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jeudi 29 novembre 2018

Le vélo a sauvé ma vie - Chapitre 2

Si vous n'avez pas lu le premier chapitre, suivre ce lien

Chapitre 2.
Le 100 rue Valvue, Loretteville.

Je sais bien trop qu’il faut que je me ressaisisse. J’ai maintenant 31 ans et me revoilà devant rien. Je sais que je vais remonter la pente. J’ai toujours surmonté les difficultés. Je suis orgueilleux, un fighter. Je ne peux pas croire que la vie va prendre le dessus sur moi. Je ne sais pas trop par quel boute m’y prendre, mais je sais qu’il va se passer quelque chose. J’ai confiance. Nouvellement séparé, je dois rapidement me trouver un logement et le penser en fonction de ma nouvelle situation de père monoparental d’une petite fille de 3 ans.


Vieux-Port, 2 ans plus tard
J’ai été en couple avec sa mère un peu moins d’une dizaine d’années. Nous avons été heureux. Lise avait un excellent travail au gouvernement alors que moi je bambochais d’un emploi à l’autre comme spécialiste des gens pokés. Durant toutes ces années, depuis mes premiers emplois comme éducateur en délinquance, je n’ai occupé que des postes d’aidant pour les gens en difficulté. Après les jeunes délinquants, on est venu me chercher pour bâtir des programmes de formation pour les assistés sociaux, ex-détenus, en passant par les femmes victimes de violence. Au travers toutes ces années, j’étais devenu l’intervenant idéal pour personnes en situation de crise! Et là, c’est moi qui avais besoin d’aide!

Heureusement, un couple avec qui nous faisions des loisirs Lise et moi, du temps que nous étions ensemble, m’appelle pour m’offrir de quoi.
«  Dis-moi Robert, Lise nous a dit que tu te cherchais un logement, parait-il? Écoute, nous aurions de quoi à te proposer qui pourrait te rendre service. Sylvie et moi prenons une année sabbatique pour voyager et nous aurions besoin de quelqu’un pour prendre soin de la maison, mais aussi de Bécassine, notre chienne,  de Pépinot notre chat siamois, et de deux tourterelles. On ne te chargerait pas de loyer, car cela nous rendrait un grand service » 
100 rue Valvue, Loretteville, Québec, Canada

Hey!! Vous vous imaginez? Je n’en croyais pas mes yeux. 1 an pour me virer de bord sans loyer à payer. Je n’ai que mon balluchon à trainer et je me retrouve au 100 rue Valvue à Loretteville dans une superbe maison québécoise avec une grande cour arrière avec piscine creusée! Pas une petite piscine cucu hors terre en plastique fragile là. Non, une vraie de vraie en béton avec un plongeoir par-dessus le marché. Nous sommes au printemps 1986, le moment est parfait pour me remettre sur les rails. Toujours pris au désespoir, je fais le tour de mes amis pour leur dire qu’il y a urgence de me trouver un travail. S’ils y en avaient qui trouvaient que je faisais la belle vie, je leur ai expliqué que j’étais plutôt dans marde et que ça me prenait une job au PC[1]. Et cela a porté fruit. Par l’entremise d’un copain d’un autre copain, on me réfère à Informatique Jean Gagné pour une job de vendeur d’ordinateurs et de logiciels informatiques!!! EH! Y avez-vous pensé? Nous sommes en 86 là. Yohoooo, réveillez-vous! Il y a 32 ans de cela! Vous y pensez? Moi, je ne connais absolument, mais absolument rien là-dedans. J’ai un cours en Sciences Sociales rédigé à la main au milieu des années 70 et je n’ai occupé que des jobs, où c’étaient mes talents d’animateur et de psychologue qu’on recherchait! »/$% 

Enfin, quand je me suis présenté à ce monsieur Gagné, à peine plus vieux que moi, style très décontracte à mon entrevue, je lui ai dit :
« Écoute Jean, moi je ne connais rien en informatique. Les cartes, une puce, la mémoire, le board, un main frame etc., je ne connais rien là-dedans moi! Je n’en ai même pas un moi un ordi!
« Pis? Y a rien là Robert, puis, qu’est-ce que tu as à perdre? Dis-moi? »
Je me suis vite aperçu que mon chum Michel qui m’avait référé à lui l’avait assez bien briefé sur mon compte.
« On a ici des techniciens pour faire ce travail Robert. Toi, tu n’as qu’à faire du Cold Call[2], obtenir des rendez-vous, tu présentes nos produits à tes prospects, puis tu fermes la vente. C’est cela la job de vendeur chez nous. Nous, on s’occupe du reste. On répond aux questions que tu ne peux pas répondre chez le client, on l’installe, on le forme et pis c’est bingo ! » Qu’est-ce que t’en dis? »
Vous voulez savoir c’est quoi un bon vendeur, bien c’est convaincre Robert Harmegnies de vendre des ordinateurs sans savoir comment ça marche! 
« OK d’abord je vais essayer, de toute façon au point où j’en suis… »
C’est le boom dans cette industrie à ce moment-là. C’est l’époque où on sort les grosses dactylos électriques avec écran sur bras mécaniques ou encore les premières grosses machines super lentes par les nouveaux PC en métal, vous savez l’ancienne boîte de tôle grise avec les gros moniteurs. Si tu ne veux pas un IBM, un Packer Bell ou n’importe laquelle autre marque de renom, bien on peut te vendre un clone mon homme, vous savez, tous ces ordinateurs sans marque remontés en pièces détachées pour pas cher et tout aussi performants. Nous étions les champions du reconditionnement à Québec.

En temps de le dire, sur une période de 6 mois, je suis devenu l’un des meilleurs vendeurs de la compagnie. Je vidais des bureaux d’avocats et de professionnels et je les remettais tous en neuf avec des logiciels comptables adaptés à leur profession. Je me suis alors aperçu que ma grande gueule d’animateur jumelée à mes talents d’improvisateur acquis en milieu pour personnes défavorisées me servait. Si je me retrouvais en terres inconnues, ce n’était pas long que je dise au client, ne vous inquiétez monsieur, je vais vous revenir avec cela. Et quand ça tombait sur des questions que je connaissais, je répondais du tac au tac avec aisance et si je pouvais, j’en remettais épais sur la beurrée. « Oui monsieur, vous avez de la mémoire en masse dans cette machine-là et soyez assuré que votre secrétaire n’aura plus le temps de s’allumer une cigarette entre deux paragraphes ». Un vrai vendeur quoi!

Ce travail m’a permis de me relancer, mais maudit que j’haïssais ce travail! Je n’avais aucune affinité avec les ordinateurs. Vous savez moi, arriver au bureau le matin, prendre un café avec les autres vendeurs, remplir nos chars de petits dépliants et prospectus de machine, cartes de prix, etc. se saluer pour la journée avant de se revoir en fin d’après-midi pour se chicaner, parce qu’on veut tous passer premier au service d’installation pour nos clients de la journée! Non merci.

J’ai dû donc refaire quelques coups de fil, question d’informer mon entourage que j’étais dû pour autre chose, jusqu’à ce qu’un ancien collègue avec qui j’avais travaillé en réadaptation m’appelle pour me voir. Son but, lorsqu’il m’a demandé d’aller luncher avec lui, était de me refiler sa job dans le domaine de la vente. Il vendait de la publicité pour une maison d’édition, qui réalisait le magazine Inter Canadien à bord de la Compagnie aérienne du même nom. Vous savez ces magazines dans la pochette de votre siège, full couleur sur papier Gloss. Il me dit que c’est très payant, mais qu’il est très gêné d’abandonner son travail, parce qu’il s’était engagé auprès du boss pour y demeurer longtemps.
« Ne t’en fait pas André, si j’ai pu vendre des ordis à des gens qui connaissent cela plus que moi, bien de la publicité dans un magazine va être de la petite bière pour moi, crois-moi. Ne t’en fait pas, ton boss ne regrettera même pas ton départ. Je vais te faire oublier assez vite » lui ai-je dit.
Enfin! Je m’étais trouvé une nouvelle voie! J’étais parvenu avec le temps à enlever mon « sticker » de spécialiste en relation d’aide d’écrit dans le front, par celui de vendeur publicitaire. J’aimais mieux cela que vendeur d’ordinateurs. J’avais l’impression d’avoir upgradé mon standing, progressé socialement.

La nouvelle que je m’étais installé dans une grande maison à Loretteville s’était répandue comme une trainée de poudre, c’est le cas de le dire, je faisais une petite rechute de temps en temps encore, mais plus comme avant. Bon! Après tout, je n’étais pas passé par une maison de désintox, je suis capable de me contrôler moi… non, tout allait pour le mieux selon moi. Sacré Bob, l’attitude du parfait camé !

Je me suis mis à faire des partys BBQ sur le bord de la piscine, mes amis venaient se baigner, ils amenaient de la bière, je leur fournissais le gros gasket à fumer et comme disent les Français, on se marrait. À cette époque, j’avais une grande amie, que j’ai toujours d’ailleurs,  Jocelyne qui faisait du vélo et de la course à pied. Une vraie athlète. En tout cas, par rapport à un gars dans mon genre. Jocelyne était une grande marathonienne. À ses 30 ans, elle pouvait faire une petite pause d’entrainement, fumer quelques cigarettes lors d’une soirée bien arrosée entre amis jusqu’aux petites heures du matin, puis reprendre l’entrainement les jours suivants et gagner le marathon d’Ottawa ou de Boston dans sa catégorie d'âge par la suite. Après les Hélène Rochefort, Odette Lapierre de cette époque, qui performaient au niveau international, c’est Jocelyne qui rentrait en arrière d’elles sur le 10 kilomètres de l’université Laval par exemple.

Podium Chicago 2012
Marathon de Montréal 1982

Comme tous les athlètes de haut niveau, elle avait cette capacité d’endurer la douleur. Elle avait du chien la petite. Les quelques fois que je suis allé la voir, c’est ce qui m’impressionnait le plus chez elle, alors que tout le monde criait après pour l’encourager, elle passait sous nos yeux, le regard hagard, crispé de douleur, dans ses derniers retranchements pour s’envoler avec la victoire ou avec une bonne position over all. Elle était comme un modèle de détermination pour moi. Franchement, elle m’impressionnait. Je me souviendrai toujours à nos débuts à l’université, alors que moi, j’avais continué à brûler la vie par les deux bouts au CÉGEP, à courir après les filles de techniques infirmières, Jocelyne, que j’avais connue CÉGEP aussi, avait poursuivi  sa petite routine d’athlète. On s’était croisé dans les corridors du Peps[3] et elle m’avait dit;
« Hey Bob pourquoi ne viendrais-tu pas courir avec moi un peu le soir après les cours? Je cours un ptit 5 à 7 kilos comme cela en fin d’après-midi pour garder la forme. C’est tellement le fun l’hiver. L’air est frais. On prend l’air. Cela te ferait du bien, je te trouve vert un peu »!!
Jocelyne est une fille colorée de la Baie-Des-Chaleurs. Vous savez ces Gaspésiennes, comme toutes ses amies qui venaient de ce coin-là, avaient toutes un sacré sens de l’humour, croyez-moi… Non seulement drôle, mais sarcastique pour ne pas dire baveux! Je le sais que c’est de l’amour ce genre de taquineries. C’est d’ailleurs ma marque de commerce. C’est probablement pourquoi nous nous entendions si bien elle et moi. Elle m’avait piqué au vif la petite maudite! 
« Hey hey fais attention ma fille, quand j’étais au début secondaire, ton ptit Bob chérie tout vert que je suis était l’un des meilleurs coureurs sur le 400M! Savais-tu cela? »
« Ah oui ! Et bien si tu as déjà eu du chien de même mon ptit Bob, elle m’appelait toujours comme cela « mon ptit Bob » comme si j’étais son petit frère ou un ignorant en la matière, bin y est temps de te remettre en marche mon Bob, parce que ce n’est surtout pas à cela que tu ressembles aujourd’hui. Allez déniaise, je vais t’en faire baver un coup! Hummmm laisse-moi voir mon horaire dit-elle en sortant son agenda de son sac à dos, je suis ici les lundis, mercredis et jeudis à 17h, stu correct pour toi?» 
Estie, dans le temps de le dire, je suis passé le lendemain m’acheter une paire d’espadrilles Adidas et un survêtement Adidas bleu de jogging avec une ligne blanche sur le côté, vous vous souvenez de ces survêtements de sport? J’avais l’air des Marocains ou des Africains qui frayaient dans les corridors du PEPS. Tu sais, le jeune de famille riche, qui a reçu une super de bourse de son pays ou de sa famille aristocrate, et qui a un budget no limits! Et il n’était pas un sportif pour 2¢ à part cela. C’était la mode de ces importés à l’époque.

Je me suis donné une couple de soirs pour reprendre le feeling de ma foulée d’antan et je me suis pointé un soir au PEPS à l’heure qu’elle m’avait fixer pour la rencontrer. Wow !!! Quelle sensation que de courir après une fille que tu peines à rattraper. Je n’avais jamais connu cela. Non, mais blague à part, si je me pointais à sa hauteur, elle faisait toujours exprès pour accélérer une petite affaire. Lorsqu’elle m’entendait souffler et souffrir comme un damné, juste avant que le cœur me lève, elle ralentissait une petite affaire pour me permettre de reprendre mon souffle. Je ne me souviens plus combien de temps cela a duré, une partie de l’hiver je crois bien. J’avais réussi à lui tenir tête, même que c’était elle en dernier qui m’appelait pour que je la pousse au max. Jocelyne et moi pouvions courir un dix, placoter ensemble tout en courant, et se relancer à qui mieux mieux sans que j’en souffre. Voyez-vous quand je m’y mets? Malgré la vie tumultueuse que je menais, j’étais demeuré dans ma tête le jeune combatif que j’avais toujours été. J’avais appris à surmonter les épreuves, à faire face à l’adversité, mon instinct de survie, mon orgueil et fierté m’ont toujours bien servi. Je dirais que je prends même plaisir à lancer des défis aux autres et à me mettre dans le pétrin moi-même avec ma grande gueule. Moi aussi, j’étais capable de souffrir pour être à la hauteur.

Mais bon, quand les beaux jours d’été sont arrivés avec l’appel des terrasses et les invitations de mes chums à aller faire la fête, je me suis éloigné du Jogging. On passe à autre chose.Tout se passe sur un coup de tête parfois. À mon retour d’Amérique du Sud par exemple, une couple d’années après ma période jogging, j’ai rencontré Luis un délinquant brésilien, qui s’était exilé au Québec et que j’adorais, quel chic type. Nous nous rencontrions le soir dans des ptits bars louches de Québec, il avait toujours une couple de grandes filles autour de lui, il trafiquait, il était sur l’aide sociale,  allait à l’école à temps partiel, recevait une subvention pour participer à des clubs de recherche d’emplois, dont j’avais moi-même monté les programmes, et roulait en voiture avec une plaque volée. Il me disait parfois « WOW Bob, mais quel beau pays dans lequel tu vis, je n’en reviens pas la vie qu’on peut mener ici »! Lui, il avait compris l’affaire.
« Pourquoi ne viendrais-tu pas dribler le ballon avec moi et mes amis sud-américains sur les plaines?"
Et comme je revenais tout juste du Brésil et que le foot est une religion là-bas, je m’étais dit, faut pas que je manque cela! J’avais joué souvent au foot avec les gars sur les plages de Rio. Non, mais tu parles d’un beau défi à relever encore. Sur un autre coup de tête, j’étais passé par une boutique de sport m’acheter des souliers à crampons et des jambières. On se faisait un malin plaisir d’écœurer les Asiatiques et Africains avec qui on donnait rendez-vous sur les Plaines tous les mercredis soir en arrière de l’hôtel Le Concorde. Cré Luis, il n’avait pas d’égal pour s’excuser après avoir fauché un joueur avec un coup de pied carré sur le tibia!! Les deux bras en l’air faisant signe qu’il n’avait pas fait exprès ou qu’il ne comprenait absolument rien en disant n’importe quoi en brésilien. J’en pissais dans mes culottes lorsque je le voyais faire tous ses manèges. Alors voyez-vous, j’ai réussi à tenir mon bout et à contribuer aux guerres de tranchées que nous nous livrions. Un peu comme au Hockey, je mettais à profit ma force d’accélération pour aller chercher les longues balles à l’avant pour les botter en avant du but. N’importe où, cela n’avait pas d’importance, j’avais toujours un mec beaucoup plus habile que moi pour la récupérer et provoquer quelque chose.

Encore là, je ne sais pas pourquoi, mais il était important pour moi que je prouve que j’étais capable de rivaliser avec des joueurs dont le foot était leur sport national, comme si un Brésilien débarquait sur une patinoire extérieure en plein février et se mettait à virevolter sur lui-même pour déjouer un défenseur. Non pour qui se prend-il lui? Bien, voyez-vous, c’est à peu près à cela que j’avais l’air moi! J’aimais être sous les projecteurs et relever ce genre de défi. Et savez-vous pourquoi? Parce que je n’ai pas peur de l’échec. Si cela arrive, soit! Mais on ne pourra pas m’accuser en tout cas de ne pas avoir essayé. Et comme personne n’ose se lancer dans pareilles aventures, bien personne ne m’écœure, quoiqu’il arrive. Alors, mangez de la marde!

J’étais sur le bord de la piscine un beau samedi et j’attendais impatiemment Jocelyne et quelques-uns de ses amis qui venaient me rendre visite. Ils arrivaient avec leur vélo sur le top du char. Je demeurais, semble-t-il, en plein territoire pour les cyclistes qui se prennent au sérieux. Ils arrivaient vers 10h le matin et ne revenaient pas avant les 2 ou 3 heures en après-midi. Pendant ce temps-là, je me prélassais sur le bord de la piscine en prenant une petite bière tout en grillant une bonne Belvédère. La grosse vie quoi! Ils revenaient, ils se tiraient dans la piscine, se contaient quelques blagues que je ne saisissais pas, puis après une couple de bières…
« Bon bien c’est beau Bob, on doit s’en aller tu sais, cela a été super le fun, on se revoit quand? Peut-on revenir samedi prochain, c’est tellement le fun ici? Tu demeures dans une place extraordinaire, franchement.
« Biiiinnn, bien oui, bien sûr, vous êtes chez vous ici. Appelez-moi d’avance pour me dire quand vous arrivez, puis je vais m’arranger pour être là ».
Il y avait quelque chose qui clochait dans ce programme. Plus j’y pensais, plus je me disais, Robert, tu ne te mettras quand même pas à faire du beucycle. C’est quoi sthistoire-là? C’est un sport de fif cela le vélo! Pourtant, Denis m’avait dit « tu sais Robert, il y a en bas dans cave des raquettes, des skis de fond, un vélo, si tu veux, ne te gêne pas. T’as juste à en faire attention. »

Un soir dans la semaine, j’ai décidé d’y descendre, question de voir quelle sorte de vélo Denis avait par rapport aux vélos que Jocelyne et ses amis avaient. Elle avait un beau Poliquin en aluminium ma Gaspésienne. Quoi! Vous ne connaissez pas cette marque? À cette époque, la boutique Poliquin à Québec était probablement  LE magasin de vélo. Vous vous imaginez, ils avaient une marque de vélo à leur nom et c’en étaient de très bons. Bien, j’ai fini par le savoir seulement un peu plus tard, mais bon…elle avait un Poliquin!

Denis, mon proprio, et sa femme étaient des grands voyageurs. Ils faisaient du cyclotourisme partout dans le monde. Il avait, lui, un Mikado. Je n’ai su qu’un peu plus tard, que c’était vraiment l’un des meilleurs vélos de cyclotourisme sur le marché. Il y a beaucoup de choses que je n’ai apprises que beaucoup plus tard, voyez-vous. Il était beaucoup plus lourd que les vélos de mes amis, il avait même des supports à bagage sur le côté, que j’ai fini par enlever. Du moment que ça avait deux roues. Rien à mon épreuve. J’ignorais totalement dans quelle aventure je me lançais avec ce tank! On pouvait l’utiliser avec des souliers rigides ou en espadrille. Il avait des étriers aux pédales.

Une couple de semaines s’étaient écoulées depuis sa dernière visite. Au moment que je passais l’aspirateur dans la piscine un samedi matin, mais qui vois-je arriver? Ma Jocelyne qui rebondit avec son vélo sur sa voiture.
« Eh! Salut toi, comment cela ne m’as-tu pas appelé avant pour me dire que tu t’en venais? »
« J’étais certaine que tu serais ici mon tit Bob. Puis je me suis dit que même si tu n’y étais pas, je me serais stationné pareil chez vous pour aller faire du vélo. On se serait peut-être vu plus tard. Puis quoi de neuf? »
«  Rien de spécial, je travaille, je m’occupe de Bécassine qui m’aime bien, du chat qui me menace de ses crocs si je ne le laisse pas sortir, non rien de bin spécial »
« De valeur que tu n’aies pas un bike Robert, tu pourrais venir avec moi au lieu de rester planté là. Je te verrais bien faire du vélo, moi ».
« Du vélo! C’est un sport de fif cela! »
«  Ahhhh, tu ne sais pas de quoi tu parles Robert C’est exigeant tu sais le vélo. C’est comme le jogging que nous faisions ensemble. En passant en fais-tu encore un peu?
« Nonnn, mais es-tu folle, je n’ai même plus d’espadrilles. La dernière fois que j’ai courue, remonte sans doute à l’époque qu’on était ensemble à l’université, ça fait que… »
« C’est poche cela. Tu devrais arrêter de fumer puis te prendre en mains.
« Ah j’en ai un vélo tu sais si je veux. Denis, le gars à qui appartient la maison, en a un en bas dans cave et il m’a dit que je pouvais le prendre si je voulais.
"Ah bin batinse mon tit Bob, sort moi ce vélo-là que je le vois!! Je t’attends pis on part ensemble!"
«  Bin nonnn. Je n’ai rien à mettre moi pour faire du vélo à part cela ».
« Ah ce n’est pas grave, je vois que tu as un bon siège là-dessus. Mets-toi en culotte courte, puis un T-shirt, ça va faire, envoyyyy m’a te faire suer comme dans le bon vieux temps»
Ciboire me suis-je dit intérieurement. Dans quoi est-elle en train de m’embarquer? Quelques minutes plus tard après que je me fus changé…
« Bon! Par où part-on ? Où veux-tu aller? »  Lui dis-je.
« On va monter Valvue un peu plus haut en face de chez vous, on va passer dans le village Huron, puis on va aller rejoindre le Boul. Valcartier. Après on verra selon comment tu vas te sentir, ça te va?
« Bin je ne sais pas trop, mais allons-y! »
Denis était un type un peu plus petit que moi. Jocelyne m’avait suggéré de remonter un peu le siège avant de partir. Elle connaissait cela la fille. C’est le seul ajustement que nous pouvions faire de toute façon m’a-t-elle dit. En remontant la rue pour se diriger vers le Boulevard Valcartier, je découvrais lentement le fonctionnement des freins, puis des deux petites manettes de changement de vitesse au cadre. Washhhh pas évident changer de vitesse tout en regardant en avant pour savoir où on va…Clic clic, je m’amusais à changer de vitesse, et à expérimenter quelques accélérations question de voir comment le vélo se comporterait ou si j’étais pour demeurer bien assis dessus. J’avais l’impression de monter une bête sauvage comme dans un rodéo.

Non, mais blague à part, je ne suis quand même pas un néophyte sur un vélo. Jeune, je dirais que moi et mes amis avions fait du BMX ou du Mountain bike bien avant que cela existe. On s’était fait une trail  de course avec des jumps et toutes sortes de modules dans un terrain vague près de chez moi. On était une gang de tits culs qui roulaient tous sur des 14 pouces, pignons fixes. Bin oui on n’avait pas de vitesses là-dessus. Il n’y a rien qu’on ne faisait pas avec nos bicyclettes.

Jocelyne me regardait de côté ou de l’arrière pour me donner quelques petits conseils. Elle était une fille assez cardio, alors  elle moulinait à forte cadence. C’est d’ailleurs le premier conseil qu’elle m’avait donné.
« Ne roule pas trop dur Robert, donne-toi une chance, pédale en masse. C’est ça le principe du vélo. Pédaler plus souplement pour s’épargner les jambes et solliciter son cardio pour en venir à être capable de pédaler rondement sans s’essouffler. Quand tu en feras beaucoup, tu comprendras ce que je veux dire, ne t’en fais pas ».
Elle est bonne elle, je n’avais rien compris de ce qu’elle venait de me dire. Nous étions enfin arrivés sur le boulevard Valcartier. Il y avait moins de trafic. C’était plus au nord de chez moi, une petite route de campagne tranquille à cette époque. Cela a permis à Jocelyne de mieux me conseiller.
« Tu vas prendre ma roue et tu vas essayer de me suivre, mais fais attention de me rentrer dedans, sinon c’est toi qui risques de te ramasser à terre »
« Kossé que tu veux dire par prendre ta roue? Pis fais attention de ne pas te rentrer dedans? Cela me surprendrait, j’ai essayé souvent de te rentrer dedans et tu n’as jamais voulu! »
« Arrête de faire ton innocent là, parce que je vais te déposer »
« Hein! Ça va faire les expressions que je ne comprends pas, que veux-tu dire par me déposer? Parle-moi donc d’une façon que je comprenne maudit! »
C’est évident que je faisais mon innocent. J’ai toujours fait mon innocent ou mon colon avec les filles. Si elles ne sont pas capables de surmonter mes farces vulgaires, grivoises, bien elles ne sont tout simplement pas faites pour moi. Et comme Jocelyne me connaissait depuis fort longtemps, c’est qu’elle avait passé le test, alors je pouvais me laisser aller au naturel comme je voulais avec elle.

Jocelyne avait augmenté la cadence, c’est-à-dire autant la vitesse que son rythme de pédalage.  J’essayais de faire pareil et de ne pas trop m’éloigner d’elle. Impossible de pédaler à sa vitesse, elle va beaucoup trop vite. J’avais le souffle court et je me suis mis à suffoquer.
« Un instant Jocelyne donne-moi une chance Ciboirrrrrr. Je suis un gros fumeur moi! J’ai l’impression que mes poumons vont exploser calvaire!! »
Jocelyne a été une fille très compréhensive. Elle roula plus lentement et à chaque fois que je ne pouvais plus la suivre je lui criais Wohh et elle ralentissait un peu. Le pire fut une christ de côte à monter lorsque nous sommes virés de bord pour revenir de l’autre côté de la rivière après un pont. Je ne savais plus sur quelle vitesse me mettre, ça marchait pu, mais pu pantoute, j’étais essoufflé, j’avais seulement le goût de débarquer, mais il n’était pas question que cela arrive. Hey, vous vous imaginez? Moi, abandonner alors que je veux prouver que je suis capable, non, mais vous êtes fous?

Revenu à la maison, j’étais claqué. Nous avions fait quoi, bof, une bonne trentaine de kilos. Je me suis tiré dans la piscine sans même me changer et Jocelyne aussi avec son attirail de cycliste. Ça ressemble à un costume de bain de toute façon ses petites camisoles de vélo.
« Robert, tu as très bien fait cela. Franchement là, tu m’as épaté comme tu as toujours réussi à le faire de toute façon, j’en attendais pas moins de toi. »
« Quoi! Que veux-tu dire là ? 
« Non non Robert je suis très sérieuse. On a fait cela à une moyenne pas si pire, puis tu es revenu vivant, c’est toujours bien cela de fait. La prochaine fois, cela va aller mieux tu vas voir. Tu n’es quand même pas pour devenir champion du monde après une première sortie. Tu es vraiment chanceux d’avoir ce vélo prêté par ton chum ».
La semaine d’après, j’ai décidé de slaquer la cigarette. Je n’ai pas arrêté totalement, mais presque. Dans les faits, je n’ai gardé que celles après les repas. Cela me tentait de voir si je n’aurais pas plus de souffle après avoir diminué la cigarette.

J’suis retourné comme deux fois me pratiquer sur le boulevard Valcartier  dans la semaine. Je me rendais presqu’à la base militaire de Valcartier et je faisais demi-tour. Je mettais en pratique les quelques conseils qu’elle m’avait donnés. C’est drôle, j’avais nettement l’impression de m’améliorer après une couple de sorties. Je n’avais pas d’odomètre pour me le confirmer, mais je me sentais d’attaque pour ma prochaine sortie avec elle et ses amis.

J’ai même eu le temps de me préparer encore plus, parce qu’elle n’est pas revenue avant un bon deux semaines, mais cette fois-ci avec ses copines de l’autre jour et une couple d’autres gars. 
Je m’en vais les rejoindre dans mon stationnement pour les accueillir. Je me fais présenter par Jocelyne et sans hésitation, elle m’interpelle en me disant 
« Eh Robert, est-ce que tu viens avec nous autres aujourd’hui ? »
« Bien, écoute ce n’est pas l’envie qui manque. Par contre, je ne suis pas sûr de pouvoir vous suivre. Je vais plutôt partir de mon bord comme un grand garçon. Puis, vous risquez d’en faire beaucoup plus longtemps que ce que je serai capable d’en faire ».
Je commençais déjà, sans m’en rendre compte, à prendre les mauvais plis du cycliste. Se trouver toujours une excuse avant même de partir pour se justifier de ne pas être à la hauteur. Dans mon cas, ce n’était pas du tout pour cela. C’était plutôt pour l’inverse. Leur faire accroire qu’il me sera impossible des suivre pour qu’ils soient plutôt impressionnés de mes performances imprévisibles, vous me suivez?
« C’est quoi le trajet qu’on fait aujourd’hui les amis » dit Jocelyne en s’adressant à ses amis?
« Bien, on est venu ici pour faire les Équerres en revenant par le Lac Saint-Charles non ? »
« Bien sûr…Regarde Robert change toi, va te préparer et on va tous partir ensemble, puis quand nous serons rendus au pont où nous nous sommes déjà rendus toi et moi, tu décideras de ce que tu veux faire. Poursuivre avec nous autres ou revenir ici. Tu connais le chemin de toute façon? »
 Elle est drôle elle, comme si elle était certaine que j’étais pour abandonner au pont!! 
«  Bon! Ok ça me va »
Je m’empresse d’aller me changer. J’avais déniché dans les affaires à Denis un cuissard qui devait être trop petit pour lui. Je prépare mes bouteilles et me revoilà à l’extérieur. Je me sentais vraiment nerveux, inquiet face à ce que je me préparais à faire. Il y avait longtemps que je ne m’étais pas senti de même. Cela remontait aux moments que je faisais de la compétition de course à pied au Collège, ou quand j’étais ti-cul à une finale de tournois de hockey, lorsque j‘étais gardien de but. On était tous habillés assis dans la salle des joueurs, prêts à aller sur la patinoire pour jouer notre match, nous attendions que la cloche ou le préposé du vestiaire dise  "OK les boys, c’est à votre tour". Lors de ce moment d’attente, je ne pouvais m’empêcher de penser que si je faisais une erreur, que j’étais le dernier à devoir n’en faire une. Cela me stressait au boutt, mais je réussissais à chaque fois à reprendre mon calme après quelques tirs et à performer au meilleur de mes capacités. Pourquoi il n’en serait pas encore ainsi aujourd’hui?
« OK tout le monde est prêt? Allons-y lentement pour se réchauffer. Cela va permettre à Bob de s’acclimater, de se réchauffer ».
Nous n’étions même pas arrivés à la rue de La faune qui se rend au Boul. Valcartier, que je me sentais déjà en danger. Ils étaient tous assis, placotaient entre eux. Tout leur semblait si facile. Je les voyais pédaler avec tellement d’aisance pendant que moi, j’étais déjà à court de souffle et cela me rendait encore plus nerveux. Quand j’ai vu que je n’y arriverais pas, je ne leur ai même pas demandé de m’attendre. Jocelyne s’en était aperçu faut croire, puisqu’elle était revenue sur moi pour me parler.

Sans hésiter, je lui ai dit de continuer sans moi. Que cela ne me dérangeait pas. Qu’on se reverrait tout à l’heure sur le bord de la piscine.
« Tu es certain Robert? Je peux leur parler, tu sais? » Je peux leur demander de ralentir.
« Non non c’est correct je te dis. Je vais faire la même ride que l’autre jour. Allez, on se revoit tantôt ».
J’avais menti. J’aurais tellement souhaité être capable de faire un plus grand bout avec eux, mais je ne voulais pas être un boulet et leur gâcher leur sortie. Il était clair que je ne pouvais pas suivre. Je venais d’être meurtri  dans mon orgueil. Je sacrais contre moi intérieurement. Compétitif de nature comme je suis, je n’avais vu aucune autre possibilité. J’ai voulu me protéger. Cela ne me tentait pas du tout d’avoir à me justifier en inventant toutes sortes de raisons de mon échec. Je suis très exigent envers moi-même vous savez, alors bullshiter le monde ne me dit rien. Je ne suis pas à la hauteur c’est tout! Je suis un pas bon, voilà!
***
(À suivre...dans une semaine )


Coach BOB la gazelle!
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Aussi un rouleur!

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[1] Expression jouale Québécoise qui veut dire au Plus Christ (PC) ce qui veut dire plus que rapidement.
[2] De la sollicitation par téléphone, pour vérifier le besoin du client et tenter d’avoir un rendez-vous.
[3] Pavillon d’éducation physique et des sports (PEPS)

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Note de l'auteur

"J’aurais certainement souhaité écrire un livre en bonne et due forme et le vendre en librairie. Alors, si je vous ai fait sourire, distrait, passer du bon moment, pourquoi ne pas m’exprimer votre reconnaissance, si ce n'est pas déjà fait, par un don en appuyant sur le bouton « Faire un don » dans le menu en haut de la page à droite."

vendredi 23 novembre 2018

Le vélo a sauvé ma vie


Le vélo a sauvé ma vie
Robert Harmegnies
Robert Harmegnies, l'auteur.

Robert Harmegnies n’est pas un écrivain et ne prétend pas l’être. Il ne s’était jamais aventuré plus loin dans l’écriture que pour raconter ses histoires souvent rocambolesques sur son blogue « Rouler à Québec », qui est une façon pour lui de se rapprocher de ses amis(e) cyclistes. Au fil du temps, une relation s’est établie avec eux. Un personnage est aussi né, « Coach Bob la gazelle » dont les histoires et récits ont souvent débordé les frontières du Québec.


Le vélo a sauvé ma vie est son histoire racontée sans prétention, avec la prose qu’on lui connait, et imprégnée de l’accent et du langage typiquement québécois. Ce récit de sa vie et de ses incongruités est également un prétexte pour Coach Bob la gazelle de vous livrer quelques-uns de ses précieux conseils sur la pratique sportive du vélo. Un témoignage de confiance en la vie pour ceux qui doutent parfois d’eux-mêmes. Rien n'est fini tant qu'on n'a pas traversé le fil d'arrivée.

Délivrons-nous du mal et du péché!

Merci et bonne lecture.
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Le vélo a sauvé ma vie

Chapitre 1
Jeunesse faut qu'elle se fasse

Je n’ai jamais été premier de classe et encore moins le meilleur scoreur de mon équipe de hockey lorsque j’étais tout jeune. Par contre, je pouvais connaitre beaucoup de succès ailleurs. Je me souviens de ma maitresse de première année qui me prenait par le cou, me serrant contre elle, j’avais le nez enfoncé dans sa poitrine, étouffant quasiment, qui me disait » ah toi mon beau ptit Robert que je t’aime donc »! J’avoue, cela me faisait du bien. Je suis bien content d’avoir vécu à cette époque. Aujourd’hui, elle se serait faite accusée en justice pour mal intentionnée envers un mineur et il est certain que je n’aurais pas connu ces doux moments de bonheur et de réconfort. 

Je suis issu d’un milieu sain. Je suis vraiment reconnaissant envers la vie de m’avoir catapulté dans une aussi bonne famille que la mienne. Nous n’étions pas les plus riches, mais nous n’étions pas les plus pauvres non plus. Je dirais de la classe sociale moyenne supérieure. On vivait dans une grande maison dans le quartier saint Sacrement de la haute ville de Québec. J’ai passé plusieurs étapes importantes de ma vie dans cette paroisse. J’y ai appris la combativité, la discipline dans le sport, je m’y suis battu pour la première fois, ai fait mon premier larcin, m’y suis saoulé la gueule très souvent pour en être malade et j’y ai frenché ma première fille. À vrai dire, je n’ai jamais été attiré par les ptits garçons. Pourquoi ai-je dit « ma première fille »? Parce que, voyez-vous, elle n’était pas ma blonde. Non pas que je ne voulais pas, ohhhhh que non, mais elle faisait partie de celles qui n’ont pu s’empêcher de m’embrasser juste pour le fun… Elle voulait rendre jaloux celui de son cœur, parait-il. C’est ce qu’elle m’avait dit en tout cas. Non vous vous imaginez comment je me suis senti? Tu sais,  à 35 ans, on s’en fout-tu qu’une fille veuille t’embrasser pour le fun! Cela peut même faire ton affaire, allez next! Elle ne veut pas de moi? Bien fuck! C’est elle la pire. Mais à cet âge-là, on ne comprend pas tout à fait la complexité des sentiments amoureux. Quand on est jeune, on est comme le centre de l’univers, alors on se sent trahi. Puis en plus à 15 ans, en pleine puberté, quand ton affaire est bin dure sans que t’aies eu à y toucher, omnibulé par tes fantasmes qu’un jour, une fille entrera sa main dans ta culotte, oufff pas facile tout cela. Non! Pas facile.

Alors voyez-vous? Comme je vous ai dit tantôt, toujours le 2e! De toute façon, je n’ai été que très très rarement le meilleur. À l’école pour mes notes, au ballon prisonnier, dans les sports, avec ma gang de chums, et aussi loin que je me souvienne, je n’ai jamais été la vedette ou le meilleur. Par contre, j’ai toujours été un rouage important dans les succès des équipes dont je faisais partie. Je me souviendrai toujours, alors que j’étais gardien de but dans les petites ligues de hockey mineur, toujours dans le quartier St-Sacrement de mon enfance, dans le calibre « A », j’arrêtais tout. Un mélange à la Ken Dryden et de Glen Hall pour se tenir debout et pour le style papillon. Il m’arrivait souvent de me coucher de tout mon long la jambe en l’air pour arrêter un lancer dans la corniche du bout de mes jambières, sans même m’en apercevoir! J’avais le gout du spectacle voyez-vous. J’avais aussi l’une des meilleures mitaines de la ligue. Je rêvais tellement d’être repêché par les Castors de Québec (AA) à l’époque, le club représentant la ville de Québec au fameux tournoi Peewee, que lorsqu’on m’a laissé de côté au repêchage pour un autre que je connaissais,  beaucoup plus drabe que moi, j’en ai ragé. Ce n’est que beaucoup plus tard, que j’ai compris que mon côté olé olé, du petit malcommode, indiscipliné, m’avait valu cette mauvaise note. Ce fut le premier échec de ma vie, parce que jusqu’à ce jour, bien honnêtement, j’avais toujours obtenu tout ce que je voulais. L’année d’après, je me suis dit « fuck man», ils ne veulent pas de toi, ta carrière est finie dans les buts, bien je vais monter à l’avant d’abord! Depuis l’âge de six ans, que je tricotais avec la rondelle tous les soirs sur la patinoire des sœurs du collège en arrière de chez moi avec mes chums après nos devoirs d’école. Fouetté, aigri, en beau Cal..à cause de cet échec, je courais après tout ce qui bougeait sur la patinoire sur le 4e trio de mon équipe. J’étais un « grinder ». Vous savez, celui qui doit aller dans les coins pour s’emparer du puck comme disait mon père pour la refiler à son centre pour qu’il la mette dans le net! Si le club adverse voulait faire un exemple de rudesse pour secouer ses troupes, bien c’est à moi qu’il s’en prenait. Je faisais assez de marde sur la patinoire, j’écœurais assez le peuple, et gros comme j’étais, je devenais la cible des plus forts. Je n’ai pas eu le choix. J’ai dû apprendre à jeter les gants, puis à me protéger de l’agresseur jusqu’à ce que l’arbitre intervienne. Cimonac que j’avais hâte qu’il arrive celui-là des fois. C’est à partir de ce moment-là que j’ai compris qu’il n’y avait rien de facile dans la vie. C’est également au travers ces expériences-là que je prends conscience aujourd’hui combien elles ont été utiles pour moi dans la vie pour me sortir du pétrin, pour ne pas me décourager lorsque je fais face à des difficultés. C’est d’ailleurs le problème de beaucoup de jeunes aujourd’hui je dirais. Ils l’ont tellement facile, leur mouman les protègent ou les excusent tellement de tous leurs gestes, que lorsqu’ils sont à terre, ils ne sont plus capables de se relever seuls. C’est la faute des autres bien sûr, mais bon, c’est une autre histoire…

Quelques années plus tard, ma mère m’a forcé à entrer au Collège des Jésuites. J’avais une douzaine d’années, je crois bien. Mon grand frère Claude, le plus vieux, y était passé, avait donné l’exemple, donc fallait que j’y aille. J’avoue que cela m’avait pas mal écœuré de perdre tous mes chums de la petite école. 
Le petit dernier à droite en bas
Heureusement que je fus séduit par mon prof d’éducation physique, Jacques Roy, un dur de dure, la vieille méthode envers ses élèves. Il avait le tour de nous motiver dans les sports et d’aller chercher en nous le désir de vaincre. Je me rappellerai toujours d’un type, qui s’était fait tirer un ballon de basket par lui dans le dos, parce qu’il me reprochait d’avoir fait un mauvais jeu lors d’un entrainement! « Hey le grand!! Tu laisses Harmegnies tranquille compris! » Je ne sais pas si vous le savez, mais recevoir un  ballon de basket dans le dos lorsque t’es un tit cul de 12 ans, ça te secoue le pommier pas à peu près. Aujourd’hui, un prof ferait cela, il serait mis dehors sur-le-champ, ferait le front page du journal le lendemain, puis les parents le poursuivraient en justice pour séquelles mentales à leur pôvre tit loup! J’avoue que je fais partie de la génération qu’une bonne baffe en arrière de la tête ne faisait pas de tort. Et Dieu sait combien nous en avons reçues chez nous par le bonhomme, oups excusez, mon père je voulais dire. Il allait chez Canac-Marquis à l’époque et achetait les règles en bois d’une verge les plus secs qu’il pouvait trouver dans le magasin. Quand le vendeur le voyait fouiller dans le tas, il s’approchait et disait…

« Je peux vous aider, monsieur? Je vous suggère de prendre celles-ci, celles que vous avez entre les mains ont un peu d’âges… Je crois qu’elles sont un peu sèches, laissez-moi voir ailleurs…»
« Non non », disait-il en me faisant un petit sourire,  je vais toutes les prendre monsieur!!"

Il les remisait toutes debout contre le mur en arrière du calorifère de la cuisine à la maison. Vous savez ces vieux calorifères en fonte à eau chaude. Si je faisais une gaffe, si je disais que le repas de maman n’était pas bon, qu’il apprenait que j’avais fait tomber une lampe en courant dans la maison, bien il s’en attrapait une rapidement pour me courir après et me la casser dans le dos. Il y avait 15 marches d’escalier pour monter au 2e plancher vers ma chambre. Si je pouvais arriver au pied de l’escalier avant qu’il m’attrape, je pouvais m’en tirer. Si je me souviens bien, je montais l’escalier en trois enjambées! Lui aussi il aurait pu aller en prison pour maltraitance envers les enfants si la loi 24[1] avait existé.

Enfin, revenons à mon prof d’éduc. Je peux vous dire qu’après cet événement du tir du ballon dans le dos, les consignes de jeux pour chacun étaient claires et surtout respectées. Sous ses ordres, nous avions gagné l’inter collégial au Basket, j’avais mené mon équipe de gouret de salon en final, puis j’étais le meilleur coureur de Track & Field au 400 mètres des 8e années aux finales collégiales contre le Séminaire de Québec. Il y avait cependant une ombre au tableau. J’étais très indiscipliné à l’école et en raison de mes comportements déplacés, je me retrouvais un peu trop souvent en pénitence sur la piste de course à ramasser les samedis matin les cailloux trop gros pour les souliers à crampons. Ce qui devait arriver arriva, lorsque ma mère fut convoquée en fin d’année pour se faire dire que son jeune se faisait sacrer dehors à cause qu’il n’avait pas obtenu la note de passage avec un 58 %!
« Votre jeune est un peu trop vieux pour ses petits amis vous savez Mme Harmegnies »
Une façon polie de lui dire que je parlais trop de cul, de petites culottes de tites filles, pis de saloperies avec mes chums de classe… de bonne famille. Je m’imagine encore un de mes amis trop "straight" parler de masturbation à ses parents à la maison.
"Mais mondou où as-tu appris ces cochonneries-là François?
"Ah, maman c’est Robert Harmegnies, il est assez drôle ce gars-là!!!" 
Mon prof d’éduc avait vainement tenté de faire changer la décision, compte tenu de mes prouesses sportives pour le collège, mais j’avais trop fait de frasques à l’école. Le directeur était bien trop content d’avoir enfin trouvé une bonne raison pour se débarrasser de moi!

Je dirais que c’est à partir de ce moment-là que ma vie est devenue un peu plus compliquée, qu’elle a pris une tournure que je n’avais même pas prévue moi-même. J’ai été recalé aux écoles publiques pour terminer mon secondaire, aux écoles de la vie, soit à Saint-Jean-Baptiste et Joseph François-Perreault. Je dis école de la vie, parce que j’ai fait face à bien des situations dans ces deux écoles que je n’aurais jamais connues au Collège et qui, encore aujourd’hui, me servent pour affronter la vie avec sérénité et confiance.

Eh bien, fini le sport les amis! Même si le football faisait son entrée sur la scène inter scolaire avec les écoles anglophones de Québec qui dominaient le circuit, le football était un sport de "block", je n’y étais pas attiré. Pas compliqué, je me serais fait tuer. Non, j’ai préféré demeurer concentré sur mes activités de président du club raquette durant l’hiver, ma couverture pour être le meilleur pusher de l’école. N’ayant pas d’argent de poche de mes parents, tanné de me lever à 6h du matin pour passer le journal, j’avais trouvé la job idéale pour me faire du fric! J’avais même une couple de profs comme clients. Je me suis mis à fumer la cigarette, des « Belvédères », et j’avais une couple de bons chums avec qui j’adorais me tenir. On se gelait le cerveau, on allait avec nos fausses cartes prendre 5 à 10 petites bières à la taverne « Le Foyer » sur la rue Saint-Jean, puis on courait après les petites filles sur la terrasse à l’arrière du château Frontenac jusqu’à tard le soir. Plus tard, nous avons tous obtenu notre diplôme de graduation pour aller sur la Grande-Allée.[2]   À 19 ans, j’avais mon char de l’année, je ne payais pas pension à la maison, puis je travaillais, imaginez-vous, comme éducateur dans un centre correctionnel pour jeunes délinquants tout juste en face de chez moi. Bin quoi? Vous êtes surpris? Qui croyez-vous pouvait être le mieux préparé pour s’occuper de jeunes délinquants, qu’un gars dans mon genre qui avait connu sa part de problèmes? Les jeunes qu’on drillait d’un bord et nous les éducateurs de l’autre, qui faisions nos transactions de dop dans le stationnement de l’institut. Les jeunes s’en doutaient. Ils savaient que nous n’étions pas des enfants de chœur. Puis tout le monde fumait un joint dans ce temps-là. Quiconque qui n’avait pas eu une jeunesse tumultueuse, ne pouvait pas travailler dans ce milieu. On avait juste été plus chanceux qu’eux autres, meilleures familles, meilleurs amis, milieu de vie plus favorable et né du bon bord de la clôture. Vous êtes outrés?  Bien, voyons donc, descendez de votre tour d’ivoire! Dans tous les milieux de travail, en politique, en n’importe quel domaine, il y en a toujours un, une ou plusieurs, qui n’auraient pas pu faire son travail si on avait tout su sur eux. Heureusement, à mon époque, nous étions évalués par nos réalisations au travail et non par nos folies du passé. D’ailleurs, je me suis déjà posé la question récemment en y réfléchissant. Croyez-vous que je pourrais me présenter comme échevin à la ville de Québec aujourd’hui? Oui !! Bien  moi je ne suis pas certain. Imaginez-vous donc, que je ne prendrais même pas la chance, parce que j’aurais trop peur quelqu’un ressorte je ne sais trop quoi de mon passé.
Une petite 50 une belle journée d'été. Y a rien qui va Labatt

La mort de mon frère ainé dans un brutal accident de voiture est venue chambarder ma vie et celle de ma famille. J’avais autour de 22 ans. Mon père s’est laissé mourir, ma mère s’est réfugiée dans la religion et moi révolté contre la vie, je ne savais plus quel bord prendre. Quiconque a perdu un frère ou une sœur de façon aussi fatale comprendra ce désarroi. Je faisais pourtant une belle vie. Une blonde avec qui j’ai eu une belle fille plus tard, mais graduellement, sans m’en apercevoir, j’ai commencé à descendre doucement en enfer. Je me suis séparé parce que je ne savais plus ce que je voulais. Je suis parti sur un trip en Amérique du Sud pendant 9 mois, je me suis rapproché d’amis avec qui j’aimais virer des partys soir après soir, bière, scotch, cocaïne, discothèque, les filles mon homme, y avait rien de trop beau pour moi, jusqu’à ce que je me retrouve plus de blondes, plus de travail, le nez dans poudre, sur l’aide sociale et sans mon fournisseur qui venait de se faire descendre par les Hell’s! [3]


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(À suivre...dans une semaine )


Coach BOB la gazelle!
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Aussi un rouleur!

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Note de l'auteur

"J’aurais certainement souhaité écrire un livre en bonne et due forme et le vendre en librairie. Alors, si je vous ai fait sourire, distrait, passer du bon temps, pourquoi ne pas m’exprimer votre reconnaissance, si ce n'est pas déjà fait, par un don en appuyant sur le bouton « Faire un don » dans le menu en haut de la page à droite."


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[1] Une loi instaurée au Québec rendant criminel ou permettant aux Services Sociaux (Direction de la Protection de la Jeunesse) de retirer un enfant de son milieu familial pour le protéger. 
[2] La rue la plus cossue de Québec où étaient situés bars, discothèques et terrasses plus huppées.
[3] Groupe de motards criminalisés qui contrôle le trafic de drogue au Québec.