélo avec mes amis, mais aussi pour raconter des anecdotes, de la fiction, des récits sur la vie du cycliste ainsi que des capsules éducatives.

J’en avais d’ailleurs écrit un à une certaine époque qui décrivait bien la maladie avec laquelle j’étais aux prises…

« Je vous ai dit la semaine dernière que j’étais parti à l’extérieur pour une fête de famille n’est-ce pas et que je ne pouvais pas faire de vélo. Et bien je vous ai menti ! J’avais plutôt un rendez-vous à Portland pour une thérapie de groupe pour les cyclistes invétérés. Les mordus quoi ! Cela faisait longtemps que j’entendais parler de cette association « the Narcissistic and Egocentric Cyclists Association of the United States » The NECA comme y disent ! Drôle en batinse, parce que j’ai poigné le kick sur une petite Américaine et je n’arrêtais pas de lui dire que je la necquerais au boutttt et elle me regardait d’un air bizarre. Yes yes Neca, Necquez?…you see? Anyway ! Il m’arrivait de lire à l’occasion des éditoriaux à propos de cette gang de malades dans des magazines américains et cela me faisait rire plus qu’autre chose. Souvent sur des sujets insipides…mais bon, j’ai participé à un concours récemment avec eux paru dans Bicycling Guide et j’ai gagné, imaginez-vous, un week-end de thérapie de groupe avec eux à Portland. Pas Portland Maine, Portland Oregon! Nous étions environ une cinquantaine de cyclistes de tous les âges, hommes et femmes. C’est ce que je trouvais très intéressant d’ailleurs, je me suis ramassé une couple d’adresses de gros gabarits hihihihih…Non mais y sont-y grosses les Américaines même entraînées ! Je dois dire que j’ai trouvé cela HYPER intéressant et surtout super enrichissant ! Je ne croyais pas être malade autant que cela ! Ça fait du bien d’être entouré de plus fous et folles que soi hooooooooooo yessssss ! On a fait de l’introspection personnelle, des exercices de détente, des brain strorming sur toutes sortes de thèmes, des tests psychométriques, de personnalité, des scanneurs neurologiques, m’a vous dire rien n’a été pris au hasard. Finalement, ce qui est le plus le fun là-dedans, c’est qu’on t’encourage à te laisser aller dans tes délires et on te donne à la fin de ta session un certificat attestant que tu es un « parfait déviant cycliste invétéré » ! Je vous fais grâce de la traduction, mais ça ressemblait à cela ! « Parfait déviant cycliste invétéré »

Alors, j’ai pensé vous faire partager quelques éléments de moi qui sont ressortis de ce week-end, mais aussi des autres amis(e) que je me suis fait. Wowww que je suis heureux d’avoir pu enfin découvrir ce qui se passe en moi, de découvrir ce qui me pousse à persévérer dans la même voie jusqu’à ma mort ! Le cyclisme d’entraînement mannn ! Le cyclisme d’entraînement mannn !

Cela me prend beaucoup de courage aujourd’hui pour vous dévoiler tout cela ! Cela prend beaucoup d’humilité, parce que ce n’est pas toujours chic ce qu’on apprend sur soi. Mais bon, cela faisait également partie des objectifs du séjour. Lorsque j’ai dit à la gang que j’avais un blogue sur le vélo, que je leur ai montré… wowwww le prof m’a dit « Bob, you must talk about that whith your community when you will be back up there» tu dois te dévoiler à toute ta communauté. C’est donc l’objectif final que la gang de malades m’a confié avant de partir !

Alors sommairement ce qui est ressorti de mon profil de personnalité ainsi que de l’ensemble du groupe on s’entend là, puisqu’il y avait plusieurs traits qui se recoupaient entre tout le monde. J’espère que vous saurez vous reconnaître dans les quelques traits du cycliste sportif invétéré que voici:

Premièrement, sa montre ne sert qu’à…;
  • Connaître le temps qu’il lui reste à travailler;
  • Prévoir son heure de lunch avant le début de son entraînement;
  • Estimer s’il a eu suffisamment le temps pour digérer;
  • Prévoir le temps qu’il lui faudra pour se préparer avant son heure de sortie;
  • Prendre ses pulses ou pour estimer son horaire sur son bike;
  • Vérifier s’il s’est poigné le moine durant sa sortie;
  • Dès son levée, il regarde dehors pour savoir la température qu’il fera. Son mécanisme psychique établit instantanément l’horaire de sa journée en fonction de ce premier stimulus. Si la température n’est pas suffisamment concluante du regard, l’ouverture de sa page Internet par défaut est la météo; les cartes radars viendront clore la question définitivement l’horaire de la journée est d’ores et déjà établi.
  • Quand il doit travailler ou être contraint à des priorités et que, tout à coup, par la fenêtre, il aperçoit un cycliste… CATASTROPHE… la « pression » monte, il ressent des chaleurs, a de la difficulté à se remettre à la tâche….
  • Personne pour rouler... Pas grave, il part pareil... Pas de challenge de la part de quiconque...et la vie est toujours belle pendant des heures. Il ne ressent aucune pression...


Non, mais ce n’est pas beau cela? C’est tout moi craché !
  • Il planifiera ses voyages de vélo avant tout autre genre de vacances et en plus, il planifiera d'abord la place qu'occupera son vélo, plutôt que son chien ou un de ses proches qui l’accompagne!...
  • Un mauvais réglage sur sa bécane l’irrite au plus haut point et chambardera tout son programme d’activités de la journée pour faire ajuster cet estie de problème-là a à sa shop, s’il est incapable de régler le problème lui-même !
  • Est très fidèle et constant dans ses habitudes de rangement d’accessoires. Ses lunettes, odomètre, gants, casque, chambres à air. Bien mal venu celui ou celle qui décidera de faire le ménage là-dedans. D’ailleurs, pour s’assurer que tout est bien en ordre, il fera une vérification de ses inventaires régulièrement et surtout, regardera son bike plusieurs fois dans une même journée ! Pourquoi? JUSTE parce qu’il aime cela ! Voilà ! Il est tellement beau son Bike !


 Dans mon cas, tout ce qu’il y a de plus vrai après m’en être fait voler une couple !
  • N’hésitera pas à se faire plaisir en achetant un accessoire de vélo au détriment d’un autre article de maison ou quoique ce soit de plus utile ou accommodant pour sa vie de tous les jours, genre une TV, des verres, un article de cuisine, à la limite un beau cadeau pour sa blonde;


Non, mais commencez-vous à vous reconnaître? Je dois dire par contre que cela a été le plus gros morceau à accepter par le groupe…de toute façon, le prof nous a presque menacés si on ne disait pas oui à cet énoncé !
  • Marchera au doigt et à l’œil avec sa blonde ou chum. Lui accordera avec plaisirs toutes sortes de faveurs en échange de sa liberté accordée pour rouler avec sa gang. Dans les autres cas, il ou elle est un(e) éternel célibataire en saison pour reprendre les amours lors de la saison froide;
  • Surveillera étroitement son alimentation avant une ride et évitera toute prise d’alcool, mais fera preuve d'un net relâchement après, sous prétexte que les calories perdues méritent d’être reprises au PC !
  • Malgré ses préoccupations pour bien manger, ses breuvages en électrolytes et boissons de récupération lui provoqueront des ballonnements et des gaz que lui-même a de la misère à sentir !
  • Chez l’homme, il se rasera les jambes s’il fait partie d’un club élite ou s’il s’en croit un. Quant aux autres poilus, ils ont dans leur mire les rasés pour leur donner une bonne leçon si l’occasion se présente, ou resteront pénards parce qu’ils ne veulent surtout pas faire face à l’échec !
  • N’est jamais au sommet de sa forme s’il ne performe pas lors d’une sortie avec ses potes… ou il aura connu un problème de mécanique qui l’a définitivement ennuyé.
  • Radote toujours les mêmes affaires lorsqu’il voit ses potes, surtout qu’elles concernent des exploits qui ressemblent constamment à des histoires de pêche, c'est-à-dire des performances invraisemblables. 
  • Le cycliste de haut niveau est un être foncièrement narcissique qui se trouve bon, voire excellent, meilleur que ses pairs… et c’est bien ainsi parce qu’autrement, il acceptera trop facilement la défaite et ne se relèvera pas pour revenir plus fort !
  • Est hyper techno avec son nouveau GPS qu’il vient de se procurer sur son guidon et qui lui rend compte de ses exploits.
  • Vit en parfaite harmonie et symbiose autour d’une bière avec ses potes après une ride; le lien unissant le clan favorise le positivisme et l’encouragement mutuel à poursuivre son travail pour devenir meilleur ou pour se maintenir au même niveau. Une règle non écrite interdit tout dénigrement « sérieux » d’autrui. Mais il est tout à fait acceptable de « s’écœurer » pour préparer la prochaine sortie ou pour passer des messages.
  • Pour briser l'isolement, il fait partie de tous les regroupements inimaginables...genre les Maniaques de Vélo Anonyme (MVA), The Narcissistique and Égocentric Cyclists Association (NECA), Bicycle Horizon, Sport-En-Tête, soit tous les clubs de vélo organisés.


… Et ce dernier trait que J’ai souvent abordé avec vous tous...

Est une personne combative avec beaucoup de caractère. Plus il excellera dans son sport, plus il excellera dans sa vie privée et professionnelle. La compétition de vélo, comme pour tous les sports, le rend invincible pour traverser les pires épreuves de la vie, comme se faire sacrer là par sa blonde ou chum, parce qu’il ou elle a fait trop de vélo.

Alors voyez-vous, de toutes les grandes étapes de la vie, celles que nous considérons ordinairement chez les gens pour juger s’ils sont stables ou pas, le temps qu’ils occupent un même emploi, qu’ils demeurent au même endroit, la durée de leur mariage, union, etc., c’est le vélo qui est mon port d’ancrage. Cela fait 32 ans qu’année après année que j’entreprends le même cycle de vie. Un peu comme un ours qui hiberne et qui, au printemps, sort de sa tanière et demeure fidèle à son rituel de chasse. C’est le vecteur, ma ligne de vie. Depuis 32 ans qu’en octobre, je remise mon vélo au sous-sol, le cœur gros me disant « bon, en voilà une autre de terminée ». Je suis content. Elle s’est bien déroulée ma foi. Combien de kilos ai-je faits ? 6, 7, 8, 9, 10 000 kilos? Cela me fait grosso modo, quoi, 225 000 kilos au compteur? Plus encore que tous les chars que j’ai eus. Aucun n’a toffé aussi longtemps. Ils ont tous brisé avant et pourtant moi, en ce moment, j’ai juste hâte à la prochaine saison encore et encore.

Cela m’a pris 14 ans avant que je me décide à m’inscrire dans des clubs de vélo sportif de ma région. Je fais partie de trois depuis plus de 10 ans maintenant. Je ne sais pas trop pourquoi j’ai attendu si longtemps avant de rejoindre ces clubs. C’est comme si ma famille n’avait pas pu être ailleurs qu’avec mes chums du Club de compétition, qu’aucun autre club ne pouvait me procurer autant de satisfaction, d’émotions surtout, comme le veuf qui ne se remettra jamais de la perte de sa vieille. Il va préférer mourir seul, plutôt que de se remarier.

Faut dire que les Clubs de vélo n’étaient pas aussi bien organisés qu’aujourd’hui. En plus, j’avais mes parcours que j’aimais faire en semaine comme la fin de semaine et surtout au moment que cela me plaisait. Lorsque je revenais du travail en vitesse, l’esprit déjà envahi par le trajet que j’avais en tête, il n’était pas question que j’attende après quelqu’un. Pour moi le vélo est signe de liberté. Je pars quand je veux, je reviens quand je veux et je fais l’entrainement que je veux. Il est difficile de décrire ou d’expliquer cette sensation qu’on ressent lorsqu’on revient chez soi après une dure journée de travail pour une ride de vélo. La même sensation qu’on ressent lorsqu’un flirt nous appelle à la maison pour te dire qu’elle va passer te dire bonjour. Tu deviens comme nerveux, tout énervé, fébrile, oui c’est cela fébrile ! C’est comme cela que je me sens avant d’enfourcher ma bécane. 

Chaque entrainement en solitaire que j’ai fait toutes ces années revêtait toujours une forme de mystère. Je ne sais pas vraiment comment je vais me sentir aujourd’hui, vais-je avoir de bonnes jambes, vais-je rencontrer d’autres cyclistes? Un ami, un ancien pote, ou un parfait inconnu qui voudra se mesurer à moi?  Cette fébrilité provenait certainement de toutes ces questions sans réponse, qui me hantaient tant et aussi longtemps que je n’étais pas réchauffé après être sorti de mon quartier.

Voici un autre petit texte qui décrit assez bien cette fébrilité dans mon quotidien de tous les jours… 

« J’ai du millage au compteur. La forme est là, malgré mes ptits bobos qui, au fil du temps, viennent m’incommoder. Je vieillis c’est sûr. Je n’ai plus forme d’antan. Mes meilleurs résultats Strava sont depuis longtemps inatteignables. À vrai dire, je m’y éloigne toujours plus, année après année. Je me console en me disant que tous les gars et filles de mon âge sont frappés par cette dure réalité. On ne peut plus revenir en arrière. Il faut juste regarder en avant.

Cela fait deux jours qu’il ne fait pas beau. Je ressens le ressac de l’inactivité. Comme somnoler de bonne heure en soirée parce que je n’ai rien demandé à mon corps dans la journée. Il n’a pas reçu sa dose d’endorphine. Je ne me sens pas vraiment bien intérieurement. Je me couche le soir un peu anxieux. Je me demande ce qu’il fera demain. Va-t-il faire beau? Mon programme est tout chambarder. J’aurais tellement souhaité travailler ma position en souplesse sur faux plat montant, vérifier ou j’en suis en résistance sur un plus gros braquet. Puis, s’il ventait moins, peut-être souhaiterais-je aller chercher du dénivelé? Il me semble que cela fait un ptit bout de temps que je n’en ai pas fait. Je sais qu’il faut que je m’y remette. Je sais que j’ai des sorties qui s’en viennent, qui m’en demanderont.

J’ai une grosse journée de travail demain. Comment vais-je m’y prendre s’il fait beau? J’ai de la misère à m’endormir. Mon esprit voyage entre une ascension dans un col et ce travail complexe pour un client que je n’arrive pas à finir, parce que je surfe constamment sur la météo à la recherche d’une percée de soleil. Il est minuit, je vire en rond encore parce que je ne sais pas comment je vais entreprendre ma journée demain.

6h du matin. Mon réveille sonne. C’est mon heure de lever. Le temps s’est semble-t-il éclairé. En sirotant mon café, Météo Média annonce un dégagement en PM avec un peu de chaleur, mais le mauvais temps revient les jours suivants!! Christ de calice ! Mais dans quel pays de merde vivons-nous? Mon disque dur tourne à pleine vitesse. Comment vais-je m’organiser? Ma blonde me demande si je veux un smoothie? Heu Heu…quoi? Oui oui chérie. Je ne suis pas vraiment là. Heureusement, elle le sait ce que je mijote. Elle vient d’entendre la météo à la radio elle aussi. Elle sait ce que ça veut dire pour moi et pour elle aussi tant qu’à faire. Sans que je m’en sois aperçu, elle a fini de déjeuner. Son manteau sur le dos, elle vient m’embrasser pour me souhaiter bonne journée.

Il est 7h30. J’ouvre mon ordi. Je sors cette job à faire. Je suis tout excité à la seule pensée que je pourrai sortir. Je me raisonne. En ni un ni deux, il est 10h. Je me suis pas mal avancé. Je dirais pas mal plus que je ne l’aurais cru. C’est donc l’heure de la pause. Je l’ai mérité. Je cale un grand verre d’eau. Je descends en bas. Je monte mon bike à l’étage. Je gonfle mes pneus, huile ma chaîne et prépare mes bouteilles. Bon, je suis prêt ! Je retourne à mon travail. Je vais essayer d’en faire encore un peu. Mais je suis vraiment trop distrait. Je manque de concentration. J’ai trop la tête ailleurs. Je ne suis plus vraiment efficace. Je suis quand même trop près du but. Je me raisonne. Allez Robert ! Un dernier petit effort.

Il est midi. Que vais-je manger? Quel sera ton programme Robert? Intensité moyenne ou élevée? Est-ce que je fais même bien de me poser la question? Est-ce vraiment utile? Dois-je me faire confiance? Vais-je changer d’idée lorsque j’aurai le cul sur mon bike? Je verrai.

Le soleil est sorti. Cela fait une heure que j’ai mangé. Le temps de choisir mon maillot, m’habiller, mettre ma ceinture de pulses cardiaque qui ne réussit pas à me donner le bon rythme parce que je suis trop énervé, et ça va y être !

14 heures, j’ai réussi à faire ce que j’avais à faire. Le téléphone peut bien sonner. Je n’attends plus rien d’urgent. J’enfourche ma bécane, je mets mon GPS en marche et je pars doucement. Combien de fois ai-je pu faire ces quelques rues pour sortir de mon quartier? Des centaines de fois? Des milliers? Cela ne fait pas deux minutes que je mouline sur le boulevard, que je sais que je vais être dans une bonne journée. Je me sens bien. J’ai le sourire accroché dans face. Mes jambes tournent bien. Pas de douleur de la veille. Je sais que je me dois d’être patient avant de donner le premier effort. Je n’irai quand même pas faire le contraire de ce que je conseille à tout le monde. Je tourne les manivelles à 100 révolutions la minute. Mon cœur prend son rythme aussi. Tout va pour le mieux. J’emprunte le premier rang qui me mène vers le Nord de la ville. C’est à ma première montée que je verrai comment je vais me sentir, comment je vais gérer ma sortie. Est-ce que je cherche à me contenir en roulant relaxe avec des intensités exigées par le parcours ou bien je roule au train selon ce que mon corps me dictera ou me permettra?

Cela fait trop longtemps que je me suis donné. Je me sens tellement bien que ma raison n’est plus en état de prendre les bonnes décisions. Malgré mes premières intentions, je m‘agrippe à mon vélo et je ne lui donne aucun répit. Je commence par me concentrer sur mon coup de pédale, je vérifie ma cadence, 60-70 en montée bien appuyée, j’en ai dedans, 75-85 sur le plat, faux plat ou what ever ! ENVOYE mon homme ! J’ai peine à me contenir. Ma respiration est sous contrôle, je récupère bien quand c’est nécessaire et aussitôt que je le peux, j’en remets, je reprends à un rythme soutenu ! Durant un court instant, Je ne sais plus, je suis un peu dans le doute. Vais-je résister au rythme que je m’impose? Finalement, je chasse toutes ces idées de mon esprit. Ça va aller. Je demeure confiant. Plus je me donne, plus je mets du braquet, plus ma vitesse de croisière augmente, plus çà fait mal, plus je me dis que c’est normal, et plus je me sens bien. 50 kilos de faits, est-ce que je fais une pause? C’est relativement frais encore à ce temps-ci, j’ai à peine une bouteille de prise, j’ai plein de petits fruits, mes jambes pètent le feu, alors je décide de faire ma « run » de 100 kilos non-stop au train pour ne pas dire bien accotée. Chaque geste de ma part est épié. Chaque difficulté me dicte une position sur le vélo, une façon de rouler. Je n’y peux rien. Chaque segment de route, chaque passage est scruté à la loupe. Étais-je bien braqué? Me suis-je levé en danseuse au bon moment? L’ai-je enduré jusqu’au sommet? Ai-je accepté de souffrir, aurais-je pu en prendre plus? Ai-je bien géré mon énergie pour bien relancer? Dois-je lever le pied? Des questions qui doivent toutes passer par mon centre nerveux cérébral. Des questions traitées instantanément à la milliseconde par mon bagage expérientiel, par des corrélations, des sensations, des ressentis validés et contre vérifiés dans mon cerveau depuis plus de 30 ans ! Si je détecte une erreur, un manquement à quelque chose, je m’efforce d’y remédier dès la prochaine occasion. Rien n’est laissé au hasard !

J’arrive près de chez moi. L’entrainement est terminé. Je ralentis et je m’assure de rentrer à la maison en toute sécurité. Assis confortablement dans mon portique où sont rangés tous mes kossins de vélo, casque, souliers, etc.  Je m’étire doucement en enlevant mes souliers. Mes muscles se détendent. Je visualise ma sortie. Mon visage s’éblouit de satisfaction, du devoir accompli. Mon cell quelque part me signale déjà des « Kudos » de ma sortie, qui s’est déjà téléchargée dès mon arrivée. Boisson de récup à la main avec quelques friandises, je vérifie tout de même mes résultats, voire si mes impressions s‘avèrent juste. Remis en justes perspectives, ai-je si bien travaillé que cela? La réponse est oui. Mission accomplie. Tu peux aller te doucher mon Bob.

Ma blonde rentre de travailler. Je suis de bonne humeur. J’ai eu le temps d’aller faire les courses, peut-être même d’avoir fait le souper. Je mérite ma bière ou mon verre de vin. Après avoir fait le bilan de notre journée en famille, une douce étreinte, il est 23h et je m’abandonne dans profond sommeil vide d’aucune préoccupation. Une journée parfaite.

7h30 le lendemain, je termine en un temps de le dire ma job d’hier qui me tracassait. J’en rédige le rapport dans le temps de le dire. Tout est parfait et à mon goût. La journée est pluvieuse comme prévu. Je ne m’en fais pas. Je surfe encore sur l’adrénaline d’hier. Je suis super allumé. Je vais prendre de l’avance et si demain il fait beau bien…On recommencera. »

Et ainsi va la vie…
***
Exceptionnellement, ce chapitre n’est pas la continuité de l’historique de ma vie, mais plus une grosse parenthèse sur comment je vois la sécurité à vélo.

Chapitre 9
Mais pour qui se prend-il lui?
Je suis tout au courant de cela moi!

Si j’ai tardé à faire partie de clubs de vélo, je n’ai jamais été aussi très attiré par les cyclo sportives même si leurs participants aujourd’hui me semblent plus adroits, plus habiles qu’autrefois. Le nombre de mauvaises chutes qui survenaient ne faisait que me convaincre de m’y tenir éloigné. De plus, je me disais, mais qu’aurais-je à me prouver là-dedans moi? J’avais comme atteint tous les objectifs pour lesquels les gens font ces cyclos? Pourquoi en referais-je au risque de me blesser sérieusement à mon âge et sans protection d’emplois et assurances comme autrefois? Dites-moi?

Ces risques de chutes sont également omni présentes même dans les clubs de vélo ouverts à tous. Voici ce que j’en pensais à l’époque …

« …Dans mon club de Québec, il y en a eu plusieurs depuis le début de la saison. Encore en fin de semaine, une de nos amies a pris le clos parce qu’elle roulait, semble-t-il, trop près du bas de la route. Rien de cassé, mais une bonne commotion. L’autre semaine d’avant, dans la même journée sur deux pelotons différents, deux filles ont chuté durement occasionnant chez l’une une fracture de la clavicule. Cette fois-ci, ce sont des crevasses mal annoncées ou difficiles à gérer qui sont en cause.

Et pourtant notre club est préoccupé par la sécurité. Encadreur moi-même, j’ai été formé pour bien déceler les fautes des cyclistes et pour m’assurer que le groupe roule en harmonie et en toute sécurité. Comment expliquer toutes ces chutes?

La seule explication que j’y vois est la très grande popularité du vélo maintenant, la très forte croissance qu’il a connue ici ces dernières années, laquelle est jumelée à de plus en plus de cyclos qui ont vu le jour, et auxquelles des cyclistes sans expérience veulent participer.

Quand des amis(e) à moi très expérimentés(e) « tombent au combat » et que je les regarde recouvrer, je sais que nous les reverrons bientôt sur les routes. Certes avec plus de maturité et prudence à leur retour, mais je sais qu’ils seront encore là avec autant de confiance en eux. Ils avaient déjà chuté dans le passé et ils savaient aussi que cela se reproduirait à nouveau un jour. Ce sont les autres plus jeunots sans expérience pour qui je me préoccupe. De tous ces messieurs et mesdames de tous les âges qui arrivent dans nos rangs à coup de centaines par année, pas toujours bien préparés pour relever certains défis qu’ils se fixent, rouler à 25, 28, 30, 32 km/h de moyenne par exemple, faire son premier 100 kilos, le défi Pierre Lavoie ou encore la cyclo de son patelin. Ces gens ressortent un peu traumatisés de leur chute et n’ont ni le caractère, l’expérience et le soutien pour passer au travers. Ils deviennent si craintifs par la suite, et je les comprends de l’être, hey ça fait mal en christ de s’étendre de tout son long sur l’asphalte, qu’ils deviennent des dangers pour les autres. Ils rechutent à répétition et finissent par décrocher. Croyez-moi j’ai été témoin de plusieurs feuilles de route comme cela. Cela me fait grimacer à chaque fois lorsque les gens en arrivent à dire «  Le vélo? Non ce n’est plus pour moi, beaucoup trop dangereux. Je n’ai pas aimé. » Et pourtant…

Je suis revenu à la charge l’année d’après avec un autre texte portant sur les mauvaises intentions du monde…

«… parce qu’il est temps que les clubs de vélo prennent les grands moyens pour que leurs membres prennent de meilleures décisions lorsqu’ils roulent en peloton. Il y a certes les règles écrites et non écrites, qu’on se doit de respecter lorsqu’on roule en peloton sur certains terrains, en montée ou en descente surtout, parce que ça va vite et les chutes sont plus violentes et dangereuses. J'y reviendrai un peu plus tard. Non! Ce n’est pas sur cet aspect que je veux attirer votre attention pour le moment, mais bien sur les objectifs, sur le «  pourquoi » qu'on fait du vélo dans des clubs de vélo organisés?

Est-ce pour prouver à ses paires qu’on est meilleur qu’eux? Est-ce pour aller vivre l’adrénaline des courses de vélo, alors que les rides de mon club n’en sont pas, ou devrais-je dire ne doivent pas en être?

Il y a, à mon point de vue, de nombreuses explications aux nombreuses chutes auxquelles nous assistons. Je ne veux surtout pas faire le procès du cycliste qui a chuté en fin de semaine, mais malheureusement, de façon générale, il y a trop de cyclistes dans nos clubs, à quelque niveau de vitesse que ce soit, de l’intermédiaire aux cyclistes soi-disant plus expérimentés, qui viennent aux sorties avec de mauvaises intentions, et ce, sans malheureusement le savoir. Et c’est ce qui complique l’affaire d’ailleurs ! Chaque cycliste a sa personnalité et son parcours de vie comme cycliste. Certains en ont beaucoup fait et ça parait, en tout cas, moi je m'en aperçois, et d’autres en ont fait beaucoup moins et c’est là qu’ils peuvent devenir dangereux pour eux-mêmes et pour les autres. Pourquoi? Parce qu’ils croient avoir beaucoup d’expérience, ils ne sont pas tout à fait au courant de tous les dangers auxquels ils font face, et par témérité ou orgueil mal placé, ils s’exposent dans des situations qui nécessitent des réactions et des habilités de pilotage qu’ils ne maîtrisent pas encore tout à fait ou qu’ils n’ont carrément pas!! C’est un peu comme le cycliste qui s’obstine à toujours vouloir rouler dans des groupes trop rapides pour lui? Or, ce cycliste qui a une très mauvaise perception de lui-même, utilise ce même jugement déficient, se sert de ce même manque d’expérience sur la route ! Il pourrait, par exemple, croire qu’il est bon en ci ou en cela comme pour l’évaluation de ses capacités, et à un certain moment donné, il prend une mauvaise décision, chute ou cause une chute ! Combien de fois l'ai-je dit? Le cyclisme sur route est un sport pas mal plus complexe que ce que le monde croit. Il y une vague énorme depuis quelques années de cyclistes qui arrivent dans les clubs à 30, 40, 50 ans, ils se découvrent des talents là-dedans, se voient progresser certes, et c'est excellent même, mais après quelques années, ils croient avoir tout saisi de l'affaire!! Eh bien non ! Ce profil de cycliste n'a définitivement pas les habilités, l'intuition, les réactions, l'instinct et les capacités du cycliste, qui a fait ses classes jeunes dans les circuits amateurs ou de celui, qui a de nombreuses années d'expérience avec des dizaines de cyclos à son actif, voire des courses faites sur le circuit amateur. Je sais que c'est plate à dire, mais on retrouve beaucoup moins souvent ces derniers cyclistes s'allonger au sol que les nouveaux arrivés, vous ne trouvez pas?

Je crois qu’il est là le gros danger dans la popularité de plus en plus grandissante du cyclisme au Québec. Il est là le défi pour les clubs de vélo. Faire comprendre à leurs membres, surtout à ceux qui se croient bons et vites, que les sorties ne soient pas une course ou le lieu de la consécration sur l’hôtel de tous leurs complexes d’infériorité, mais des sorties de groupe qui se veulent sécuritaires à une vitesse qui leur convienne. À des sorties de groupe qui correspondent à nos capacités et au cheminement où nous en sommes, et ce, INDÉPENDAMMENT de ce que le monde puisse penser de nous ! »

À ce titre, en ce qui me concerne, je suis conscient de mon âge élevé et j’ai assez d’expérience pour m’apercevoir que je n’ai plus ma place dans des groupes dépassant une certaine vitesse moyenne. Je me fous que Pierre Jean Jacques du même âge, voire plus âgé, soient encore capable de le faire et plus moi. L’important est que j’ai eu à faire un effort calculé à la hauteur de mes capacités SANS PLUS, en étant encore capable de me tenir debout à la fin de ma sortie. Vous voyez ce que je veux dire? C’est cela qu’on devrait se permettre de dire, nous les plus expérimentés, lorsque nous voyons quelqu’un qui n’est pas à sa place. Mais bon, ce n’est pas évident non plus, alors je vous en prie, faites votre examen de conscience et faites-le honnêtement !

Vous devez me trouver moralisateur n’est-ce pas? Vous avez raison, puisque que je me permets de critiquer, de juger et parce que je souhaiterais que les gens fassent ajuster la force de leur lunette pour la vue, lorsqu’ils se regardent dans le miroir.

Alors, permettez-moi d’en rajouter une couche. Voici un autre petit texte que j’ai écrit il y a quelques années et qui est encore plus moralisateur. Il porte sur les techniques pour bien rouler en peloton pour éviter le plus de chutes possible. J’avoue que cette journée-là, j’en avais fumé du bon, mais c’est probablement l’un de mes meilleurs papiers sur des questions relatives à la sécurité.

« Rouler en peloton sécuritairement est sans doute le sujet le plus abordé entre cyclistes depuis quelques années. Avec raison, le cyclisme est en forte progression. De plus en plus de gens commencent à en faire, ils y prennent goût et s’enrôlent dans des clubs de vélo pour s’améliorer et pour se situer dans leur progression. Et c'est tout à fait normal ! Tous les sportifs quel qu’il soit, compétitif ou pas, espère toujours s’améliorer, même s’il prétend le contraire. Même le cycliste qui enfourche sa bicyclette que pour se déplacer, donc pour répondre à un besoin essentiellement utilitaire, voudra améliorer sa conduite dans le trafic, développer un instinct et des techniques qui lui permettront de survivre dans le trafic. Vous voyez? S’améliorer, voire apprendre à rouler seul ou en groupe peut prendre pas mal plus de temps qu’on pense. Il en est de même dans tout, mais bon, il y aura toujours des « Jos connaissant »

(…) Le cyclisme d’entraînement est un sport dangereux et trop de monde l’oubli, ne se sente pas concerné. Tout le monde roule en innocent sauf eux ! Cela fait en sorte que beaucoup de cyclistes se croient le meilleur de son bled et deviennent un risque élevé pour leurs pairs qui les accompagnent, parce qu’ils ignorent plusieurs règles élémentaires de sécurité sur la pratique du vélo.

Je ne m’attarderai pas ici aux règles de la sécurité routière, à l’obligation de faire ses arrêts, de signaler ses dépassements, ses virages afin que le cycliste devienne un meilleur citoyen sur la route. 
Non ! je veux m’attarder aux risques que nous prenons nous-mêmes et qui peuvent provoquer de graves chutes comme il m’arrive d’en voir de plus en plus chaque été. Ce sont les mêmes scénarios qui se répètent sans cesse. Malgré les consignes faites par les capitaines de route, les clubs de vélo ou les organisateurs de randonnées, des cyclistes novices, parfois des plus expérimentés, se plantent ou en font planter d’autres !

Connaissance de soi et humilité:

Je vais commencer par ceux qui croient être des Bruno Langlois (CAN), Michael Woods (CAN), Romain Bardet (FRAN) et Peter Sagan (Slovaq) en devenir.

Arrêtez de vous prendre pour eux. Vous commencez dans ce sport? Sachez qu’il est complexe et qu’il nécessite, comme un plongeur, des répétitions et des répétitions des mêmes mouvements, des heures et des heures d’entrainement pour ne pas causer d’éclaboussure dans la piscine et dans votre cas, cela peut s’agir d’une chute causant à vous ou à d’autres de graves blessures.

Soyez humble. Entourez-vous de cyclistes plus expérimentés qui vous donneront des conseils et des trucs pour améliorer votre tenue de route. Écoutez-les et arrêtez de vous trouver mille et une excuses pour expliquer vos maladresses. Écoutez, tentez de comprendre et mettez en application leurs consignes, point à la ligne ! Allez chercher de la rétroaction auprès de ces personnes et passer de nombreuses heures en selle à pratiquer ce qu’elles vous conseillent de faire.

Sortez avec des gens de votre calibre. Faites attention à ces gérants d’estrade autour de vous, qui ne connaissent rien au vélo, et qui vous diront que vous êtes prêt à rouler dans le groupe de vitesse supérieure à ce que vous êtes habitué de rouler. Ah remarquez que cela est peut-être possible aussi, mais si vous n’êtes pas capable de rouler un 50 tout seul à un ou deux kilomètres-heure de moins que la vitesse moyenne souhaitée, bien oubliez cela ! Vous n’êtes pas rendu là tout simplement. Si vous vous entêtez à le faire, vous allez être stressé face à ces cyclistes plus rapides que vous, vous allez être tendu mentalement et surtout physiquement. Vous risquerez de causer des accidents sans vous en apercevoir et vous passerez pour un dangereux qu’on ne voudra plus jamais avoir dans son peloton ! Est-ce ce que c’est cela que vous voulez?

Roulez et roulez des heures et des heures. Il faut que vous en arriviez à rouler à toutes les vitesses à tous les efforts avec calme et confiance. Il faut que vous maîtrisiez la conduite de votre vélo dans toutes les positions de conduite avant de vous aventurer dans les pelotons. La règle d’or est d’être détendue sur son vélo, car si celui-ci est un vrai bolide comme vous devriez peut-être ne pas avoir, il aura des réactions que vous ne saurez pas maîtriser. Seules les nombreuses heures en selle vous permettront de bien comprendre ses réactions et d’acquérir cette stabilité et fluidité sur la route. Vous voyez ce que je veux dire? De ne pas avoir l’air de ceux qui zigzaguent sur le chemin à chaque coup de pédale, parce qu’ils n’ont pas encore maîtrisé le parfait coup de pédale qui marie puissance, souplesse et fluidité !

Vous devez boire en roulant sans avoir peur, remettre votre bouteille dans son porte-bouteille sans le regarder trop longtemps, au risque d’entraîner tous vos amis(e) au sol pendant que vous le remisez. D’ailleurs en passant, on ne boit pas une main dans le bas des arches du guidon ou sur les cocottes. On boit en stabilisant la conduite de son guidon sur la barre horizontale à mi-chemin entre la cocotte et la potence. La seule façon de garder l’équilibre de son vélo d’une main, si jamais vous passez dans un trou ou une craque imprévisible. C’est la même technique qui s’applique lorsque vous devez aller chercher de quoi dans vos poches arrière. Si vous ne maîtrisez pas cela, demandez un arrêt. Ce n’est pas le temps de pratiquer cela en peloton Bon Dieu ! Dans le même ordre d’idée, arrêter de regarder constamment votre cassette arrière pour savoir sur quelle vitesse vous êtes. Apprenez à changer de vitesses instinctivement selon vos sensations dans votre coup de pédale. Cette habilité à changer de vitesse au bon moment pour garder la cadence est le trait qui caractérise le mieux le cycliste d’expérience. Autre chose vous rendant très dangereux sur la route, arrêtez de consulter à tout moment vos équipements sensoriels sur votre guidon cibol !

Regardez toujours en avant ou rarement sur les côtés (max 45 degrés) au besoin, mais jamais en arrière. Vous êtes responsable en quelque sorte de la sécurité de vos arrières et pour ce faire, vous devez rouler à vitesse constante en regardant en avant et ce n’est pas en regardant en arrière que vous y parviendrez. Surtout que les inexpérimentés changent de direction en regardant en arrière ! C’est en demeurant concentrer sur le rythme du peloton, sur le terrain qui s’annonce devant lui tout en prévoyant la réaction de celui que vous suivez, que vous réussirez à assurer votre sécurité et de celui qui vous suit.

Si vous regardez en avant comme il faut, vous parviendrez même à analyser le terrain qui s’en vient sans même que le cycliste qui vous précède ne vous signale les trous, parce que vous deviendrez habitué à voir la voie qui vient au bas des aisselles du cycliste qui vous précède. Puis, si c’est vous qui êtes surpris par une imperfection de la route à la dernière minute et que vous n’êtes pas capable de sauter par-dessus, bien passez dedans en vous reculant légèrement sur votre siège pour alléger le poids de votre vélo à l’avant. Vous ne l’avez jamais fait? Bien, faites-le en entrainement. Sauter par-dessus des trous que vous connaissez bien sur vos parcours. En principe, vous devriez ne pas avoir de difficultés à en trouver! Ne faites surtout pas des virages brusques pour éviter un trou cibol. Tout doit s’éviter progressivement. Le cycliste à l’arrière, s’il est intelligent, suivra progressivement lui aussi votre changement de direction et verra ce trou lui aussi, passera à côté et comprendra pourquoi vous vous êtes déplacé doucement de la sorte. Il appréciera votre roue et vous le mettrez en confiance. Il dira à tous ses amis que vous êtes une bonne roue. Je n’en reviens tout simplement pas de voir encore des cyclistes d’expérience donner des coups de guidon à la dernière minute pour tout et rien ! Ils font sursauter le cycliste qui le suit et risquent à tout bout de champ d’amener tout le monde au sol ! Zigzaguer sur une bicyclette est une habilité de cirque, pas de peloton, compris?

Faites une légère accélération ou augmentez votre vitesse assis un peu avant de vous lever en danseuse sur votre bike pour que celui-ci ne recule pas ou s’immobilise momentanément lorsque vous vous levez. Et si vous aimez dire  « Up » avant de vous lever, dites-le donc avant de vous lever. Cette technique devient particulièrement cruciale et importante lorsque vous vous exécutez dans le début d’une montée alors que tout le monde arrive en pleine vitesse par l’arrière et qu’ils n’ont pas encore compris que vous êtes en déficit d’effort…j’en vois encore qui disent Up en même temps qu'ils se lèvent fiou!!! Pour atténuer ce risque, suivez toujours votre roue légèrement à l’arrière sur la droite ou la gauche de celle-ci, de sorte que s’il y a changement de rythme inattendu de sa part, vous vous retrouverez sur les côtés de sa roue et non dedans !

Arrêtez de placoter à moins que vous soyez entre amis intimes en balade du dimanche sur une route déserte. Vous raconterez comment ont été vos dernières vacances autour d’un verre après la ride. Pour ceux qui me connaissent, est-ce que vous m'entendez placoter durant une ride? J’ai 30 ans d’expérience et je la ferme quand je roule au train ! Pis, quand j’en ai un qui veut me faire la conversation, j’adopte une attitude polie, désintéressée, qui coupe court à la conversation ! Serez-vous gêné de la faire à l’avenir? J’espère que non.

(…) Bon ! Le relais. Savez-vous pourquoi on appelle cela « donner ou prendre un relais » pour un changement de cycliste à la tête d’un peloton? C’est parce que celui qui prend le relais, le prend sans accélérer et celui qui le donne le donne pour ne pas se faire « Câlisser une mine (accélération) dans face ! Ça fait que les Égos forts qui veulent prouver à tout le monde qu’ils sont capables d’élever le rythme, qu’ils veulent montrer qu’ils sont en forme, doivent se calmer le pompon. En accélérant de la sorte, vous créez un élastique en arrière et vous compliquez la tâche à votre relayeur qui doit descendre. Vous voulez encore passer pour un cycliste qui sait rouler? Qui a de l’expérience? Bien, regardez la vitesse que le relais vous a été offert et maintenez cette vitesse pendant le temps qu’il lui faudra pour s’installer à l’arrière et vous accélérerez que doucement et progressivement, seulement si personne ne crie pas moins un ou qu’il règne une entente implicite dans votre groupe à supporter votre rythme. Ton expérience te dira jusqu’à quelle vitesse tu peux élever le rythme. Encore là, si vous respectez cette règle, on vous appréciera. On dira de vous que vous êtes un excellent rouleur, un gentleman. Que vous savez rouler plutôt qu’un Ostie de Tabernacle qui ne comprend jamais rien et qu’on ne veut plus avoir dans son groupe, parce que vous foutez la marde constamment. En conclusion, cela veut donc dire que le peloton peut rouler légèrement à différentes vitesses en harmonie avec les capacités de ses membres. Cela signifie que les plus faibles devront forcer peut-être un peu plus que les plus forts, si la moyenne recherchée par le groupe au départ est respectée, malgré ces petits changements de rythmes bien normaux, bien tout est tiguidou quant à moi ! Si cela ne fait pas votre affaire et que vous décrochez constamment à ces changements de rythme, vous n’êtes pas dans le bon groupe. Un cycliste qui est dans le bon groupe ne se formalise pas de ces changements de rythme bien calculé qui font partie d'une sortie en bonne et due forme. Je ne vois pas pourquoi un groupe entier serait pénalisé par quelqu’un qui ne s’est pas bien évalué avant de partir.

Un bon peloton composé de cyclistes d’expérience se respecte entre eux, même s’il peut être composé de maillons parfois plus faibles. On garde sa position dans le peloton en arrière de celui qu’on suit, et on laisse le meneur donner le rythme qu’il est prêt à supporter, sur le plat, dans une montée comme dans une descente. ARRÊTEZ de vouloir vous mettre en évidence en voulant prouver que vous êtes le meilleur grimpeur ou descendeur de la gang ! Si c’est votre but, prenez votre licence à la Fédé et allez vous faire voir là! Vous allez avoir les conditions idéales pour vous tester. Demeurer à sa place dans le peloton est une règle qui prévaut à tout moment, sauf lors des longues montées ou descentes (plus d’un ou 2 kilos) si c’est permis par votre capitaine de route. Donc, si le peloton monte de petites côtes abruptes de courtes distances, et bien, tous les membres du peloton doivent garder leur rang sur toute sa montée. En fin de semaine dernière par exemple, avec un peloton un peu plus fort que moi, je me suis souvent retrouvé à l’avant face à des montées et j’ai évidemment gardé le relais, ce qu’il faut faire d’ailleurs en ces circonstances, pour ne pas se retrouver soudainement à l’arrière pour s’accrocher à un relais légèrement plus fort que le sien. Or, personne ne m’a passé et Dieu sait que j’étais accompagné de « Bœufs » qui auraient pu me déposer-là n’importe quand ! C’est mon relais, je l’ai pris accoté comme je le voulais et on a respecté mon rythme. Voilà un bon peloton !

Autre situation maintenant. Nous sommes arrivés sur la 105 aux States la semaine dernière sur une montée de 11 kilos. Dans ce cas-ci, fuck Bob coach la Gazelle, on se retrouvera en haut mon homme, non pas à un rythme de course dans le sens que tout le monde s’énerve en bas à trois de large en danseuse pour se swinguer dans côte!! Non non ! On passe le meneur du peloton à la file indienne ou sur un dépassement sécuritaire et serré, un à la fois sur tout un chacun, n’oublions pas que nous sommes sur une nationale et que des autos peuvent s’en venir de l’arrière. On s’attendra en haut. Il s’agit d’une longue difficulté qu’il est bon de monter à son rythme, de se défier intelligemment et voir comment on peut se comporter dedans sans qu’on ait à entendre l’encadreur nous crier après de ralentir. Seulement l’entendre dire « on s'attend en haut gang ! »

Même chose dans une descente. On se retrouve dans une courte descente abrupte sur courte distance, idéalement le meneur du peloton à ces sommets devrait être un bon descendeur. S’il ne l’est pas, qu’il se tasse et laisse sa place à un quelqu’un de plus rapide, mais le peloton une fois engagé dans la descente garde sa formation ! Pas question de dépasser qui que ce soit. On applique un léger freinage si le peloton ne descend pas assez vite pour soi. Cette règle de conduite fait également partie des bons rouleurs, des bons pelotons sécuritaires. On respecte le meneur de peloton dans la descente comme dans la montée de tantôt. N’oubliez pas qu’il mouline fort à l’avant pour vous donner de la vitesse à l’arrière alors que vous « drafter ». C’est pour cette raison qu’il ne faut pas chercher nécessairement à prendre le « lead » si vous n’êtes pas bon en descente. C’est votre relais? Vous y tenez? Vous y allez, good, alors mesdames et messieurs, respecter votre meneur même s’il est lent et adaptez-vous à son rythme ! ARRÊTEZ de sortir sur les côtés de la roue que vous suivez pour venir le stresser ! Vous n’avez pas d’affaire-là. CAPICH? Si cela se produit, c’est que vous ne savez pas rouler et n’êtes pas capable d’appliquer ce léger freinage pour garder votre place en file indienne dans la descente.

Bon, cette fois-ci la route est large, la descente est très longue et sécuritaire, même si c’est plus dangereux qu’en montée, le peloton est composé de cyclistes d’expérience, il y a toujours moyen de donner du lousse à certains d’entre eux, qui voudront se laisser aller totalement dans la descente en leur laissant l’opportunité d’effectuer quelques dépassements tout aussi sécuritaires et serrés qu’en montée pour évidemment ne pas prendre toute la voie bien sûr. C’est ce qui s’est produit avec ma formation sur la descente de Jay Peak dans le Vermont en fin de semaine dernière sur 8 kilos. Les plus prudents sont demeurés à l’arrière et les plus audacieux se sont laissé aller à tombeau ouvert. Si nous avions eu un encadreur pour nous dire de garder notre formation, cela n’aurait pas marché. Encore là, on s’est regroupé en bas pour reprendre notre formation. Sur plein d’autres descentes, la totalité je dirais, nous avons toujours respecté notre meneur de peloton. Et si malgré cela, on en a perdu quelques-uns, parce que le peloton a été un peu trop vite pour eux, nous les avons attendus en bas. Ce n’est pas plus compliqué que cela. (…). »


Il ne s’agit que de mon opinion et elle n’engage personne d’autre que moi. C’est la façon que je dirige mes sorties et je n’ai aucune chute à mon crédit parce que c’est de même que ça marche.
***

Chapitre 10
Faut bien en rire. Quel style de cycliste êtes-vous?

Vous savez ? À bien y penser, il faut avoir du cran pour faire du vélo de route dit d’entraînement. J’ai l’impression que les risques d’accidents et de blessures à vélo sont pas mal plus élevés chez les cyclistes que chez ceux qui jouent au tennis, au basketball, au soccer, voire au hockey. Je serais curieux de voir des résultats d’études qui porteraient sur la fréquence des blessures/accidents graves aux 1000 participants dans plusieurs sports. Je ne serais pas surpris de retrouver le vélo dans le top liste. Enfin…

La personnalité d’un individu transcende dans chaque sport qu’il pratique. Ses traits de caractère et de personnalité sont intrinsèquement liés au style qui le caractérisera dans la pratique de ses sports. On en entend souvent parler via les commentateurs sportifs dans le hockey par exemple. Vous savez lorsqu’ils analysent la composition des trios, d’une équipe, ou bien lors d’un repêchage. Combien de fois n’avons-nous pas entendu un commentateur dire, « il leur faudrait un joueur combatif, un bon centre intelligent pour construire des jeux, un « goon » pour protéger leurs vedettes ! Dans tous les sports, c’est de même. Demandez aux entraîneurs des Alexandre Despaties, Alex Harvey, Guy Lafleur, Jean Béliveau ou what ever comment ils expliqueraient les succès de leurs poulains ? C’est tellement évident, que nous saurions capables de répondre à cette question nous-mêmes. C’est certain qu’on en viendrait à parler des personnalités de ces athlètes. Un autre exemple d’athlète tient, que j’ai adoré plus près de notre discipline et de mon bled ici à Québec. Marie-Hélène Prémont?  Je vous référerais à une citation de sa part dans la presse lorsqu’elle fut intronisée au temple de la renommée du cyclisme canadien en 2017.

Persévérante dans le sport comme dans la vie, Marie-Hélène Prémont a su conjuguer ses nombreux entraînements et déplacements à l’étranger aux études. Diplômée en kinésiologie, puis en pharmacologie, elle estime que l’apprentissage a toujours été au cœur de ses priorités. «Je voulais être autonome et toucher à plusieurs facettes de mon sport. Je pense que mes études ont fait de moi une athlète plus complète, notamment sur le point de la psychologie.» Ténacité, oui. entêtement, «aussi». «Je ne plie pas devant les obstacles et je ne me laisse pas dire quoi faire», résume-t-elle, en souriant.

Chez nous, on appelait cela de la « graine de champion ». Combien de filles croyez-vous, avec sans doute plus d’aptitudes physiques que Marie-Hélène n’ont jamais pu s’approcher des meilleurs au monde comme elle ? Je n’ai jamais eu besoin de lire cet article pour savoir à quoi carburait Marie-Hélène Prémont. J’ai assisté à presque toutes ses prestations sur la coupe du monde au Mont-Ste-Anne et notre tite fille de la Côte-de-Beaupré était une tenace, une coriace, dotée de superbes qualités athlétiques, mais elle était aussi surtout une « bright ». Elle se positionnait toujours bien dans le peloton, plus prudente dans les descentes très techniques, elle gardait ses adversaires à vue et savait quand exploiter sa force en montée pour les rejoindre ou les abandonner pour filer vers la victoire.

Si j’avais à refaire mes études, je les referais en psychologie du sport. Mon passé en relation d’aide m’a grandement aidé pour cerner les cyclistes que j’ai côtoyés et pour me comprendre moi-même. C’est tellement évident dans le vélo, un sport individuel comme beaucoup d’autres disciplines, où l’athlète doit faire d’introspection pour en arriver à comprendre des résultats décevants.

Pas surprenant que je me suis plu dans le personnage de « Coach Bob la gazelle » que je me suis bâti au fil des ans. Ce n’est pas d’hier que j’observe les cyclistes qui m’entourent. N’oubliez pas le rôle que je jouais avec mes coéquipiers nettement meilleurs que moi. Si je n’avais pas eu la sagesse de remettre les choses à leurs bonnes places à chaque fois que je me posais des questions sur mes performances, et bien j’aurais tiré la serviette. Je n’aurais pas fait le temps que j’ai fait.

Et c’est ce qui me rend si fébrile quand je pars m’entrainer, vous vous souvenez quand je vous ai dit qu’il y avait comme un mystère, de l’inconnu quand je sors à vélo, bien voici quelques cyclistes que j’ai rencontrés ici et là et qui, sans être des amateurs de haut niveau, m’ont impressionné.

« Je me souviens il y a 25 ans quand j’ai commencé à rouler, c’était un happening quand je croisais quelqu’un sur mon chemin et encore bien plus quand je l’avais dans ma mire hihihihihi. Je m’empressais de le rejoindre, pour le challenge de rattraper quelqu’un peut-être meilleur que soi, mais aussi pour le saluer afin de s’assurer de se reconnaître plus tard durant la saison. Cette rencontre pouvait ne pas durer longtemps avant d’appuyer sur la pédale si on s’en sentait encore capable, soit pour le larguer ou se faire larguer. L’important pour moi était de se saluer et qui sait, pouvoir se reconnaître plus tard.

Aujourd’hui ? Nous sommes légion sur les routes. Je n’en reviens pas et cela progresse d’année en année. Comme je disais cette semaine, je n’ai jamais vu autant de pelotons samedi dernier et lors de mes dernières sorties en solitaire. De plus, je rencontre des tonnes de cyclistes de toutes sortes à part cela !

Ceux que je préfère sont les « street riders all year long » ! Mon grand chum Paul a une shop de vélo avec ce genre d’énergumène ! Vous savez ces travailleurs qu’on retrouve sur toutes sortes de montures et qui ont dans leur for intérieur un semblant d’Ayrton Senna !  Je me souviendrai toujours de mon style "construction,", en overall remonté au mollet avec clip en métal au pantalon chaussé en botte à cap de travail Kodiak sur une pédale plate en métal. Malgré mes accélérations de plus en plus rapides sur tout le chemin Saint-Louis pour me débarrasser de lui, il réussissait à arriver à ma hauteur pour me faire un gros sourire à chacune de mes lumières.
« Hey man!! Quand est-ce que tu changes ton grincheux de becycle à poignée droite pour un bolide comme le mien ! Ciboiiiire t’es pas tuable !!»
Voyez-vous, il se peut fort bien qu’il raconte encore cette anecdote à ses amis en disant de moi, que je savais vivre, que j’ai su reconnaître son talent ! Cette semaine encore, sur le même boulevard, j’arrive à la lumière de Charles-Huot direction ouest après un faux plat sur lequel je me plais d’appuyer un peu, qu’un fonctionnaire en court bin poilu à la préretraite se pointe en même temps que moi à la lumière avec son vieux Marinoni modèle des années 90 avec son rack arrière sur lequel repose sa boîte à lunch sur son ordinateur portable!!! Christ Bob un peu de fierté quand même ! En plus, c’est monsieur qui démarre avant moi et qui me commande le rythme jusqu’à la prochaine lumière. Aucun son de travers sur cette vieille machine. Ça tourne comme une machine à coudre. J’ai roulé en fin de semaine avec un gars qui avait un bike à 10 M$ qui faisait plus de bruit que lui !

-  « Dites donc monsieur… ça roule bien ce petit Marinoni-là ! »
- « pas pire hein ? Il a 17 ans et je viens de le faire ajuster » c’est mon bike de travail. J’en ai un autre pour l’hiver et un autre pour l’entraînement ! »

okkkkkkkkkkkkkkkkkk!!!!!! Croyez-vous que je l’ai salué le bonhomme avant de redémarrer ? Bin sûrrrrrrrrrrr!!!!!

Non, mais cet homme-là est passionné encore un bien plus que moi!! Vous vous imaginez ? 3 bikes. Un pour l’hiver, un pour l’été pour le travail et un pour l’entraînement. Je suis-tu chanceux moi de ne pas l’avoir rencontré avec son vélo d’entrainement lui ? Il aurait été plus fort que moi d’un coin de rue à un autre en tout cas, c’est certain!! Quant à mon gars de la construction, c’est un Goliath qui s’ignore. C’est malheureux, c’est comme mon Olympienne du Michigan State, je ne les ai jamais revus ces deux-là. De valeur…

La semaine dernière quand j’étais sur mon montagne à double suspension, deux ptits culs de calibre junior ont voulu me déposer sans même me jeter un coup d’œil!!! Comme je les avais vus venir …Bang! Je descends la chaine en bas, je barre mes suspensions et je me colle à eux. Les tits batinsss qui continuent d’accélérer à part cela… ils se mettent même à danser pour relancer leur affaire… et finissent par me décrocher sur 100 pieds seulement après deux kilos à bloc et je finis par arriver pareil en arrière d’eux à la prochaine lumière. Sans qu’ils me saluent encore, je les regarde et je leur dis;
« hey, les boys, ça va ?
« Oui ça va monsieur » !
« Avouez que je vous ai fait un peu peur hein?!!! Hihihihihi
Eux autres aussi vont se souvenir longtemps du vieux avec son tank lorsqu’ils auront pris un peu de sagesse !

Alors la morale de cette histoire les amis… prenez donc le temps de bien voir qui vous dépassez, de le (la) saluer, et assurez-vous d’en avoir encore en dessous de la pédale si vous êtes un peu baveux, parce que si c’est moi, soyez assuré que je vais vous coller au cul, pis si je peux, je vais vous en remettre!!! »

Je ne connais pas de sports autres que le vélo qui produisent des personnes si déterminées à prouver parfois, coûte que coûte, jusqu’à se péter la gueule, qu’ils sont les meilleurs du jour. Ah jeune, quand je jouais au tennis, aux racquetball ou dans d’autres sports d’équipe, j’avais bien le goût de gagner, mais je ne crois pas que j’y ai mis autant de cœur que je l’ai fait à vélo. En tout cas, cela ne mettait pas ma vie autant en danger.

Et n’allez pas croire que ce sont juste des malades comme moi qui sont si égocentriques… À preuve, quelques jours après avoir rencontré ces deux derniers bizarroïdes de haut niveau, imaginez-vous donc que j’en ai rencontré deux autres sur la Promenade de Champlain quelques jours plus tard.

Comme vous le savez, je suis revenu de congé lundi après la fête du Canada (…) Alors, comme je ne me peux m’absenter longtemps du travail en cette période de l’été, j’avais dû mettre les bouchées doubles, de sorte que je n’ai pas pu sortir avant-hier avant 17H!!!! Je ne me souviens pas d’être sorti aussi tard. Et pour ceux que 17 h est votre heure de retour du travail à vélo, bien j’ai l’impression que vous devinerez de ce que je vais vous parler. De ces "street racer’s worker rider all year-long!" Ne cherchez pas sur Google cette expression. Je viens de l’inventer ! Vous savez cette gang de gros costauds mal habillés, bien vous savez avec des shorts safaris sur un cuissard par-dessus avec un packsack, qui se prennent pour Ryder Hesjedal en revenant à la maison en pourchassant tout ce qui bouge!! Non, mais qu’avez-vous donc tous ? Je suis sur la piste cyclable de la Promenade de Champlain à la hauteur de la côte de l’église. Je viens de partir. Je suis en réchauffement. BANG ! Deux espèces de deux gros "Beefs" dans le genre que je viens de décrire me dépassent en relais pour me laisser sur place ! Hey les boys ! Savez-vous à qui vous avez affaire ? À Bob la gazelle ! Pas de salutations ! Ni même un regard ! Niet ! Nonnnn, mais y sont qui eux ?!! Je me lève en un coup de vent et je les colle, pis je décide de les suivre seulement. Regarde, à 40km/h sur une piste cyclable, pensez-vous que je vais les dépasser!!. Après quelques instants, le premier en avant commence à ressentir un peu de fatigue.... ben j’imagine que oui, lorsqu’on met les mains dans l’arche du guidon en bas et que les genoux commencent à te sortir de chaque bord, bin c’est que tu commences en arracher ! Bien tenez-vous bien, l’autre "mal éduqué" en arrière presqu’aussi épuisé, lui Christ une mine en le regardant par-dessus le marché en le passant, tout fier de son coup!!!! Hein!! Mais c’est la guerre icitt!! NON, mais je pensais qu’ils étaient ensemble moéééé!!?! Non, mais ils bauchent l’un contre l’autre me suis-je dit et ils m’ont ramassé de même, parce que je le voulais bien ! Mais ce n’est pas fini ! Aussitôt que ce deuxième salaud a ressenti un peu de fatigue, je l’ai dépassé doucement en le saluant avec un beau sourire, les mains sur la barre horizontale le corps bien droit en lui faisant une accélération progressive jusqu’à la fin de la Promenade... c’est sûr que je les ai décrochés et quand je suis arrivé à la lumière, je leur ai dit "Hey les boys ! Je pensais que vous étiez ensemble ? QU’EST-CE QUI SE PASSE ?" " Nonnnnnnnnnn on ne se connait pas nous monsieur!! 
« Quoi!! Vous ne vous connaissez pas ! Ciboirrrrr"
Non, mais y avez-vous pensé ? Est-ce que cela veut dire que ces deux jeunes ont le couteau entre les dents chaque soir qu’ils terminent leur boulot ? Non, mais ils sont malades. Et ce qui est le pire, c’est que cette maladie est contagieuse et rejoint de plus en plus de monde !

Je sais, je sais ce que vous êtes en train de vous dire. Oui je sais, je suis aussi coupable qu’eux. Qu’ai-je voulu autant prouver moi aussi,? Vous avez raison. Je suis aussi sinon plus malade qu’eux. Que voulez-vous, je déteste me faire lyncher par des cyclistes qui ne devraient pas. S’il a 25-35-40 ans full cut, rasé, c’est correct. Je ne ferai quand même pas une dépression, quoiqu’à cet âge je les aurais ramenés à la réalité, mais s’ils sont dans mon « range », alors là, pas pareil. 

Voici une autre de mes histoires abracadabrantes qui décrit bien mon état d’esprit quand j’embarque sur ma bécane…

« J’étais sur mon retour de ma ride aujourd’hui. Un petit 60 kilos sur terrain vallonné. Un beau samedi d’octobre à 12 degrés C. La saison des gros efforts est comme terminée. Les sorties de club ? Bof, non merci pour moi. À ce temps-ci de l’année, je préfère rouler avec des amis (e) proches ou seul. Habillé multicouches, en long, avec mon passe-montagne léger, je n’ai comme plus le goût de m’époumoner pour m’accrocher à personne.

Je venais de lâcher un rang pour embarquer sur une petite nationale qui revient sur Québec presque directement à la hauteur de chez moi. Je déborde de bonheur. Je roule au train à 75 %. C’est le régime que j’aime bien rouler seul. De toute façon, tard à l’automne de la sorte, habillé chaudement, on dirait que tout est difficile. Je ne sais pas si c’est le froid, le fond de l’air, toujours est-il que tu sembles donner un bon effort sur un segment de route que tu fais des centaines de fois et tu regardes ton odomètre pour t’apercevoir que tu ne roules qu’à 32-34 alors qu’en temps normal tu vogues ordinairement ici à 36-38 facilement. Vous n’avez pas cette impression vous autres ? En tout K !

Enfin, je suis sur ce boulevard direction sud et il y a plein de rangs empruntés par les cyclistes qui débouchent sur cette nationale. Ils arrivent du comté de Portneuf plus à l’Ouest ou bien des campagnes du Nord de la ville. À 300 m devant moi, il en sort un et il m’aperçoit lorsqu’il doit regarder sur sa droite pour surveiller le trafic qui vient. Plutôt que de prendre son temps comme un gros « Buck  » qui veut montrer la majestuosité de son panache à sa femelle, me laisser remonter vers lui question de voir si je ne pourrais pas être un coéquipier pour quelques kilos, monsieur prend la poudre d’escampette. C’est sérieux son affaire ! À voir le rythme de son coup de pédale, son dos bien penché par en avant, c’est clair qu’il n’est pas parti à 75 % lui là!! Kossé que je fais me suis-je dit ? Bof, écoute Bob, pousse un peu. Augmente la cadence, puis tu verras. Qui sait ? C’est peut-être juste un pétard mouillé ce mec-là après tout ! Un gros pétard par exemple, pas bedonnant pantoute, mais costaud. Je n’ai pas pu le voir comme il faut quand il est sorti du rang, mais de loin, mon œil aiguisé me disait qu’il était d’une silhouette pas mal plus costaude que moi et surtout, plus jeune que moi aussi. Toutes les conditions gagnantes pour que je ne le rattrape jamais. Même s’il me distance quelque peu, que j’augmente le rythme jusqu’au max que je peux donner, je sens que je n’y parviendrai pas. Bon, qu’est-ce que je fais ? Je ne me viderai tout de même pas comme cela pour rien. Bon ! Je vais me laisser une dernière chance. Il y a à l’avant, à 2 kilos la montée de la rivière aux pommes, une petite bosse de 1 kilo, 5 degrés d’inclinaison qu’il faut bien gérer si on veut la terminer avec force. Plus abrupte sur le bas, son long faux plat sur le haut peut devenir interminable si on en a trop gaspillé en bas. S’il me largue là, bien chapeau mon homme, tu m’auras bien eu, petit connard ! Je l’ai toujours en vue. Je suis revenu sur lui un peu. 250 m peut-être ? Est-ce que je vais payer cher cet effort pour me rapprocher de lui ? On verra »/$ %. Je le vois vraiment attaquer la côte. Son gestuel ne ment pas. Les épaules saccadées, le coup de pédale presque désespéré. C’est certain qu’il ne veut pas me voir lui ! Je décide de monter à mon rythme. Bien accoté aussi, mais sachant qu’il faut qu’il m’en reste en haut pour relancer le faux plat sur la grosse plate. Je réduis la distance de moitié finalement et lorsque je reprends de la vitesse, l’espoir renait en moi. Ehhhh, mon BOB ne lâche pas ! Qui sait si dans le faux plat descendant l’autre bord, il ne décidera pas de relâcher la pédale ? Toi ? Tu te sens bien non ? Top shape mon Bob ! Let’s Go alors ! Ça passe ou ça casse.

HEIN ! Mais qu’est-ce qu’il fait ? Bien cimonac, il se range en haut dans une espèce de dead end, met le pied à terre, sort sa bouteille pour boire et fait comme si de rien n’était… Comprends-tu que je ne le regarde pas plus qu’il ne faut, je maintiens mon rythme et même davantage pour lui montrer qu’il a drôlement bien fait d’arrêter parce que j’allais le chercher moé là!!! Je suis passé devant lui comme un coup de vent ! Dans mon livre à moi, il a eu la chienne le jeune ! Trop orgueilleux. Plutôt que de poursuivre sa fuite, faire ce qu’il avait voulu faire, ce gars-là a préféré se sortir lui-même pour ne pas vivre un échec ! Bien oui ! Il n’y a pas d’autres raisons. Finalement, je me retourne après l’avoir dépassé pour savoir quel rythme adopté moi-même, je venais de vider ma tank pas mal, qu’il rembarque sur sa bécane pour me suivre. Bien joualvair ! Je continue donc à rouler bien accoté, question de lui montrer que si je suis remonté sur lui, c’est parce que je ne suis pas un manchot et qu’à ce rythme, ce petit jeu peut durer longtemps. Je suis surpris de ne pas l’entendre en arrière de moi ou qu’il se soit décidé de ma passer. D’un léger coup d’œil arrière, je le vois revenir à 10 m en arrière, mais je ne peux pas me prononcer sur sa vitesse. Je me méfie alors. Au moment que nous entamons le dernier long faux plat avant de descendre vers Québec, le kid me dépasse rapidement. Il est assis. Il avait bien pris son rythme le petit batinse. À une vitesse qu’il savait sans doute trop élevée pour que je m’accroche. À un rythme que des amis me font parfois et puis après en hypocrite ils me disent. « Ah je prenais le relais voyons Robert !!» Va chier calvaire ! Tu n’apprendras pas à la gazelle à faire des grimaces de singe mon colon !

Toc Toc ! Dans le temps de le dire, il n’avait pas pris 5m en avant de moi, que je rajoute deux dents sur un coup de rein en danseuse pour me recoller à lui. Cela n’a pas été facile. Pas question de me rassoir tant et aussi longtemps que je n’y suis pas parvenu. Pas grave si je m’effoire et que je ne peux pas. Ce ne sera pas la première fois que je me ferai avoir sur une attaque sournoise. Je suis capable d’en prendre des défaites de la sorte. Je réussis toujours à trouver du positif dans toutes mes expériences. C’est pour cela qu’à chaque fois je m’essaye lol!! Je finis par lui arriver dans le cul espérant que je pourrai récupérer un peu ! Il sent ma présence. Comme un cheval checkant de côté, il m’aperçoit ! Il accélère. Il met toute la gomme dans ce fameux faux plat ! Non, mais croit-il qu’il va m’avoir parti comme c’est là!!?? La chaîne en bas, j’ai les jambes qui brûlent. Fuck, il ne m’aura pas. Je vois qu’il faiblit, que ça ralentit son affaire. Super alors ! Je sens mon rythme cardiaque et ma respiration reprendre du mieux avant qu’on arrive sur la longue descente. Pas question de prendre le relais pour qu’il me refasse la même passe. Il se rabaisse sur son vélo comme Froome le tabarouette et à la grosseur qu’il a, il prend nettement plus de vitesse que moi en descendant. Je dois pédaler, sa draft ne me suffit pas ! 50/12, je suis au maximum de mon développement. Je tourne les manivelles à 115 et je finis par me recoller à lui en bas le temps qu’il doive gérer une bretelle d’autoroute… qu’est-ce que je fais ? Je le passe ou pas ? Nonnnnnn. Écoute, c’est lui qui est le plus jeune, le plus costaud, qui a constamment voulu te décrocher après tout ! Qu’il mange de la marde… allez mon homme. As-tu encore du jus ? Envoye ! Montre-moi ce que tu as dans le ventre ! HEIN ! Quoi encore, avant d’entreprendre le dernier bout le fun sur cette nationale pour rentrer en ville, mon kid me fait signe qu’il tourna à droite. Eh ! Une entrée d’une cabane à sucre. Ce n’est même pas une route ! Mon gars qui me refait la même passe que tout à l’heure. En virant, il me regarde tout sourire, je le regarde aussi, mais contrairement à d’habitude où on dit ordinairement « eh ! Merci ! ou what ever d’autre, je garde un visage sans émotion, je ne le salue même pas et je continue sur le rythme qu’il m’avait m’imposé juste pour lui démontrer qu’il avait encore drôlement bien fait de s’arrêter, parce qu’il aurait été obligé de diminuer, puis qui sait ? C’est peut-être moi qui lui aurais donné son dernier coup de grâce. Il n’était définitivement pas préparé à cela. Pas fort son affaire!!

Je suis rentré à la maison sur le rythme que j’avais avant de le rencontrer et je me suis pris une bonne bière à sa santé chez moi, le sourire du vainqueur accroché dans face !

Que voulez-vous, c’est ainsi que je suis fait. Faites ce que je dis, mais ne faites pas ce que je fais.

Toujours est-il que par bonté et amour pour mon sport, je n’ai jamais refusé à quelqu’un qui me le demande de lui donner mon opinion sur sa façon de rouler. Il m’est souvent même arrivé après avoir accompagné ou m’être mesuré à un inconnu sympa de lui prodiguer quelques petits conseils qui me viennent très rapidement à l’esprit au premier coup d’œil. Je n’irai jamais jusqu’à dire que les boutiques spécialisées en positionnement n’ont pas leur raison d’être, mais plus souvent qu’autrement, qu’ils y soient passés ou pas, les principales déficiences que je détecte sont toutes relatives au positionnement; un bicycle souvent trop grand, mal ajusté, un siège trop haut ou trop bas, un guidon souvent trop haut, la potence de guidon de la mauvaise grandeur, cales mal ajustées, etc. Je ne doute pas non plus que certaines personnes puissent avoir à corriger des douleurs persistantes en consultant ces spécialistes. C’est juste que je suis d’une autre époque. Dans mon temps, on ne se basait que sur les principaux critères connus de l’époque, soit la jambe tendue avec le talon du soulier bien accoté sur l’endos de la pédale dans l’axe du poteau vertical du vélo pour ce qui est de la hauteur du siège; du devant du genou juste à l’arrière de l’axe de la pédale vue de haut lorsqu’elle est à l’avant à l’horizontale; et les coudes rejoignant les genoux en position course les mains dans les arches du guidon. Et comme je préfère rouler souvent sur un plus petit vélo, mes coudes vont au-delà du genou même. Cela fait plus de 30 ans que j’ai ces mesures sur un bout de papier et selon la géométrie du vélo, parce qu’ils ont changé avec les époques, J’essaie de les retrouver. Cela peut me prendre une couple de cent kilos et plusieurs sorties avec ma clé pour en arriver à un moment donné, me dire Yesss je l’ai ! Je me sens exactement comme sur mon ancien vélo, le même confort, les mêmes sensations physiques à l’effort. Je vais faire mon colon encore, mais que voulez-vous, c’est comme devoir reconnaitre sa femme parmi plusieurs alignées avec un baiser, les yeux bandés comme dans les séances d’identifications de suspects au poste de police. Imaginez le gars qui se trompe après 25 ans de mariage. Lui c’est sûr qu’il devra aller chez le spécialiste en positionnement hi hi hi

C’est tout de même assez incroyable le nombre de personnes que je vois mal ajustées. Ces dernières années, j’ai offert des cliniques de perfectionnement en vélo de route et je dirais que le quart des gens n’avait pas la position adéquate pour le style de vélo qu’il voulait pratiquer. Comment pouvez-vous pleinement tirer avantage du transfert de la force (énergie) de votre dos vers les fessiers puis aux cuisses avec un guidon à la même hauteur, voire plus haut que votre selle ? Ah, Bob, j’avais un malaise dans le dos et mon conseiller m’a recommandé cette position. Ah c’est sûr, si vous voulez retrouver le même confort sur votre vélo que dans votre lazy-boy à la maison, c’est sans doute mieux de même. Sinon, renforcissez votre dos et habituez-vous à cette nouvelle position plus logique pour aller chercher toute la puissance dont vous êtes capable. Vous verrez, avec le temps, et pour cela il faut être patient, vous n’en aurez plus de mal de dos. Vous verrez tellement d’amélioration dans votre rendement, qu’il vous fera oublier vos petits malaises. De toute façon, qui ne ressent pas certaines douleurs musculaires après avoir roulé des heures sur sa bécane ?

Les autres aspects que je détecte souvent concernent la gestion de son énergie avec la position des mains, du corps assis ou en danseuse en considérant bien sûr le braquet utilisé par le cycliste selon le terrain auquel il fait face. Cela mes amis, c’est plate à dire, mais cela s’acquiert avec le temps à coups d’essaies et erreurs. Essais et erreurs veut dire prendre des risques et changer son approche par rapport à une difficulté, un type de terrain qui nous effraie…

Une jeune dame de Sherbrooke m’a écrit il y a quelques années pour me demander conseil.

« (…) Bon, alors voilà je m’appelle Jeannette (nom fictif), j’ai 26 ans et je me considère assez bonne cycliste. Je roule depuis 4 ou 5 ans, mais je faisais un peu de jogging avant. Disons que j’ai une assez bonne forme. Je ne suis pas très musculaire, mais je ne suis pas une chicot non plus. Je mesure 5 pieds 4 et pèse 115 lb.

Je roule souvent avec la même gang de filles et même des gars. Je suis assez compétitive et orgueilleuse. Je ne comprends pas pourquoi, mais je suis capable de les tenir tous et toutes sur le plat, même parfois faire plus que ma part lors des relais, mais lorsqu’une bonne côte arrive, je me fais larguer ! J’ai pourtant un bon cardio. J’ai l’impression d’avoir tout essayé. Il y a sans doute quelque chose que je ne comprends pas. Peux-tu m’aider la gazelle ? Je suis désespérée… »

J’ai comme détecté chez cette demoiselle un problème que je rencontre souvent autour de moi, particulièrement chez les filles. Bon encore le macho, le sexiste qui parle. Ah ! Que voulez-vous ? Je persiste à croire que nous les hommes et femmes sommes quelque peu différents au niveau de l’attitude (personnalité) face à l’adversité et cela se traduit aussi dans le sport.

« Les raisons sont nombreuses pour expliquer pareille difficulté de ta part en vélo, malgré l’effort que tu y mets. Les suggestions et recommandations suivantes te sont soumises en vrac ainsi qu’à tous mes lecteurs. À toi de voir si elles s’appliquent à ta réalité: 
  • Le stress, l’insécurité et l’orgueil, les pires ennemies du cycliste de performance. La crainte de ne pas être à la hauteur, devenir nerveux, ne pas être confiant avant même de grimper une côte ou de faire face à toutes autres difficultés grugent énormément d’énergie. Combien ? Je ne saurais te le dire, mais bien en masse pour qu’à elle seule, cette façon d’être te relègue en arrière. Donc, travailler sur sa confiance et se dire que même si on échoue, ce n’est pas plus grave que cela. Si quelqu’un « t’écœure » sur les résultats que tu obtiens, parce que certains cyclistes prétentieux sont aussi méchants avec toi, bien, expulse-le de tes amis (e) pouvant t’accompagner lors d’entraînements. Enfin, tenter de faire un visionnement intérieur de ta montée après ta ride pour tenter de voir ce que tu aurais pu améliorer.
  • Dans la même veine, il y en a toujours des meilleurs que soi. Or, s’ils sont d’âge et de gabarits comparables, s’en inspirer comme modèle. Observe comment ils attaquent une côte. La souplesse ou pas qu’ils adoptent en monté (cadence des tours de manivelle), quand ils changent de braquets (vitesse), etc… il y a des chances que tu découvres des choses que tu ne fais pas comme eux.
  • Bien gérer sa ride. Trop de cyclistes ignorent qu’à des niveaux comparables (gabarit et niveau d’entrainement, CAD avec le même millage), qu’on débute tous une randonnée avec une tank à essence à peu près avec le même niveau d’essence. On sait tous que quelqu’un qui conduit une auto par des accélérations répétées aux lumières, par des dépassements ou des pointes de vitesse élevées, va arriver dans le fond avant l’autre qui fait le contraire. Bien, c’est la même chose en vélo. Si tu en profites pour te mettre en évidence lors des autres moments de la ride (plat, relais face au vent, etc.) parce que tu veux prouver que ta forme est au rendez-vous, à la venue des côtes sur le parcours, il y a des chances que tu ne sois pas à la hauteur, que tu foires, et ce, même si tu avais une meilleure technique et plus de forme, à moins que tu te shootes au beurre de peanuts ou que tu te démarques considérablement de tes amis (e) ce qui ne semble pas être le cas!! Alors, relaxe ma fille, n’en donne pas plus que le client en demande. Personne n’est là pour te juger puisque tu as montré la porte de sortie aux éléments négatifs plus tôt… tu te souviens ? De toute façon, tu te Cali… de ce qu’ils pensent eux autres. Tu sais qu’il y a des difficultés sur ce parcours. Gooddddd!! Alors, organise-toi pour ne pas arriver trop hypothéquée là-dedans. Une victoire à la fois et prends les moyens pour y arriver. Même les professionnels agissent de la sorte !
Ne pas avoir peur d’essayer de nouvelles affaires. Arrêter de vous entêter à demeurer dans le même modèle de réconfort juste parce que dans la littérature cycliste, il est dit à quelque part que la position assise dans une montée est la plus efficace ou celle qui draine le moins d’énergie, contrairement à la danseuse.

Cette approche ne m’a jamais convenu et ce n’est pas parce que je n’ai pas essayé. Je n’ai pas les qualités athlétiques de ceux qui favorisent cette avenue. Je suis comme Jeannette de Sherbrooke, mince et peu musculaire. De plus, je n’ai pas le cardio des athlètes de haut niveau. Je ne peux pas maintenir en montée une cadence de pédalage aussi élevée que mes concurrents. Mon mode de vie passé revient me hanter. Alors instinctivement, je n’ai pas trouvé mieux que d’alterner entre assis et en danseuse dans les longues montées. 

Je me suis avancé auprès de Jeannette en lui dévoilant comment un petit gabarit comme moi s’attaque à une côte selon qu’elle est;

1. De courte distance, de pente douce ou raide; si tu arrives dans ce type de montée suite à une légère descente, exploite ta vitesse pour l’attaquer à un bon rythme sur un pignon en puissance (forte résistance) pour que tu l’achèves en danseuse à l’arraché, ce qui veut dire que tu balances le vélo latéralement en tirant fortement des bras le guidon pour favoriser une plus forte poussée sur les pédales. Il faut maintenir ce rythme et position jusqu’à la fin de la bosse où tu pourras te rassoir RAPIDEMENT en position de course, c’est-à-dire en tirant sur les cocottes du haut du corps, les bras fléchis à 90 degrés pour transférer ton énergie en pleine puissance dans les fessiers et les quadriceps, les talons bas dans chaque poussée de pédale. Idéalement, tu n’as pas à changer de pignon sur cette montée. Tu as choisi le bon braquet avant de monter et tu l’as enduré avec une certaine douleur aux jambes jusqu’à ce que tu rassoies avec un ou deux pignons plus souples… et relancer !

2. De longue distance douce ou raide; rentrer dedans comme dans la courte si tu arrives dedans avec une certaine vitesse, mais cette fois-ci, tu devras tenter de maintenir celle-ci le plus longtemps possible tout en régressant un pignon à la fois. Si cette montée n’est pas trop abrupte, iI est possible que tu puisses demeurer sur le gros plateau, ce qui serait souhaitable s’il t’est possible de le faire. Si jamais une de tes copines décide d’élever la vitesse, un coup de reins de ta part sur la grosse « gear » te permettra de t’en sortir beaucoup mieux que d’être emprisonné sur le petit, le cardio dans le plafond et là, de devoir de revenir sur le gros. Le temps de réfléchir à tout cela et d’opérer cette manœuvre peut te faire perdre contact avec les meneuses. Cependant, par expérience, tu t’es vite aperçu que cette longue montée devra se faire sur le petit plateau. L’enjeu est maintenant de changer du gros au petit plateau au bon moment, un changement bien évalué de ta part pour ne pas revenir trop brusquement en souplesse et te mettre à sautiller dans le vide sur la selle!! Très très mauvais ! Ce changement de plateau au bon moment sur le bon pignon est d’une importance capitale. Tu dois apprendre par expérience (essais et erreurs), selon ta vitesse et l’inclinaison de la pente, à changer de plateau pour tomber sur le bon pignon!! Une erreur à ce moment est encore suffisante pour que tes copines te larguent dès ce moment-là, pendant que tu regarderas en bas sur ta cassette pour comprendre qu’est-ce que tu viens de faire de mal. Trop tard ma belle fille ! Elles sont parties ! Donc, après ce changement de plateau avec succès, les deux mains sur la barre horizontale ou les deux mains bien accrocher sur le devant des cocottes, tu t’installes sur le pignon de ton choix (cadence de 65 à 80 tours de manivelle), tu tires et pousses égale, fluidement, tu respires profondément, tu gardes ton calme malgré des dépassements possibles. L’important est de garder la cadence et la vitesse sans donner de coup. Tout doit se faire en douceur. N’oublie pas que cette montée est longue et que les filles qui viennent de te dépasser vont peut-être tomber en défaillance d’ici peu ! Elles ne pourront pas maintenir cette cadence longtemps si tu es compétitive. Tu souffres et tes jambes te font mal ? Tu te sens ankylosée ? Alors tu mets un pignon de plus en résistance et tu te lèves debout en danseuse sans trop changer le rythme. Pas de brusqueries, souviens-toi ! Grimper en danseuse de la sorte te permet de replacer tes jambes et de stabiliser ta respiration en relevant le tronc et en dégageant les épaules, très important. En temps opportun, tu reviens sur ton pignon plus souple en même temps que tu te rassois pour toujours maintenir cette cadence et vitesse. Tu dois éviter des changements de cadence brusques entre les deux positions. Possible qu’avant la fin de la montée, que tu ais dû changer de vitesse sur un pignon encore plus souple parce que l’inclinaison s’accentue ou parce que la fatigue te gagne. Pas grave, tes jambes t’ont demandé de les épargner un peu… musculairement, tu es en dette probablement et tu ne veux pas souffrir davantage… c’est correct. Par contre, il est important de bien se connaître et d’être en mesure de reculer le seuil de la douleur ! Cela aussi s’apprend par essais et erreurs. Cela veut dire accepter de prendre des risques.....Il est possible aussi qu’avant la fin de cette montée que ce soit le contraire qui arrive. Tu t’es sous-estimée. Wow ! Tu es dans une super de bonne journée. Tu peux te faire mal encore plus. Tes jambes sont bonnes. Tu te sens capable d’en rajouter un autre (pignon) en résistance et de le pousser jusqu’au sommet. D’une façon ou d’une autre, que tu sois revenue plus en souplesse ou plus en force, avant d’arriver en haut, à la distance que tu te le jugeras opportun, tu en rajoutes un ou deux autres pour te lever en danseuse, mais cette fois-ci à l’arraché pour te rassoir vidée sur le radoucissement de la côte. Tout de suite en te rassoyant, tu rétrogrades d’un pignon ou deux, comme à ta position assise que tu étais avant de te soulever. Normal, tu viens de l’achever cette salope avec le plus fort wattage que tu peux pousser. Tu n’as que quelques secondes pour te relancer, c’est-à-dire pour reprendre un bon rythme, pour répondre à une accélération. On reste calme. tu te fais confiance. C’est primordial. Tu réussiras à le faire seulement si tu réussis à reprendre le contrôle de ta respiration et pour ce faire, il faut rapidement que tu remettes de la « gear » plutôt que d’en enlever. C’est souvent le contraire que les gens font. Ils adoptent un braquet trop souple trop longtemps au sommet de la côte croyant que c’est ainsi que leur cœur se rétablira, alors que c’est sur cette cadence trop élevée que tu t’hyper ventiles et que tu t’effoires. Surtout que tu es en état de panique de voir tout le monde se sauver. Ce n’est rien pour aider comme je l’ai déjà mentionné. Dans des conditions optimales, si ta forme est là, tu n’auras besoin que de 10 à 15 secondes pour gérer cette transition et être en mesure de te remettre en marche.

Au début de saison, ces principes s’exécutent sur des pignons plus souples et au fur et à mesure que ton cardio s’améliore et que tes jambes se renforcissent, tu t’apercevras que tu vas passer les mêmes difficultés avec plus d’aisance sur un pignon plus dur. C’est ce que tes copines ont compris lorsqu’elles te larguent et ils se défendent bien de te le dire... crois-moi :-) »

Savez-vous quoi ? C’est pendant la pause hivernale en décembre que Jeannette m’avait écrit pour ces conseils et ce n’est que l’automne suivant qu’elle m’a récrit pour me remercier. Elle m’avait dit avoir beaucoup progressé et qu’elle continuait d’y travailler. Jeannette avait compris que ces habilités ne s’acquièrent pas instantanément. Qu’il faut y travailler et apporter des petits correctifs selon le type de cycliste que nous sommes.

***

(À suivre... dans une semaine)

Coach BOB la gazelle!
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------- _-\ <,'  
Aussi un rouleur!

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Note de l'auteur

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