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vendredi 23 novembre 2018

Le vélo a sauvé ma vie


Le vélo a sauvé ma vie
Robert Harmegnies
Robert Harmegnies, l'auteur.

Robert Harmegnies n’est pas un écrivain et ne prétend pas l’être. Il ne s’était jamais aventuré plus loin dans l’écriture que pour raconter ses histoires souvent rocambolesques sur son blogue « Rouler à Québec », qui est une façon pour lui de se rapprocher de ses amis(e) cyclistes. Au fil du temps, une relation s’est établie avec eux. Un personnage est aussi né, « Coach Bob la gazelle » dont les histoires et récits ont souvent débordé les frontières du Québec.


Le vélo a sauvé ma vie est son histoire racontée sans prétention, avec la prose qu’on lui connait, et imprégnée de l’accent et du langage typiquement québécois. Ce récit de sa vie et de ses incongruités est également un prétexte pour Coach Bob la gazelle de vous livrer quelques-uns de ses précieux conseils sur la pratique sportive du vélo. Un témoignage de confiance en la vie pour ceux qui doutent parfois d’eux-mêmes. Rien n'est fini tant qu'on n'a pas traversé le fil d'arrivée.

Délivrons-nous du mal et du péché!

Merci et bonne lecture.
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Le vélo a sauvé ma vie

Chapitre 1
Jeunesse faut qu'elle se fasse

Je n’ai jamais été premier de classe et encore moins le meilleur scoreur de mon équipe de hockey lorsque j’étais tout jeune. Par contre, je pouvais connaitre beaucoup de succès ailleurs. Je me souviens de ma maitresse de première année qui me prenait par le cou, me serrant contre elle, j’avais le nez enfoncé dans sa poitrine, étouffant quasiment, qui me disait » ah toi mon beau ptit Robert que je t’aime donc »! J’avoue, cela me faisait du bien. Je suis bien content d’avoir vécu à cette époque. Aujourd’hui, elle se serait faite accusée en justice pour mal intentionnée envers un mineur et il est certain que je n’aurais pas connu ces doux moments de bonheur et de réconfort. 

Je suis issu d’un milieu sain. Je suis vraiment reconnaissant envers la vie de m’avoir catapulté dans une aussi bonne famille que la mienne. Nous n’étions pas les plus riches, mais nous n’étions pas les plus pauvres non plus. Je dirais de la classe sociale moyenne supérieure. On vivait dans une grande maison dans le quartier saint Sacrement de la haute ville de Québec. J’ai passé plusieurs étapes importantes de ma vie dans cette paroisse. J’y ai appris la combativité, la discipline dans le sport, je m’y suis battu pour la première fois, ai fait mon premier larcin, m’y suis saoulé la gueule très souvent pour en être malade et j’y ai frenché ma première fille. À vrai dire, je n’ai jamais été attiré par les ptits garçons. Pourquoi ai-je dit « ma première fille »? Parce que, voyez-vous, elle n’était pas ma blonde. Non pas que je ne voulais pas, ohhhhh que non, mais elle faisait partie de celles qui n’ont pu s’empêcher de m’embrasser juste pour le fun… Elle voulait rendre jaloux celui de son cœur, parait-il. C’est ce qu’elle m’avait dit en tout cas. Non vous vous imaginez comment je me suis senti? Tu sais,  à 35 ans, on s’en fout-tu qu’une fille veuille t’embrasser pour le fun! Cela peut même faire ton affaire, allez next! Elle ne veut pas de moi? Bien fuck! C’est elle la pire. Mais à cet âge-là, on ne comprend pas tout à fait la complexité des sentiments amoureux. Quand on est jeune, on est comme le centre de l’univers, alors on se sent trahi. Puis en plus à 15 ans, en pleine puberté, quand ton affaire est bin dure sans que t’aies eu à y toucher, omnibulé par tes fantasmes qu’un jour, une fille entrera sa main dans ta culotte, oufff pas facile tout cela. Non! Pas facile.

Alors voyez-vous? Comme je vous ai dit tantôt, toujours le 2e! De toute façon, je n’ai été que très très rarement le meilleur. À l’école pour mes notes, au ballon prisonnier, dans les sports, avec ma gang de chums, et aussi loin que je me souvienne, je n’ai jamais été la vedette ou le meilleur. Par contre, j’ai toujours été un rouage important dans les succès des équipes dont je faisais partie. Je me souviendrai toujours, alors que j’étais gardien de but dans les petites ligues de hockey mineur, toujours dans le quartier St-Sacrement de mon enfance, dans le calibre « A », j’arrêtais tout. Un mélange à la Ken Dryden et de Glen Hall pour se tenir debout et pour le style papillon. Il m’arrivait souvent de me coucher de tout mon long la jambe en l’air pour arrêter un lancer dans la corniche du bout de mes jambières, sans même m’en apercevoir! J’avais le gout du spectacle voyez-vous. J’avais aussi l’une des meilleures mitaines de la ligue. Je rêvais tellement d’être repêché par les Castors de Québec (AA) à l’époque, le club représentant la ville de Québec au fameux tournoi Peewee, que lorsqu’on m’a laissé de côté au repêchage pour un autre que je connaissais,  beaucoup plus drabe que moi, j’en ai ragé. Ce n’est que beaucoup plus tard, que j’ai compris que mon côté olé olé, du petit malcommode, indiscipliné, m’avait valu cette mauvaise note. Ce fut le premier échec de ma vie, parce que jusqu’à ce jour, bien honnêtement, j’avais toujours obtenu tout ce que je voulais. L’année d’après, je me suis dit « fuck man», ils ne veulent pas de toi, ta carrière est finie dans les buts, bien je vais monter à l’avant d’abord! Depuis l’âge de six ans, que je tricotais avec la rondelle tous les soirs sur la patinoire des sœurs du collège en arrière de chez moi avec mes chums après nos devoirs d’école. Fouetté, aigri, en beau Cal..à cause de cet échec, je courais après tout ce qui bougeait sur la patinoire sur le 4e trio de mon équipe. J’étais un « grinder ». Vous savez, celui qui doit aller dans les coins pour s’emparer du puck comme disait mon père pour la refiler à son centre pour qu’il la mette dans le net! Si le club adverse voulait faire un exemple de rudesse pour secouer ses troupes, bien c’est à moi qu’il s’en prenait. Je faisais assez de marde sur la patinoire, j’écœurais assez le peuple, et gros comme j’étais, je devenais la cible des plus forts. Je n’ai pas eu le choix. J’ai dû apprendre à jeter les gants, puis à me protéger de l’agresseur jusqu’à ce que l’arbitre intervienne. Cimonac que j’avais hâte qu’il arrive celui-là des fois. C’est à partir de ce moment-là que j’ai compris qu’il n’y avait rien de facile dans la vie. C’est également au travers ces expériences-là que je prends conscience aujourd’hui combien elles ont été utiles pour moi dans la vie pour me sortir du pétrin, pour ne pas me décourager lorsque je fais face à des difficultés. C’est d’ailleurs le problème de beaucoup de jeunes aujourd’hui je dirais. Ils l’ont tellement facile, leur mouman les protègent ou les excusent tellement de tous leurs gestes, que lorsqu’ils sont à terre, ils ne sont plus capables de se relever seuls. C’est la faute des autres bien sûr, mais bon, c’est une autre histoire…

Quelques années plus tard, ma mère m’a forcé à entrer au Collège des Jésuites. J’avais une douzaine d’années, je crois bien. Mon grand frère Claude, le plus vieux, y était passé, avait donné l’exemple, donc fallait que j’y aille. J’avoue que cela m’avait pas mal écœuré de perdre tous mes chums de la petite école. 
Le petit dernier à droite en bas
Heureusement que je fus séduit par mon prof d’éducation physique, Jacques Roy, un dur de dure, la vieille méthode envers ses élèves. Il avait le tour de nous motiver dans les sports et d’aller chercher en nous le désir de vaincre. Je me rappellerai toujours d’un type, qui s’était fait tirer un ballon de basket par lui dans le dos, parce qu’il me reprochait d’avoir fait un mauvais jeu lors d’un entrainement! « Hey le grand!! Tu laisses Harmegnies tranquille compris! » Je ne sais pas si vous le savez, mais recevoir un  ballon de basket dans le dos lorsque t’es un tit cul de 12 ans, ça te secoue le pommier pas à peu près. Aujourd’hui, un prof ferait cela, il serait mis dehors sur-le-champ, ferait le front page du journal le lendemain, puis les parents le poursuivraient en justice pour séquelles mentales à leur pôvre tit loup! J’avoue que je fais partie de la génération qu’une bonne baffe en arrière de la tête ne faisait pas de tort. Et Dieu sait combien nous en avons reçues chez nous par le bonhomme, oups excusez, mon père je voulais dire. Il allait chez Canac-Marquis à l’époque et achetait les règles en bois d’une verge les plus secs qu’il pouvait trouver dans le magasin. Quand le vendeur le voyait fouiller dans le tas, il s’approchait et disait…

« Je peux vous aider, monsieur? Je vous suggère de prendre celles-ci, celles que vous avez entre les mains ont un peu d’âges… Je crois qu’elles sont un peu sèches, laissez-moi voir ailleurs…»
« Non non », disait-il en me faisant un petit sourire,  je vais toutes les prendre monsieur!!"

Il les remisait toutes debout contre le mur en arrière du calorifère de la cuisine à la maison. Vous savez ces vieux calorifères en fonte à eau chaude. Si je faisais une gaffe, si je disais que le repas de maman n’était pas bon, qu’il apprenait que j’avais fait tomber une lampe en courant dans la maison, bien il s’en attrapait une rapidement pour me courir après et me la casser dans le dos. Il y avait 15 marches d’escalier pour monter au 2e plancher vers ma chambre. Si je pouvais arriver au pied de l’escalier avant qu’il m’attrape, je pouvais m’en tirer. Si je me souviens bien, je montais l’escalier en trois enjambées! Lui aussi il aurait pu aller en prison pour maltraitance envers les enfants si la loi 24[1] avait existé.

Enfin, revenons à mon prof d’éduc. Je peux vous dire qu’après cet événement du tir du ballon dans le dos, les consignes de jeux pour chacun étaient claires et surtout respectées. Sous ses ordres, nous avions gagné l’inter collégial au Basket, j’avais mené mon équipe de gouret de salon en final, puis j’étais le meilleur coureur de Track & Field au 400 mètres des 8e années aux finales collégiales contre le Séminaire de Québec. Il y avait cependant une ombre au tableau. J’étais très indiscipliné à l’école et en raison de mes comportements déplacés, je me retrouvais un peu trop souvent en pénitence sur la piste de course à ramasser les samedis matin les cailloux trop gros pour les souliers à crampons. Ce qui devait arriver arriva, lorsque ma mère fut convoquée en fin d’année pour se faire dire que son jeune se faisait sacrer dehors à cause qu’il n’avait pas obtenu la note de passage avec un 58 %!
« Votre jeune est un peu trop vieux pour ses petits amis vous savez Mme Harmegnies »
Une façon polie de lui dire que je parlais trop de cul, de petites culottes de tites filles, pis de saloperies avec mes chums de classe… de bonne famille. Je m’imagine encore un de mes amis trop "straight" parler de masturbation à ses parents à la maison.
"Mais mondou où as-tu appris ces cochonneries-là François?
"Ah, maman c’est Robert Harmegnies, il est assez drôle ce gars-là!!!" 
Mon prof d’éduc avait vainement tenté de faire changer la décision, compte tenu de mes prouesses sportives pour le collège, mais j’avais trop fait de frasques à l’école. Le directeur était bien trop content d’avoir enfin trouvé une bonne raison pour se débarrasser de moi!

Je dirais que c’est à partir de ce moment-là que ma vie est devenue un peu plus compliquée, qu’elle a pris une tournure que je n’avais même pas prévue moi-même. J’ai été recalé aux écoles publiques pour terminer mon secondaire, aux écoles de la vie, soit à Saint-Jean-Baptiste et Joseph François-Perreault. Je dis école de la vie, parce que j’ai fait face à bien des situations dans ces deux écoles que je n’aurais jamais connues au Collège et qui, encore aujourd’hui, me servent pour affronter la vie avec sérénité et confiance.

Eh bien, fini le sport les amis! Même si le football faisait son entrée sur la scène inter scolaire avec les écoles anglophones de Québec qui dominaient le circuit, le football était un sport de "block", je n’y étais pas attiré. Pas compliqué, je me serais fait tuer. Non, j’ai préféré demeurer concentré sur mes activités de président du club raquette durant l’hiver, ma couverture pour être le meilleur pusher de l’école. N’ayant pas d’argent de poche de mes parents, tanné de me lever à 6h du matin pour passer le journal, j’avais trouvé la job idéale pour me faire du fric! J’avais même une couple de profs comme clients. Je me suis mis à fumer la cigarette, des « Belvédères », et j’avais une couple de bons chums avec qui j’adorais me tenir. On se gelait le cerveau, on allait avec nos fausses cartes prendre 5 à 10 petites bières à la taverne « Le Foyer » sur la rue Saint-Jean, puis on courait après les petites filles sur la terrasse à l’arrière du château Frontenac jusqu’à tard le soir. Plus tard, nous avons tous obtenu notre diplôme de graduation pour aller sur la Grande-Allée.[2]   À 19 ans, j’avais mon char de l’année, je ne payais pas pension à la maison, puis je travaillais, imaginez-vous, comme éducateur dans un centre correctionnel pour jeunes délinquants tout juste en face de chez moi. Bin quoi? Vous êtes surpris? Qui croyez-vous pouvait être le mieux préparé pour s’occuper de jeunes délinquants, qu’un gars dans mon genre qui avait connu sa part de problèmes? Les jeunes qu’on drillait d’un bord et nous les éducateurs de l’autre, qui faisions nos transactions de dop dans le stationnement de l’institut. Les jeunes s’en doutaient. Ils savaient que nous n’étions pas des enfants de chœur. Puis tout le monde fumait un joint dans ce temps-là. Quiconque qui n’avait pas eu une jeunesse tumultueuse, ne pouvait pas travailler dans ce milieu. On avait juste été plus chanceux qu’eux autres, meilleures familles, meilleurs amis, milieu de vie plus favorable et né du bon bord de la clôture. Vous êtes outrés?  Bien, voyons donc, descendez de votre tour d’ivoire! Dans tous les milieux de travail, en politique, en n’importe quel domaine, il y en a toujours un, une ou plusieurs, qui n’auraient pas pu faire son travail si on avait tout su sur eux. Heureusement, à mon époque, nous étions évalués par nos réalisations au travail et non par nos folies du passé. D’ailleurs, je me suis déjà posé la question récemment en y réfléchissant. Croyez-vous que je pourrais me présenter comme échevin à la ville de Québec aujourd’hui? Oui !! Bien  moi je ne suis pas certain. Imaginez-vous donc, que je ne prendrais même pas la chance, parce que j’aurais trop peur quelqu’un ressorte je ne sais trop quoi de mon passé.
Une petite 50 une belle journée d'été. Y a rien qui va Labatt

La mort de mon frère ainé dans un brutal accident de voiture est venue chambarder ma vie et celle de ma famille. J’avais autour de 22 ans. Mon père s’est laissé mourir, ma mère s’est réfugiée dans la religion et moi révolté contre la vie, je ne savais plus quel bord prendre. Quiconque a perdu un frère ou une sœur de façon aussi fatale comprendra ce désarroi. Je faisais pourtant une belle vie. Une blonde avec qui j’ai eu une belle fille plus tard, mais graduellement, sans m’en apercevoir, j’ai commencé à descendre doucement en enfer. Je me suis séparé parce que je ne savais plus ce que je voulais. Je suis parti sur un trip en Amérique du Sud pendant 9 mois, je me suis rapproché d’amis avec qui j’aimais virer des partys soir après soir, bière, scotch, cocaïne, discothèque, les filles mon homme, y avait rien de trop beau pour moi, jusqu’à ce que je me retrouve plus de blondes, plus de travail, le nez dans poudre, sur l’aide sociale et sans mon fournisseur qui venait de se faire descendre par les Hell’s! [3]


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(À suivre...dans une semaine )


Coach BOB la gazelle!
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Aussi un rouleur!

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Note de l'auteur

"J’aurais certainement souhaité écrire un livre en bonne et due forme et le vendre en librairie. Alors, si je vous ai fait sourire, distrait, passer du bon temps, pourquoi ne pas m’exprimer votre reconnaissance, si ce n'est pas déjà fait, par un don en appuyant sur le bouton « Faire un don » dans le menu en haut de la page à droite."


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[1] Une loi instaurée au Québec rendant criminel ou permettant aux Services Sociaux (Direction de la Protection de la Jeunesse) de retirer un enfant de son milieu familial pour le protéger. 
[2] La rue la plus cossue de Québec où étaient situés bars, discothèques et terrasses plus huppées.
[3] Groupe de motards criminalisés qui contrôle le trafic de drogue au Québec.

6 commentaires :

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